Avril (E. Pailleron)/À une femme

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Avril (E. Pailleron)
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 49 (p. 754-755).
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À UNE FEMME.


Oui, vous êtes charmante, Alice, et je vous aime,
Vous, votre bouche rose et vos yeux étoilés,
Et cela tout autant que vous m’aimez vous-même,
Tout autant ! mais pas plus,… pas plus — si vous voulez.

Mon Dieu ! je vous comprends. Vous voudriez, madame,
— Si vous êtes bien sage et si je le permets, —

Avoir ce beau joujou que j’appelle mon âme…
Ne pleurez pas, enfant, — vous ne l’aurez jamais.

Jamais vous ne l’aurez, l’âme altière et farouche !
Sur vos deux petits pieds dressez-vous comme il faut ;
Vos blanches mains peut-être iront jusqu’à ma bouche,
Mais non jusqu’à mon cœur, ma chère, — il est trop haut !

Lui-même il s’est rivé sur un roc, dans l’espace,
Là-haut, plus haut encor, dans le haut firmament !
Triste et fier, il attend l’ange qui, lorsqu’il passe,
Brise d’un glaive d’or les clous de diamant !

EDOUARD PAILLERON.