Rimes familières/À Grenade

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Rimes familièresCalmann Lévy (p. 51-52).
À GRENADE


À M. Georges Clairin.


 
L’Alhambra, qu’ont bâti les enfants du prophète,
Contre la vétusté vaillamment se défend.
Il est toujours paré comme pour une fête ;
On dirait qu’il espère : on dirait qu’il attend.

Qui sait — (toujours l’Islam agrandit son empire !)
Si les fils de Mahom, enchantement des yeux,
Quand le Christ ne sera plus là pour les maudire,
N’y replanteront pas l’étendard des ayeux ?

 
Car le Christ dont la croix pâlit sur les murailles
N’est plus l’inspirateur des conquérants jaloux ;
Les peuples d’Occident se livrent des batailles,
Mais ce n’est plus la Foi qui dirige leurs coups.

Ils ergotent sans fin sur des questions vaines ;
Ils veulent agrandir la terre sous leurs pas ;
Et, faisant bon marché des souffrances humaines,
Devant les pleurs, le sang, ils ne désarment pas.

Ils ne veulent pas voir, aveugles et stupides,
L’ange exterminateur qui vient pour les punir !
Le néant est au bout des luttes fratricides :
Ils disparaîtront tous, s’ils ne savent s’unir ;

Et quand, repus de gloire et soûlés de carnages,
Ils seront endormis dans l’éternel sommeil,
De l’Orient divin, d’où sont venus les Mages,
De l’Orient vainqueur renaîtra le Soleil !