Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/ARGENS (Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 2 page 186 à 187

ARGENS (Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’)


mort, son fils écrivit à d’Argens de ne plus craindre les bataillons des gardes, et de venir les braver jusque dans Potsdam. Il s’y rendit, fut fort bien accueilli, et, après quelque temps d’incertitude sur son sort, reçut la clef de chambellan, 6,000 livres de pension, et la place de directeur général des belles-lettres de l’académie. Il était des soupers et de la société habituelle du roi, qui paraissait le préférer à beaucoup d’autres, à cause de sa bonhomie et de sa conduite tout à fait exempte d’intrigue et de tracasserie, mais qui ne l’en épargnait pas davantage dans ses plaisanteries, et lui jouait même nombre de tours malins, auxquels il donnait lieu par ses manies hypocondriaques. Presque sexagénaire, il devint amoureux d’une comédienne nommée Cochois, et l’épousa à l’insu de Frédéric, qui ne l’apprit pas sans beaucoup d’humeur, et en conserva toujours du ressentiment. Après la guerre de sept ans, étant allé voir sa famille en Provence pour la seconde fois depuis son établissement en Prusse, Frédéric imagina de composer sous le nom de l’évêque d’Aix, et de faire répandre sur la route du marquis un mandement où il était signalé et excommunié comme impie. Cet écrit lui donna d’abord de vives alarmes ; heureusement il découvrit la ruse, au titre d’évêque d’Aix, que Frédéric, par mégarde, avait employé à la place de celui d’archevêque. Retourné en Prusse, il eut plus que jamais à souffrir de l’humeur caustique du roi ; il demanda la permission de faire un troisième voyage en Provence ; elle lui fut d’abord refusée, puis accordée pour six mois seulement. Il retournait auprès du roi lorsqu’il tomba malade à Bourg-en-Bresse : le roi, qui se crut joué, se livra à des emportements indignes de lui. D’Argens, se regardant comme dégagé de sa promesse, reprit le chemin de la Provence, où il passa environ deux ans dans un petit bien que lui avait donné l’un de ses frères, trop généreux pour ne pas enfreindre en sa faveur l’acte d’exhérédation. Il mourut le 11 janvier 1771, dans sa 68e année, après avoir manifesté des sentiments, et même exercé des pratiques de dévotion que sa vie et ses écrits ne faisaient point attendre de lui. Frédéric lui fit enlever un mausolée dans l’église des minimes d’Aix.

Ces ouvrages sont :

1e Lettres juives, 1754, 8 vol. in-12 ;

2e Lettres chinoises, 1755, 6 vol. in-12 ;

3e Lettres cabalistiques, 1769, 7 vol. in-12 ;

4e Philosophie du bon sens, 1768, 3 vol. in-12 ;

5e Mémoires du Marquis de Miremon, ou le Philosophe solitaire, 1736, 1 vol. in-12 ;

6e Nouveaux Mémoires du comte de Bonneval, publié sous le nom de Mirone, 1737, 4 vol. in-12 ;

7e Mémoires du chevalier de ***, 1745, 2 vol. in-8o ;

8e Mémoires du comte de Vaxère, ou le faux Rabbin, 1757, 1 vol. in-12 ;

9e Mentor cavalier, 1736, 1 vol. in-12 ;

10e Nonnes galantes, ou l’Amour embéguiné, 1749, 1 vol. in-12 ;

11e Discours de l’empereur Julien contre les chrétiens, nouvelle édition, avec des notes de Voltaire, 1768, 1 vol. in-8o ;

12e Songes philosophiques, 1746, 1 vol. in-12 ;

13e Triomphe de la Vertu, ou Voyages sur mer et Aventures de la comtese de Bressol, 1741, 3 vol. in-12 ;

14e Traduction d’Ocellus Lucanus, Berlin, 1762, 1 vol. in-12 ;

15e Traduction de Timée de Locres, Berlin, 1765, petit in-8o ;

16e Réflexions critiques sur différentes Écoles de peinture, 1750, in-12 ;

17e Mémoires secrets de la République des Lettres, 1744, 7 vol. in-12 ;

18e Lettres philosophique et critiques, par madame Cochois, avec les Réponses de M. d’Argens, 1744, 1 vol. in-12 ;

19e Mémoires du marquis d’Argens, nouvelle édition, 1807, 1 vol. in-8o ;

20e Mémoires secrets et universels de la République des Lettres, Berlin, 1765-1768, 14 vol. petit in-8o. C’est une nouvelle édition entièrement refondue des Mémoires secrets de la République des Lettres.

Ces nombreux ouvrages, fruit d’une philosophie audacieuse que ne contenait ni la crainte de l’autorité, ni celle des jugements publics, ont joui assez longtemps d’une sorte de vogue qui a fait place au dédain, et même à l’oubli. L’instruction y est grande et variée, mais employée avec trop peu de goût, de critique et de bonne foi ; les rapprochements y sont quelquefois ingénieux, mais beaucoup plus souvent bizarres ; le style en est facile, mais diffus, chargée de néologismes, et en général entaché de tous les défauts qu’entraîne l’habitude d’écrire vite et beaucoup, dégénérée en métier ou en manie. ― Son frère, chevalier de Malte, a publié des Réflexions sur le devoir et l’état des chevaliers de Malte.

A-G-r.


ARGENSOLA. Il y a eu deux poêtes espagnols de ce nom. Ils étaient frères et naquirent à Balbastro, en Aragon, d’une famille originaire de Ravennes. Leurs poésies, recueillies par Gabriel-Léonard d’Albion et Argensola, fils de Lupercio, ont été imprimées sous ce titre : Rimas de Lupercio, i del doclor Bartolome Leonardo de Argensola, Saragosse, 1634, in-4o. Antonio (Nicolas) vante beaucoup leurs poésies, et, d’après lui, Baillet et Feutry ont dit qu’ils étaient les Horace de l’Espagne. Antonio ajoute « que la parfaite ressemblance de leur talent les a fait prendre par leurs compatriotes pour des jumeaux d’Apollon et de quelque Muse. » Lupercio ou Lobergo-Léonardo d’Argensola, né vers 1565, fut gentilhomme de la chambre du cardinal Albert d’Autriche, secrétaire de l’impératrice Marie d’Autriche, secrétaire d’État et de la guerre sous le comte de Lemos, vice-roi de Naples, où il alla en 1611. Il y contribua à la fondation de l’académie des Oisifs, et mourut en 1613. Il avait composé trois tragédies : Isabelle, Philis et Alexandre. Barthélemy Léonard d’Argensola, né en 1566, successivement chanoine de l’église métropolitaine de Saragosse, chapelain de l’impératrice Marie d’Autriche, et recteur de Villa-Hermosa, accompagna son frère à Naples ; et, après l’avoir perdu, voyagea quelque temps, revint à Naples, fut nommé historiographe d’Aragon, vint s’établir à Saragosse, et y mourut le 26 février 1631. Outre ses poésies recueillies avec celles de son frère, on a de lui : 1° Conquista de las islas Molucas, Madrid, 4609, in-fol., traduit en français sous le titre d’Histoire de la conquête des îles Moluques, Amsterdam, 1706 ou 1707, 3 vol. in-12 ; 2° Primera parte de los Anales de Aragon, que prosigne los de Zurila, Saragosse, 4650, in-fol. Cetta première partie est la seule qui ait paru ; ainsi que