Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Or venez maintenant
IV[1]
Or venez maintenant, graves déclamateurs,
D’almanachs, de journaux, savants compilateurs ;
Déployez pour mes vers vos balances critiques,
Flétrissez-les du sceau des lettres italiques ;
Citez faux de grands noms, épouvantails des sots ;
Aux lourds raisonnements joignez de lourds bons mots ;
Assurez que ma muse est froide ou téméraire,
Que mes vers sont mauvais, que ma rime est vulgaire.
Je l’ai bien fait exprès ; votre chagrin m’est doux.
Je serais bien fâché qu’ils fussent bons pour vous.
Mon Dieu ! lorsqu’imitant ce bon roi de Phrygie,
Vous jugez ou le drame, ou l’ode, ou l’élégie,
Faut-il que nul démon, ami du genre humain.
Jamais à votre front ne porte votre main !
Vous sauriez une fois combien les doctes veilles[2]
Sur votre tête auguste allongent vos oreilles