Élégies (Marceline Desbordes-Valmore, 1860)/À Délie, IV
À DÉLIE
Toi, dont jamais les larmes
N’ont terni la beauté,
Enveloppe tes charmes,
Enchaîne ta gaieté ;
Que ta grâce divine,
Sous un voile de deuil,
S’abandonne et s’incline
Sur le bord d’un cercueil !
Quitte cette guirlande
Qui pare tes attraits ;
Laisse-la pour offrande
À ce jeune cyprès :
C’est ici le mélange
Des rosés et des pleurs ;
C’est l’asile d’un ange :
Qu’il dorme sous des fleurs ;
Vois-tu, sous l’herbe tendre,
Ce précoce tombeau ?
Là mon cœur vient attendre
Qu’on en creuse un nouveau.
Oui, mon fils ! l’arbre sombre
Qui se penche vers toi,
En te gardant son ombre,
Croîtra bientôt sur moi !
Toi, dont jamais les larmes
N’ont terni la beauté,
Ne voile plus tes charmes,
Rappelle ta gaieté.
Adieu, belle Délie ;
Je te rends au plaisir ;
Retourne vers la vie,
Et laisse-moi mourir.