Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Chante-nous les deux enfants

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 126-127).

LX[1]


Chante-nous les deux enfants… ils chantent ἀμοιϐ. (ἀμοιϐήδην alternativement).

Deux enfants… leur père et leur mère sont morts, ils n’en savent rien… ils sont égarés dans la forêt… ils disent : j’ai faim… où irons-nous ?… les bêtes nous mangeront… suivons le cours du ruisseau, il nous mènera dans des pays où il y aura ceci et cela, et nous y trouverons ma mère qui nous donnera à manger et du pain dans du lait.

....................
Mais j’ai faim, je suis las, je ne puis plus marcher ;
Dormons ici, demain nous marcherons encore.
Maintenant sous cet arbre il vaut mieux nous coucher.
Tous deux, sous un ormeau, les mains entrelacées,

Ils tombent, et bientôt ils fermèrent les yeux.
L’Olympe vit monter leurs âmes embrassées,
.... et les plaça parmi les enfants des dieux[2].
Le feuillage poussa des plaintes.....
La lune se couvrit d’un voile de douleurs.
L’aurore pleura leur enfance......
D’une rosée amère elle inonda les fleurs.
La hache sur le dos,........
Le bûcheron s’arrêta pour les contempler.
Il crut voir sommeiller deux enfants de déesse.
Il n’osait faire un pas de peur de les troubler.
Hélas ! ils étaient morts ! Le chien, triste et fidèle,
Léchait leurs pieds glacés et gémissait sans bruit ;
Et le doux rossignol, en agitant son aile,
Avait, sur un rameau, pleuré toute la nuit.

  1. Éd. G. de Chénier.
  2. Nous soulignons ce qui n’a pas la forme du vers.