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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/46

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les torrents ne présentent pas des phénomènes différents de ceux des plus grands cours d’eau, mais ils les présentent sur une échelle qui les exagère. Leur propriété fondamentale, d’affouiller, de charrier, puis d’atterrir, appartient à toutes les rivières ; mais dans les rivières, elle est moins apparente et comme délayée sur une plus grande surface ; tandis qu’elle ressort vivement dans les torrents, qui la présentent condensée dans une région plus circonscrite. Ce qui se passe à l’embouchure des fleuves, quand ils se confondent avec le niveau des mers, est tout à fait comparable à ce qui se passe dans les torrents, quand ils se dégorgent dans les plaines ; les deltas sont de véritables lits de déjection, sur lesquels les fleuves divaguent, de même que les torrents.

C’est ainsi que l’étude des torrents peut jeter quelque lumière sur la théorie des rivières. Cela se verra encore mieux dans la quatrième partie de ce mémoire. (Chapitre 25.)

Une région qu’il faut spécialement étudier dans les courbes de lit des torrents, est celle où commencent les exhaussements, et qui se trouve à l’intersection des deux courbes. C’est là que l’action des eaux change, pour ainsi dire, de signe. Or, il existe là, dans les torrents, des différences peu sensibles au premier aperçu, mais dont les conséquences sont capitales.

Dans les uns, la continuité de la courbe n’est pas brisée dans ce passage, et les pentes des déjections se raccordent tangentiellement avec celles de la gorge. Si bien que rien n’indiquerait sur la courbe, considérée isolément, le point où commence le phénomène de l’exhaussement[1].

Dans d’autres, au contraire, la courbe de lit se brise là d’une manière plus ou moins brusque[2]. Ceux-là nous donnent l’exemple d’un lit dont la courbe n’est pas encore complètement constituée. Les pentes sont imparfaites, et la formation est inachevée. On prévoit de suite que l’exhaussement, dans de semblables torrents, doit se faire d’une manière très-énergique, tandis que la même action, dans les premiers, se trouve déjà comme tout accomplie, n’étant plus provoquée par les mêmes causes, et n’ayant plus le même but à atteindre. C’est en effet ce que montre l’expérience.

  1. Torrents de Boscodon, — de la Sigouste, — de la Béoux ; en général tous les torrents du premier genre qui ont un canal d’écoulement allongé.
  2. Torrents des Graves, — de Pals ; en général beaucoup de torrents du deuxième et troisième genre. On les citera souvent dans le courant du mémoire.