Aux Flamandes d’autrefois (Verhaeren)

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PoèmesSociété du Mercure de France (p. 175-176).

AUX FLAMANDES D’AUTREFOIS


Au grand soleil d’été qui fait les orges mûres,
Et qui bronze vos chairs pesantes de santé.
Flamandes, montrez-nous votre lourde beauté
Débordante de force et chargeant vos ceintures.

Sur des tas de foin sec et fauché, couchez-vous !
Vos torses sont puissants, vos seins rouges de sève,
Vos cheveux sont lissés comme un sable de grève,
Et nos bras amoureux enlacent vos genoux.

Laissez-vous adorer, au grand air, dans les plaines,
Lorsque les vents chauffés tombent du ciel en feu,
Qu’immobiles d’orgueil, au bord de l’étang bleu,
Dans les midis vibrants et roux, trônent les chênes.


Au temps où les taureaux fougueux sentent venir
L’accès du rut, la fièvre affolante, hagarde,
Lorsque dans les vergers des fermes on regarde
Les jeunes étalons, le cou tendu, hennir ;

Lorsque l’immense amour dans les cœurs se décharge,
Lorsqu’ils s’enflent, au souffle intense de la chair,
Comme s’ouvre la voile aux rages de la mer,
Aux assauts redoublés d’un vent qui vient du large.

Telles, avec vos corps d’un éclat éternel,
Votre œil miroitant d’or, votre gorge fleurie,
Nous vous magnifions, femmes de la patrie,
Qui concentrez en vous notre Idéal charnel.