À l’arrière (Verhaeren)

La bibliothèque libre.
Les Ailes rouges de la guerreMercure de France (p. 123-126).

À L’ARRIÈRE


Quand les fleurs de mon choix te décoraient la taille,
T’en souviens-tu ? C’était dans les bois de Saint-Cloud.
Un avion planait par le soir calme et doux
Et blasonnait le ciel du côté de Versailles.
 
Son bruit rude et guerrier nous donnait à songer :
« Quand donc s’en ira-t-il vers les pays féroces,
Par-dessus l’ennemi qui se terre en ses fosses,
Promener son audace et son volant danger ? »


Et nous voyions déjà s’abattre son orage
Dans la terre fumante ; et ses feux en bondir
Pour mordre et déchirer, et tuer et raidir
Cent ennemis fauchés dans leur haine et leur rage.

Oh ! que nos cœurs sont bons et méchants tour à tour !
À cette heure où la nuit au jour mêlait sa cendre,
Contre la cruauté, je ne pus me défendre
Et la mort évoquée exalta notre amour.