Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Notes et fragments
LXXIX[1]
NOTES ET FRAGMENTS
J’ai été à ce bal où toutes ces belles Anglaises… je les regardais sans rien dire… je portais envie à ceux à qui elles parlaient et de la main de qui elles acceptaient des oranges, des glaces…
....................
Non, je n’ai plus d’empire où commandent ses pleurs.
À ses moindres désirs qu’un doux regard m’annonce,
Non, jamais un refus ne sera ma réponse.
...Penché sur lui j’attendrai ton réveil.
Sans troubler les douceurs de ton chaste sommeil ;
Je baiserai les fleurs qui forment ta couronne,
Et le fin qui te couvre, et l’air qui t’environne.
- Achille au bord de la mer.
Et l’onde résonnante et la roche lointaine
Gémissaient de ses pleurs et soupiraient sa peine.
Ipse interque grèges, interque armenta Cupido
Natus et indomptés dicitur inter equas.
Illic indocto primum se exerçait arcu.
Hei mihi, quam doctas nunc habet ille manus !
Nec pecudes, velut ante, petit : fixisse puellas
Gestit, et audaces perdomuisse viros.
Tibull, lib. II, Eleg. i, vers. 67 et sequent.
Il faut traduire ces vers charmants, et imiter toute cette élégie, qui est un des plus beaux poèmes de l’antiquité. Il est plein d’âme, d’esprit, d’érudition et de philosophie ; car les érotiques anciens ne sont pas des Dorat. J’en dis autant de la huitième élégie du livre Ier
Crudeles Divi ! serpens novus exuifc annos !
Tibull, lib. I, Eleg. iv, vers. 35.
............Cruelles destinées !
Le serpent rajeuni dépouille ses années.
Quand d’un souffle jaloux la Parque meurtrière
Viendra de mon flambeau dissiper la lumière,
Si tu viens près de moi, sur mon lit de douleur
Ta présence pourra répandre des douceurs.
Pour apaiser l’effroi que cet instant réveille,
Que le son de ta voix flatte encore mon oreille ;
Qu’autour de toi mes bras soient encore attachés,
Que tes yeux sur les miens soient encore penchés,
Que ta bouche se joigne à ma bouche expirante,
Que je tienne ta main dans ma main défaillante !
Nunc et amara dies, et noctis amarior umbra :
Omnia nunc tristi tempora felle madent.
Tibul., lib. II, El. iv, vers. 11.
Il faut traduire ou imiter ces beaux vers de mon Tibulle :
......Le jour est amer à mon cœur ;
La nuit vient et plus triste et plus amère encore.
Tout meurt autour de moi du fiel qui me dévore.
- ou littéralement :
Chaque instant de ma vie est abreuvé d’absinthe.
Le doux éclat du jour est amer à mon cœur.
La nuit vient et plus triste et plus amère encore.
Tout meurt autour de moi du fiel qui me dévore.
- ou littéralement, ce qui est dur :
Chaque instant est trempé du fiel qui me dévore.
Et tinctus viola pallor amantum,
Hor[2].
La pâle violette, emblème de l’amour.
Et la fleur de l’amour, la pâle violette.
La douce violette attirait tous ses vœux ;
C’est la fleur des amants, elle est pâle comme eux.
Je vois la violette, en sa douce pâleur,
De l’amour langoureux affecter la couleur.
Ah ! les serments jurés à la beauté qu’on aime
Sont le serment du Styx redoutable aux dieux même.
Un vers brûlant d’amour et de larmes trempé.
Lui soupirer un vers plein d’amour et de larmes.
L’onde changée en pleurs roule des flots amers.
Vos jours brillants et purs ignorent les nuages.
Et la rose pâlit sur ta lèvre tremblante.
Que leurs vaisseaux errants poursuivent la fortune ;
Qu’à la cour enchaînés, leur grandeur importune
Assiège tous leurs pas de superbes ennuis ;
Que de vastes projets inquiètent leurs nuits.
- Ex Terent.[3]
L’ingrate de mes maux n’a point eu de pitié…
Je lui dois bien ma rage et mon inimitié.
Vent jaloux, pour jouer ma crédule espérance.
Avec sa perfidie es-tu d’intelligence ?
- Ex Terent.[4]
Pourquoi je ne viens plus ? Sans doute, je le croi,
Cette porte toujours est ouverte pour moi,
Et jamais vous jouant de ma crédule attente,
Votre portier ne feint que vous êtes absente.
Ne me parlez jamais de ces figures rouges paysannes… ignobles… parlez-moi de ces beautés qui ressemblent à des statues antiques ou aux femmes du Guide.