Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il me semble probable que beaucoup d’entre vous ne croient pas que je puisse avoir achevé ma tâche présente en m’arrêtant, ici, et que vous êtes tout de même d’avis qu’on ne peut pas avoir parlé à fond de la religion quand on n’a rien dit de l’immortalité, et autant dire rien de la Divinité. Rappelez-vous, je vous prie, comme je me suis dès le début élevé là-contre, déclarant que ce ne sont pas là ni le point ni les éléments principaux de la religion[1], rappelez-vous également que, quand j’ai esquissé les contours de celle-ci, j’ai aussi indiqué la voie sur laquelle on peut trouver la Divinité ; qu’est-ce donc qui vous manque encore et pourquoi devrais-je accorder une [124] des sortes d’intuitions religieuses plus qu’aux autres ?

Mais je ne veux pas que vous pensiez que j’ai peur de dire un mot pertinent sur la divinité, retenu par l’idée qu’il est dangereux d’en parler avant qu’une définition de Dieu et de l’existence ayant force de loi devant les tribunaux ait vu le jour, et ait été sanctionnée dans l’Empire allemand. Je ne veux pas d’autre part que vous croyiez que je joue le jeu d’une pieuse duperie et que j’aie le dessein, pour me faire tout à tous, de déprécier, avec une feinte indifférence, ce qui doit avoir pour moi une beaucoup plus grande importance que je ne veux l’avouer. Je vais donc m’expliquer un instant encore avec vous, et chercher à vous faire comprendre distinctement que, pour moi, la Divinité ne peut être autre chose qu’un genre particulier d’intuition religieuse, dont les autres sont indépendantes comme elles le sont de toutes, et que de mon point de vue et d’après mes idées que vous connaissez, la profession de foi « pas de Dieu, pas de religion », est sans aucun fondement. Sur l’immortalité aussi je vous dirai mon opinion sans détour.

Tout d’abord, dites-moi, qu’entendez-vous par la Divinité, et que voulez-vous entendre par là[2] ? Car cette définition ayant force de loi dont je parlais tout à l’heure,

  1. Cf. p. 15, note 11.
  2. D’ici à la page 131 l’auteur va exposer ce qu’il croit pouvoir dire de la Divinité et de Dieu, ce sera en grande partie remanié plutôt que modifié dans B. Cf. p. 186, 256-8, 274-5.