Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Arcas et Palémon
VIII[1]
ARCAS ET PALÉMON[2].
Tu poursuis Damalis ; mais cette blonde tête
Pour le joug de Vénus n’est point encore prête.
C’est une enfant encore ; elle fuit tes liens,
Et ses yeux innocents n’entendent pas les tiens.
Ta génisse naissante au sein du pâturage
Ne cherche aux bords des eaux que le saule et l’ombrage ;
Sans répondre à la voix des époux mugissants,
Elle se mêle aux jeux de ses frères naissants.
Le fruit encore vert, la vigne encore acide
Tentent de ton palais l’inquiétude avide.
Va, l’automne bientôt succédant à des fleurs,
Saura mûrir pour toi leurs mielleuses liqueurs
Tu la verras bientôt, lascive et caressante,
Tourner vers les baisers sa tête languissante.
Attends. Le jeune épi n’est point couronné d’or ;
Le sang du doux mûrier ne jaillit point encor ;
La fleur n’a point percé sa tunique sauvage ;
Le jeune oiseau n’a point encore de plumage.
Qui prévient le moment l’empêche d’arriver.
Qui le laisse échapper ne peut le retrouver.
Les fleurs ne sont pas tout ! le verger vient d’éclore,
Et l’automne a tenu les promesses de Flore.
Le fruit est mûr, et garde en sa douce âpreté
D’un fruit à peine mûr l’aimable crudité.
L’oiseau d’un doux plumage enveloppe son aile.
Du milieu des bourgeons le feuillage étincelle.
La rose et Damalis de leur jeune prison
Ont ensemble percé la jalouse cloison.
Effrayée et confuse, et versant quelques larmes,
Sa mère en souriant a calmé ses alarmes.
L’hyménée a souri quand il a vu son sein
Pouvoir bientôt remplir une amoureuse main.
Sur le coing parfumé le doux printemps colore
Une molle toison intacte et vierge encore.
La grenade entr’ouverte au fond de ses réseaux
Nous laisse voir l’éclat de ses rubis nouveaux.
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