Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/J’ai vu sur d’autres yeux
Apparence
II[1]
J’ai vu sur d’autres yeux, qu’amour faisait sourire,
Ses doux regards s’attendrir et pleurer,
Et du miel le plus doux que sa bouche respire
Un autre bouche s’enivrer.
Et quand sur mon visage, inquiet, tourmenté,
Une sueur involontaire
Exprimait le dépit de mon cœur agité,
Un coup d’œil caressant, furtivement jeté,
Tempérait dans mon sein cette souffrance amère.
Ah ! dans le fond de ses forêts,
Le ramier, déchiré de traits,
Gémit au moins sans se contraindre ;
Et le fugitif Actéon,
Percé par les traits d’Orion[2],
Peut l’accuser et peut se plaindre.