Épaves (Prudhomme)/Immortelle

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ÉpavesAlphonse Lemerre. (p. 51-52).


IMMORTELLE


La douceur de la voir m’attache seule au jour,
La douceur de l’entendre enchaîne à l’air ma vie ;
Au bonheur de l’aimer je me livre et me fie,
Mais sur quel fondement repose mon amour ?

Que demain, qu’aujourd’hui, sans pitié, sans retour,
À ses lèvres soudain la pâle maladie
Ravisse leur fraîcheur avec leur mélodie
Et voile ses yeux vifs et tendres tour à tour,


Aurai-je ainsi perdu ce que j’adore en elle ?
Oh ! non : ce qui pour l’âme embellit la prunelle,
C’est un rayon d’en haut ici-bas reflété.

Et, modèle incréé de toute créature,
Le Beau, dans ce qui passe attestant ce qui dure,
Imprime à la fleur même un sceau d’éternité.