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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/33

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lui trop positifs (p. 16) ; pas aux Français, jugés trop frivoles (p. 17). Il s’adresse aux Allemands, non par patriotisme aveugle, croit-il devoir et pouvoir assurer, mais parce que leur pays est celui où le climat est le plus favorable à la culture de l’esprit, le peuple même y étant disposé à se laisser instruire de telles choses. Cependant c’est à l’élite cultivée qu’il parlera : avec elle seule on peut discuter des problèmes aussi délicats. Limitation intellectuellement aristocratique du public auquel il s’adresse. Il importe de la garder présente à l’esprit en lisant ces Discours, si on veut les comprendre en tenant compte de leur intention. Cette élite, nous savons qu’il la voit représentée en première ligne par ses amis romantiques.

Il veut commencer par leur expliquer la raison pour laquelle, d’après lui, ils dédaignent la religion, et qui justifie à leurs yeux ce dédain. Son explication peut se résumer comme suit : leur dédain est justifié en ce qui concerne les religions positives, telles qu’elles se présentent à qui les considère du dehors ; il ne l’est pas à l’égard de la religion en soi, étudiée du dedans, en partant de son essence.

Considérées du dehors, les religions positives sont en effet une création du temps et de l’histoire, c’est-à-dire, de générations successives d’hommes animés des passions et influencés par les idées de leur époque. Le produit est naturellement très différent de ce que devrait être l’œuvre authentique de l’esprit pur, de ce que devrait être la vraie religion, celle dont Schleiermacher entend parler. Il insistera longuement dans son dernier discours sur cette très importante disparité.

Il ne fait ici aucune distinction en faveur du christianisme. Il admet, comme une vérité rationnelle et un fait d’expérience, que l’esprit religieux subit nécessairement, dans toutes les religions positives sans exception, des déformations qui en altèrent la nature originelle, de même d’ailleurs que, d’une façon générale, l’esprit perd de sa pureté, l’idéal de sa perfection, dans toutes les institutions, dans toutes les œuvres humaines où ils sont condamnés à s’incarner pour se réaliser, pour prendre corps et vie.

Il ne veut pas solidariser la religion avec des systèmes philosophiques sur l’origine du monde. De tels systèmes, c’est chez les grands philosophes qu’il faut les chercher, dont les théologiens, dans leurs spéculations de cet ordre,