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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/45

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toute l’étendue de leur cours[1]. Dans le haut, la courbe du terrain s’élève au-dessus de celle du lit ; dans le bas, elle est au-dessous : par conséquent, les deux courbes doivent se couper, et ce point d’intersection marque le passage de l’affouillement à l’exhaussement. Il est au sortir de la gorge, et au sommet de l’éventail des déjections. — On voit que les eaux, assujetties à suivre d’abord le relief d’un terrain inégal, ont détruit, peu à peu, les irrégularités des pentes. Elles ont abaissé certains points ; elles ont relevé d’autres points. Ici, elles ont rongé ; là, elles ont exhaussé. Cet angle rentrant, formé par le talus de la montagne et le niveau de la plaine, elles l’ont adouci, en le comblant, et elles ont substitué, dans cette partie, une ligne courbe à une ligne brisée. Le résultat de toutes ces actions a été de créer une courbe de lit nouvelle, qui convient mieux que le profil primitif du terrain à l’écoulement des eaux. — Qu’on le remarque bien : il ne s’agit pas seulement de la destruction de quelques aspérités, que le frottement des eaux aurait rabotées. Qu’on se rappelle un instant ce qui a été dit sur les berges du bassin de réception, et sur les exhaussements du lit de déjection. Ces berges sont des gorges, creusées quelquefois jusqu’à 100 mètres de profondeur. (Chapitre 3.) Ces exhaussements forment des collines dont la hauteur au-dessus de la plaine dépasse souvent 70 mètres. (Chapitre 4.) C’est d’après ces quantités qu’il faut juger des variations énormes que les torrents peuvent introduire dans leurs courbes de lit

Considérés sous ce point de vue, les torrents sont un sujet d’utiles rapprochements. Il est impossible de douter que la création de leur courbe de lit ne soit tout entière leur ouvrage. Par là, ils nous permettent d’assister à un phénomène général, qui, dans les autres cours d’eau, est difficile à saisir, et qui, chez eux, devient palpable. Ils fonctionnent, pour ainsi dire, en notre présence, et font passer sous nos yeux toutes les phases de l’opération.

L’eau coule dans le lit d’un torrent d’après les mêmes lois que dans le lit des plus grandes rivières. La courbe du lit d’un torrent n’est pas différente de celle que présente le lit d’une rivière, ou d’un fleuve quelconque ; mais dans laquelle on aurait réduit l’échelle des longueurs, en conservant celle des hauteurs. C’est le rapport de l’abscisse à l’ordonnée qui a varié, mais les propriétés caractéristiques de la courbe sont restées les mêmes. Aussi

  1. Voyez figure 2.