Stèles/Éloge de la jeune fille
Apparence
G. Crès, 1922 [quatrième édition] (p. 77-78).
ÉLOGE DE LA JEUNE FILLE
Magistrats ! dévouez aux épouses vos arcs triomphaux. Enjambez les routes avec la louange des veuves obstinées. Usez du ciment, du faux marbre et de la boue séchée pour dresser les mérites de ces dames respectables, — c’est votre emploi.
Je garde le mien qui est d’offrir à une autre un léger tribut de paroles, une arche de buée dans les yeux, un palais trouble dansant au son du cœur et de la mer.
Ceci est réservé à la seule Jeune Fille. À celle à qui tous les maris du monde sont promis, — mais qui n’en tient pas encore.
À celle dont les cheveux libres tombent en arrière, sans emplois, sans fidélité — et les sourcils ont l’odeur de la mousse.
À celle qui a des seins et qui n’allaite pas ; un cœur et n’aime pas ; un ventre pour les fécondités, mais décemment demeure stérile.
À celle riche de tout ce qui viendra ; qui va tout choisir, tout recevoir, tout enfanter peut-être.
À celle qui, prête à donner ses lèvres à la tasse des épousailles, tremble un peu, ne sait que dire, consent à boire, — et n’a pas encore bu.