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Archives départementales de la Haute-Garonne

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ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE LA HAUTE-GARONNE[1]




notice descriptive

Avant la Révolution, Toulouse était le siège d’importantes institutions judiciaires, ecclésiastiques, universitaires, ayant toutes des archives, qui contenaient les titres relatifs à leur histoire et nécessaires à la défense de leurs droits et de leurs intérêts. Si la Révolution a supprimé ou transformé les institutions, elle a eu, du moins, l’intention d’en conserver les archives, dont elle a réservé la propriété à l’État.

C’est en vertu de la loi du 5 brumaire an v qu’ont été organisées les Archives départementales par la réunion des fonds de provenances diverses, qui forment l’une des sources les plus fécondes de l’histoire provinciale. Malgré les destructions, les détournements, malgré les négligences apportées à effectuer les versements, le dépôt de la Haute-Garonne a été constitué dans des conditions relativement favorables ; grâce à l’apport primitif et aux adjonctions opérées depuis l’origine et qui en ont quadruplé la composition, il peut prendre rang parmi les principaux de France. Toutes les réintégrations ne sont pas encore terminées ; il est nécessaire de réserver de la place pour des documents, en nombre assez considérable, remontant surtout à la Révolution, dont il importe d’enrichir nos collections pour la facilité des recherches et le profit de l’histoire. Le dépôt serait un des premiers et pourrait même, en ce qui concerne l’histoire politique, soutenir la comparaison avec ceux de Lille, de Marseille et de Dijon, s’il n’avait pas été amoindri par suite du besoin de centralisation qui, à toutes les époques, a caractérisé l’administration française. Dès que le Languedoc fut réuni à la Couronne vers la fin du treizième siècle, les légistes du roi se sont empressés de réclamer, pour les réunir au Trésor des Chartes, les archives des comtes de Toulouse. C’est à Paris qu’il faut aller pour consulter tous les actes antérieurs au quatorzième siècle, qui concernent les affaires publiques, le domaine, le gouvernement des provinces du Sud-Ouest. À Paris ont été également concentrés les registres de la collection Béthune, qui contiennent les pièces du pouvoir central relatives au Languedoc, la correspondance administrative et politique du gouvernement de la province pendant le seizième siècle et pendant la première partie du dix-septième.

En revanche, pour les fonds judiciaires, le dépôt de Toulouse est le premier après celui des Archives nationales. La collection des minutes notariales ne comprend pas moins de dix mille volumes, nombre qui ne se trouve peut-être pas ailleurs. Pour les fonds religieux, les milliers de registres et de liasses fournis par le grand prieuré de Malte à Toulouse n’ont de rivaux qu’à Marseille pour la quantité et la variété. Dans tous les grands dépôts, on cite les fonds de grandes abbayes ou congrégations ; celui de Saint-Sernin ne le cède à aucun autre de la région en nombre et en importance. Si les dossiers d’une intendance font défaut, la section historique est parvenue à pouvoir posséder une collection complète des délibérations des États de Languedoc de 1497 à 1789.

L’intérêt des archives de la Haute-Garonne dépasse les limites du département ; toute la région située entre l’Océan, les Pyrénées, le Plateau Central, la Méditerranée et la rive droite du Rhône, et comprenant de quinze à vingt départements, c’est-à-dire près d’un quart de la France, possède une bonne parue des documents originaux, pour les diverses branches de son histoire, dans les fonds du Parlement et du grand prieuré de Malte. Telle état l’étendue du territoire où la Cour souveraine exerçait sa juridiction et où l’Ordre militaire en question était propriétaire de vastes possessions.

Organisé comme il l’est aujourd’hui, le dépôt de la Haute-Garonne forme trois sections bien distinctes, qui ne sont pas groupées dans le même bâtiment : elles sont distribuées entre le Palais-de-Justice et la Préfecture.

Au Palais-de-Justice sont installées la section judiciaire et la section notariale. À l’origine, la première fut formée par le greffe du Parlement et par les annexes de cette Cour. On ne compte pas moins de 4 110 registres et de 905 portefeuilles, contenant les arrêts civils et criminels, depuis le procès-verbal d’installation de la Cour en juillet 1444 jusqu’à celui de suppression en septembre 1790. Parmi les annexes, il convient de citer les fonds de la réformation forestière, menée à bonne fin, de 1669 à 1672, par le commissaire général Louis de Froidour, sous l’inspiration de Colbert. Toutes les communes, situées sur le versant français des Pyrénées et sur le versant méridional des Cévennes, qui prétendaient avoir des droits d’usage dans les forêts royales, furent obligées de produire leurs titres devant les enquêteurs. La réunion des arrêts et des pièces justificatives constitué une collection, souvent consultée à propos des contestations que soulève la jouissance des bois et des pâturages.

Au Parlement, on a réuni les registres du présidial de Toulouse et tous les fonds des juridictions inférieures, supprimées en 1790 et comprises dans les limites de la Haute-Garonne.

Les registres sont classés, numérotés, étiquetés, garnis d’une reliure ancienne. Ils offrent un aspect sévère en rapport avec l’austérité des actes de la justice. Dans la première pièce, réservée au public, la muraille est couverte par une carte dressée à une grande échelle et qui représente la région de la France méridionale ressortissant au Parlement de Toulouse. À la fin du second Empire, quand l’architecte eut à préparer une salle pour ranger les arrêts civils, il tint à ce que le local fût en harmonie avec le caractère des collections et rappelât, par les motifs de la décoration, l’époque médiévale de la fondation de la Cour. À première vue, le visiteur croit pénétrer dans la salle d’honneur d’un château féodal ; sur le plafond est collée une toile peinte aux tons éclatants, dont les compartiments encadrent la lettre initiale de Charles vii, fondateur du Parlement. Au-dessus des étagères, se détachent, en lettres dorées, les noms des premiers présidents ; des inscriptions en caractères gothiques rappellent la date de l’institution. Comme contraste, des fauteuils, des chaises et un canapé remontant à Louis xv, sont disséminés de divers côtés ; ce sont probablement les épaves du mobilier qui jadis devait garnir le Palais.

L’architecte, qui a voulu tenir compte de la couleur locale au moment de la transformation des locaux, n’a fait que suivre des errements anciens. Un de ses prédécesseurs avait, dans d’autres pièces, surmonté les étagères de festons ogivaux. Ce système d’ornementation, qui donne aux salles un aspect théâtral, est une preuve de l’intérêt que l’administration et le Conseil général portaient aux archives ; on engageait des dépenses même de luxe, pour assurer aux collections un local en rapport avec leur importance.

On ne prit pas tant de soin pour les liasses ou plutôt les sacs, au nombre de quatre-vingt mille, contenant les procédures. Les commis du greffe parlementaire les avaient entassés pêle-mêle dans les greniers d’où on les a retirés ; il était impossible, avec les ressources dont on disposait, d’en entreprendre le débrouillement ; on s’est d’abord contenté de les accumuler dans les casiers. Quand la place fit défaut, les ouvriers, chargés de la manipulation, eurent la singulière idée de disposer les sacs en bastions, en tours, en pyramides. Ce système de classement a chance de ne pas être bouleversé, tant que la section n’aura qu’un archiviste adjoint.

La section notariale n’a été régulièrement constituée qu’en 1899. Les notaires de l’arrondissement de Toulouse, suivant les traditions de leurs prédécesseurs de l’ancien régime, reléguaient, dans un local spécial, les minutes dont ils n’avaient plus besoin et les volumes des offices supprimés. Il advint, après plusieurs déménagements, que le dépôt fut porté sur le même étage que la section judiciaire. À diverses reprises, des tentatives furent vainement faites pour mettre de l’ordre dans les collections ; enfin, les notaires, désireux de rendre accessibles aux chercheurs les ressources de leurs collections, se sont entendus avec le Conseil général de la Haute-Garonne, qui fournit le crédit nécessaire à la rétribution d’un adjoint placé sous la direction de l’archiviste en chef. Les fonds primitifs, accrus par les versements récents, comprennent dix mille volumes, sans compter sept mille testaments isolés et les pièces employées à partir de la fin du seizième siècle, par les notaires, dans la gestion des affaires de leur clientèle ; ce genre de dossiers forme le complément de divers fonds conservés aux archives départementales.

Actuellement, la question des archives notariales est à l’ordre du jour ; on a même discuté un projet de loi autorisant les titulaires d’offices à déposer leurs minutes aux Archives départementales, afin d’en assurer la conservation et d’en faciliter la consultation. C’est au Conseil général de la Haute-Garonne et à la Chambre des notaires de Toulouse que revient l’honneur d’avoir pris l’initiative de cette réforme importante ; elle aura pour résultat de mettre, pour le plus grand profit de l’histoire et de l’économie politique, des ressources inépuisables et inexplorées à la disposition des travailleurs.

À la Préfecture, ancien hôtel de l’archevêché, on a transformé, au milieu du dix-neuvième siècle, l’ancienne chapelle en une salle d’archives qu’éclairent de larges fenêtres ouvrant sur le parc ; elle est partagée en cinq travées que coupe, à moitié hauteur, une galerie régnant sans interruption sur tout le pourtour. Les collections forment deux parties bien distinctes : l’une historique, l’autre administrative. Dans la première, sont rassemblés les fonds d’origine religieuse, civile ou universitaire. Nous avons fait déjà ressortir quelle était l’importance des collections de l’ordre de Malte. Comme souvenirs de l’ancienne Université, une des plus fréquentées au Moyen-âge, il reste à peine quelques épaves ; en revanche, on a conservé la plupart des documents provenant des collèges établis à Toulouse par des évêques, des grands seigneurs, afin de recevoir les élèves d’un pays. Les collèges existant, à Oxford et à Cambridge, rappellent les établissements de l’ancienne Université de Toulouse, auxquels ils peuvent être comparés par suite de leur organisation.

La période révolutionnaire est largement représentée au dépôt par des centaines de registres et de liasses : d’actives démarches sont tentées pour faire verser toute une série de documents judiciaires de la même époque.

À côté de ces collections, qui désormais appartiennent à l’histoire, viennent s’entasser les collections administratives, parmi lesquelles un certain nombre devra être réservé pour les chercheurs de l’avenir. À mesure que les services publies se développent, les versements deviennent plus fréquents et plus considérables : c’est une marée montante qui menace de tout envahir. La grande salle n’a pas suffi pour les recevoir ; tout le second étage de l’aile droite en est encombré au point de faire craquer les cloisons du premier et de compromettre la solidité des planchers, et la place fait défaut. Les règlements, touchant la suppression des papiers inutiles, remontent à plus de soixante ans, époque où la situation était différente. Il convient d’arriver aux moyens à prendre pour que les archives ne soient pas un magasin de papiers ; il importe qu’elles répondent au but de leur institution, c’est-à-dire qu’elles servent à la conservation des documents nécessaires aux études historiques, aux recherches de l’administration, à la défense des intérêts publics et privés.

L’encombrement nuit aux exigences du service : on ne peut offrir que quelques places aux travailleurs. Aussi, le Conseil général, à la demande de l’administration, a-t-il voté les crédits nécessaires à l’agrandissement des locaux ; le second étage de l’hôtel va être évacué ; le bâtiment de l’ancienne Maîtrise sera bientôt affecté aux archives, où les séries seront plus largement installées et où le public trouvera les facilités inconnues jusqu à présent dans le dépôt et que l’on rencontre dans les établissements de la Ville et de l’Université. Grâce à ces améliorations, les archives départementales, avec celles du Capitole, les bibliothèques et les autres dépôts scientifiques, contribueront à faire de Toulouse la ville du Sud-Ouest offrant les ressources les plus nombreuses et les plus variées pour les recherches de tout genre.

F. Pasquier,
Archiviste en chef de la Haute-Garonne.


  1. L’inventaire des Archives départementales comprend cinq volumes parus, Toulouse, Privat. Série B : Arrêts civils du Parlement, 1444-1770, 3 vol. Série C : Administration provinciale, i : États de Languedoc, 1497-1789, 1 vol. Série H, En cours de publication : Ordre de Malte.