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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/34

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ne sont que les élèves ; ce n’est pas cela qu’ont apporté aux humains ceux qui, inspirés par Dieu, leur ont appris à diriger leur âme vers l’Éternel (p. 25-31). Il ne veut pas davantage la solidariser avec la morale (p. 31-37). Voir dans la religion un moyen d’assurer le droit et la moralité, c’est rabaisser ces derniers, car ils ne doivent pas avoir besoin d’un tel appui, c’est surtout la rabaisser elle, en l’appréciant du point de vue de son utilité morale et sociale. On verra avec quelle sévérité le disciple, rigoureux à cet égard du Kant moraliste, s’élèvera plus loin (p. 130) contre les promesses de bonheur et les menaces de châtiment dans l’au-delà qui, d’après lui, sont aussi irréligieuses qu’immorales. Il reviendra dans le discours suivant, avec des arguments plus intéressants, sur cette dissociation d’avec la métaphysique et la morale, qui est une des originalités de la religion telle que le romantique la conçoit et va en défendre ici le principe.

Il insiste et insistera sur ce que la religion a de spécifique, ce qui fait d’elle un élément sui generis de la vie humaine, ayant en soi sa raison d’être, « ayant sa province propre dans l’âme », comme il dit en terminant (p. 37), parce qu’il voit là un moyen légitime, et efficace, de l’abriter contre des attaques visant des idées philosophiques et morales critiquables, dont il est compromettant pour elle de la déclarer étroitement solidaire.

Ce qui est à noter surtout ici, c’est le désir, la volonté qu’il a de définir la religion en soi et pour soi, à l’état d’entité pure de tout alliage. Sans le dire, sans peut-être en avoir conscience, il entend faire pour la religion ce que Kant a fait pour la connaissance et pour la morale, on pourrait ajouter, ce que Schiller a fait pour le plaisir esthétique. Comme eux, pour en arriver là, il fait au besoin violence à la nature humaine et à sa complexité. Pourtant, il tient en général très grand compte de celle-ci. C’est même le sens si vif qu’il en a qui, en grande partie fera de lui le moderne rénovateur de la Réforme. Mais sur ce point, l’esprit de système l’emporte pour le moment sur son sentiment du complexe.

Dans ce premier discours, tout en se dégageant radicalement de toute orthodoxie positive « produit du temps et de l’histoire » (p. 22), de tout culte de la « lettre morte » (p. 28-29), il affirme avec force sa foi en une religion vivante qui est esprit, qui vient du ciel, qui est « direction de l’âme