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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/204

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elle n’existe pourtant pas, et il est évident [125] que les plus grandes différences se donnent cours à ce sujet. Pour la plupart, Dieu n’est manifestement pas autre chose que le génie de l’humanité[1]. L’homme est le prototype de leur Dieu, l’humanité est tout pour eux, et c’est d’après ce qu’ils considèrent comme les événements et les directives de l’humanité qu’ils déterminent les manières de penser et sentir et l’essence de leur Dieu. Or, je vous l’ai dit assez distinctement, l’humanité n’est pas mon tout ; ma religion est aspiration à un Univers dont l’humanité, avec tout ce qui y ressortit, n’est qu’une infiniment petite partie, qu’une forme particulière, éphémère[2], dès lors, un Dieu qui ne serait que le génie de l’humanité peut-il être la cime suprême de la religion ? Il peut y avoir des esprits plus poétiques, et, je l’avoue, je crois que ceux-là occupent un degré supérieur, pour lesquels Dieu est un individu tout à fait différent de l’humanité, exemplaire unique d’une espèce, particulière, et s’ils me montrent les révélations par lesquelles ils connaissent un tel Dieu, — un ou plusieurs, je ne méprise rien tant en religion que le nombre —, ce sera pour moi une découverte très bienvenue, et certainement de cette révélation en sortiront et se développeront en moi plusieurs autres ; mais j’aspire à plus qu’une espèce[3] en dehors [126] et au-dessus de l’humanité[4], et chaque espèce, avec son individu, est subordonnée à l’Univers : par suite, Dieu, pris dans ce sens, peut-il être pour moi autre chose qu’une intuition parmi d’autres ? Cependant, tout cela peut n’être que des concepts incomplets de Dieu. Allons tout de suite au plus haut d’entre eux, à celui d’un Être suprême, d’un Esprit de l’Univers, qui le gouverne avec liberté et intelligence[5], de cette idée encore, la religion n’est pourtant pas dépendante. Avoir de la religion, c’est saisir intuiti-

  1. Cf. p. 91.
  2. Cf. p. 89-90, 105.
  3. Ce mot n’est pas déterminé ; il doit s’agir de révélations ou intuitions, ou de leurs objets.
  4. Pünjer dans son édition intercale entre Anschauung et auszei les deux mots die Anhänger, qui n’ont aucun rapport ni grammatical ni de sens avec le contexte, ils doivent constituer une faute d’impression, et ne figurent pas dans l’édition critique de Otto.
  5. Verstand.