Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Thaer (Albert)
THAER (Albert), agronome célèbre, était né en 1752, à Celle, dans le pays de Hanovre. Fils d’un médecin, il se destina lui-même à cette profession, et se rendit à Gœttingue pour y faire ses études. La dissertation : De actione systematis nervosi in febribus intermittensibus, qu’il composa pour obtenir le grade de docteur, appela sur lui l’attention publique. Reçu docteur en 1774, il retourna dans sa ville natale, pour s’y vouer à la pratique de la médecine ; mais cette carrière sembla d’abord lui offrir peu d’attraits, et il parut la négliger pour s’appliquer à l’étude de la philosophie. Il prit alors une part très-active à plusieurs travaux littéraires ; ce qui l’amena à vivre dans l’intimité d’hommes fort distingués par leur savoir. Cependant il n’abandonna pas entièrement la pratique médicale, et même il acquit la réputation d’un docteur dont l’œil pénétrant et le cœur sensible avaient auprès des malades les meilleurs résultats. Nommé médecin de la cour dans la Grande-Bretagne, il devint médecin ordinaire du roi de Prusse, en 1777. Cependant, quelle que fût l’estime qu’il avait acquise dans son art, son extérieur froid et sa sensibilité excessive lui en rendirent la pratique très difficile. Il ne pouvait supporter la vue de ses amis, quand il les croyait en danger, et se voyait forcé de s’éloigner d’eux. Ce caractère de faiblesse, si contraire aux nécessités médicales, le força de chercher des distractions dans la culture des fleurs. Mais ce goût ne put l’occuper longtemps. Voulant se créer une sphère d’action plus vaste, plus féconde en résultats, et qui lui fît oublier les pénibles moments qu’il passait au lit des malades, il se tourna vers l’agriculture en grand, qui lui parut réunir ces avantages. Ayant commencé par lire tout ce qui avait paru dans son pays sur l’économie rurale, il fut peu satisfait des systèmes allemands, et recourut aux ouvrages anglais, où il trouva ce qu’il désirait. Dès ce moment toute son existence appartint à l’agronomie. En 1794, il publia son Introduction à l’étude de l’agriculture anglaise, dont le succès surpassa son attente. Ayant renoncé à la pratique médicale, il ne voulut plus être que consultant ; donna tous ses soins à l’exploitation d’une petite propriété qu’il possédait près de Celle, et fit paraître une espèce d’ouvrage périodique sous ce titre : les Annales d’agriculture de la Basse-Saxe. Il commença aussi alors son institut pour l’instruction des agriculteurs, devenu si célèbre. Lorsqu’en 1803, les Français occupèrent l’électorat d’Hanovre, ne pouvant supporter la présence des étrangers dans sa patrie, Thaer accepta l’offre qui lui avait été faite de se rendre dans les États prussiens, et il y reçut le titre de conseiller privé au département de la guerre ; puis il fut nommé membre de l’Académie des sciences de Berlin, et continua les Annales d’agriculture, qu’il avait commencées à Celle. Ce journal parut sous son nom jusqu’à l’année 1824, époque à laquelle l’Académie d’agriculture de Berlin se chargea de sa publication. Voulant qu’il unît la pratique à la théorie, le roi de Prusse lui donna en ferme une partie du bailliage de Wallup sur l’Oder, afin qu’il y poursuivît son institut agricole. Mais comme, suivant les vues du célèbre agronome, le terrain extrêmement fertile de ce bailliage ne convenait pas à un établissement qui devait servir en même temps de ferme expérimentale et modèle, il vendit cette ferme et acheta avec le prix qu’il en reçut la terre de Mœglin, où il fonda l’institut agricole qui devait tant ajouter à sa célébrité. Cet établissement s’ouvrit en 1806 dans les circonstances les plus difficiles. Il eut néanmoins dès lors un très-grand succès, et l’année suivante le fondateur obtint le titre de conseiller d’État. En 1810, lors de la création de l’université de Berlin, Thaer fut nommé professeur d’agriculture et en même temps rapporteur de tous les objets d’agriculture auprès du ministre de l’intérieur. Dans la même année il donna ses Principes raisonnés d’agriculture, ouvrage dont le mérite a été partout reconnu, et qui a été traduit dans la plupart des langues de l’Europe. En 1815, il devint intendant général des bergeries royales ; et deux ans après, le roi lui conféra l’ordre de l’Aigle-Rouge, 3e classe. En 1823, il provoqua l’assemblée qui fut réunie à Lepzig pour l’examen des laines. Ce fut l’année suivante qu’il célébra un jubilé en commémoration de sa réception au doctorat qu’il avait obtenu un demi-siècle auparavant. Cette fête fut un hommage éclatant rendu à ses services. Le roi de Prusse lui fit exprimer sa parfaite satisfaction, et les rois d’Angleterre, de Bavière, de Saxe et de Wurtemberg, lui envoyèrent des décorations avec des lettres pleines de bienveillance. Ses nombreux amis et ses élèves lui témoignèrent leur estime et leur reconnaissance par les démonstrations les plus vives. La classe des cultivateurs elle-même lui envoya une députation, pour le remercier des services qu’elle avait reçus de lui. Plus tard Thaer a toujours parlé avec une douce émotion, de ce jour mémorable, où il avait acquis la preuve qu’il s’était rendu utile, non-seulement à sa patrie, mais au monde entier. Depuis cette époque, tout en conservant son activité, il vécut au sein de sa famille, heureux du bien qu’il avait fait. Sans nous étendre sur la vie politique de cet agronome, nous dirons que sa morale était fondée sur une excessive bonté, sur une bienfaisance, une philanthropie vraie et qui ne se démentit jamais. Ses écrits sont remarquables par la clarté, la concision et l’excellence des préceptes. Comme professeur, il était chéri de ses disciples, que séduisaient toujours son huumeur gaie et ses paroles à la fois instructives et entraînantes. Aimant particulièrement la société des jeunes hommes, dans les commencements de la maladie qui l’a mis au tombeau, il fut toujours entouré de jeunes gens avides d’instruction, et dont il s’était fait de véritables amis. Il mourut au milieu d’eux dans la terre de Mœglin, qu’il a rendue à jamais célèbre, le 26 octobre 1828. On a traduit ses écrits en plusieurs langues. Ceux qui l’ont été en français sont : I. Principes raisonnés d’agriculture, trad. de l’allemand par le baron Crud, Genève 1811-16, 4 vol. in-4º, fig.; seconde édition. Paris 1828, et année suiv. 4 vol. in-8º et atlas. II. Description des nouveaux instruments d’agriculture les plus utiles, trad. de l’allemand par Mathieu de Dombasle, Paris, 1821, in-4º avec 25 planches. M—dj.