Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Tu dis qu’on a dit du mal de moi

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 296-297).


LXXX[1]


Elég. frag.


Tu dis qu’on a dit du mal de moi… peu m’importe. Je sais trop que ceux dont je suis connu ne croiront pas quiconque m’accusera d’autre chose que de faiblesses que l’âge excuse… je pourrais me venger avec l’ïambe tincta Lycambo sanguine… mais j’aime mieux… que ce dont mon nom tire plus de splendeur soit de mes vers l’innocente candeur… et je ne serais flatté de rien tant que de faire dire : ce poète


Sut mépriser l’injure, et, sourd à ses clameurs,
Fut doux en ses écrits et plus doux en ses mœurs.


Et que la vérité


Un jour dise de moi : Cet enfant des neuf sœurs
Fut doux en ses écrits et plus doux en ses mœurs ;
Jamais de la puissance esclave tributaire.
Il n’a brûlé pour elle un encens mercenaire ;
Et jamais le repos de quelqu’un des humains
Ne fut blessé d’un trait qui partit de ses mains.

J’aurais trouvé sans peine au carquois de l’Iambe,
Son vers âpre et guerrier teint du sang de Lycambe ;


Mais, quoiqu’il soit aussi permis de se défendre qu’il est injuste d’attaquer…

  1. Éd. G. de Chénier.