Bulletin du comité historique des arts et monuments/Tome 1/6

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Comité historique des arts et monuments
Imprimerie nationale (Tome 1p. 161-Gravure).

MINISTÈRE
DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES.

BULLETIN
DES
COMITÉS HISTORIQUES.

ARCHÉOLOGIE, BEAUX-ARTS

ACTES OFFICIELS.


ARRÊTÉ.

Sont nommés correspondants du ministère de l’instruction publique pour les travaux historiques :

MM. Maurice Meyer, professeur de littérature ancienne à la faculté des lettres de Poitiers ; l’abbé Féraud, curé de Sieyes (Basses-Alpes) ; Eugène de Montlaur, homme de lettres.

TRAVAUX DU COMITÉ.


Séance du 11 juin 1849.

Présidence de M. Héricart de Thury.

Sont présents : MM. Héricart de Thury, Léon de Laborde, Mérimée, Didron.

M. d’Albert de Luynes écrit qu’étant obligé de passer quelques semaines dans son département, il regrette de ne pouvoir assister à la séance.

Par arrêté de M. le ministre de l’instruction publique et des cultes, M. Amédée de Pastoret, membre de l’Institut (Académie des beaux-arts), est nommé membre du comité historique des arts et monuments.

Une proposition de M. de Laborde, ayant pour objet de déterminer les attributions du comité et de classer chaque membre dans une ou deux des sections diverses qui composent ces attributions, est renvoyée à un examen ultérieur.

Une lettre de M. de Belleval, correspondant à Abbeville, relative à des travaux urgents à exécuter dans l’église Saint-Wulfran de cette ville, est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.

Une lettre de M. Deschamps de Pas, ingénieur des ponts et chaussées, correspondant du comité à Saint-Omer, et relative à des travaux de toiture à exécuter dans l’ancienne cathédrale de Saint-Omer, est renvoyée, avec recommandation spéciale, à M. le ministre de l’intérieur.

M. de Girardot transmet une ancienne pièce de vers relative à la conservation de la colonne de l’hôtel de Soissons.

M. Hippolyte Durand envoie une notice, accompagnée de dessins, sur l’église de Coulandon (Allier).

M. L. de Portalon, correspondant à Béziers, envoie une appréciation et une description des verrières modernes placées dans l’église de la Madeleine à Béziers, par M. Castagné, de Narbonne.

M. Quesnet, archiviste à Beauvais, envoie la description chronologique et géométrique de la citadelle d’Amiens, d’après l’historien de Court.

M. l’abbé Cochet, correspondant, envoie une notice sur le manoir des archevêques de Rouen sur l’Alibermont (Seine-Inférieure).

Le même correspondant envoie une notice sur un cimetière gallo-romain qu’il vient de découvrir à Cany (Seine-Inférieure).

M. l’abbé Giraud, recteur de Saint-Cyr (Var), adresse : 1° la description des médailles trouvées dans les ruines et la campagne de l’ancien Tauroentum ; 2° la relation de la procédure concernant l’aliénation des terres de Saint-Côme-Saint-Damien et de Saint-Cyr, faite en 1554 par l’abbé de Saint-Victor de Marseille en faveur de la communauté de la Cadière.

M. Beauchet-Filleau, correspondant, envoie les réponses au Questionnaire pour la commune de Chefboutonne (Deux-Sèvres). — Le même correspondant adresse une notice sur les armoiries de quelques villes et communautés de l’ancienne province du Poitou.

M. André Durand, correspondant, envoie des réflexions, avec deux dessins, sur la chapelle du Saint-Sang et sur l’église du Saint-Sépulcre, à Bruges.

Des notices, la plupart accompagnées de dessins, relatives aux ornements sacerdotaux, à la décoration et à l’ameublement des églises, sont envoyées par MM. de Linas, Godart-Faultrier, Dainville, Genestet de Chairac, Maurice Ardant, A. Duthoit, Goze, Dusevel, Pol de Courcy, Fériel, Clair, Poisson.

Ces notices sont renvoyées à l’examen des membres de la commission spéciale.

M. de Laborde annonce qu’il a examiné une notice de M. l’abbé Cochet sur l’établissement de l’imprimerie à Dieppe. Après les travaux sur l’origine de l’imprimerie, ce qu’il y a de plus intéressant sur cette question, c’est l’établissement de l’imprimerie dans les diverses contrées et villes de l’Europe. Il faut encourager des publications du genre de celle de M. l’abbé Cochet, parce qu’elles permettront de faire une histoire complète de l’imprimerie.

Ouvrages offerts.

Notice historique sur les émaux, les émailleurs, leurs divers ouvrages et les procédés de fabrication en usage à Limoges, par M. Maurice Ardant, correspondant ; in-8o de 48 pages.

Des ostensions (de reliques), parle même ; in-12 de 180 pages.

Note sur l’ancien hôtel de l’Académie à Bordeaux et sur l’installation de la bibliothèque de cette ville, par M. de Lamothe, correspondant ; in-8o de 24 pages.

Notice sur un cimetière gallo-romain découvert en 1849 à Saint-Jacques de Lisieux, par M. H. de Formeville, secrétaire de la société des Antiquaires de Normandie ; in-4o de 10 pages avec une planche.

Annuaire du département des Landes ; in-32 de 300 pages.

Annuaire du département de la Meurthe, par M. Henri Lepage, archiviste du département ; in-8o de 351 pages.

Annuaire du département du Bas-Rhin ; in-8o de 421 pages.

Annuaire du département du Lot, par M. Delom ; in-8o de 357 pages.

Annuaire du département de l’Ain, partie historique (chartreuse de Portes, avec une planche), par M. l’abbé Nyd, correspondant ; in-8o.

Bulletin de la société des Antiquaires de l’Ouest, 1er trimestre de 1849 ; in-8o de 64 pages.

Essai descriptif et historique sur l’ancienne église abbatiale de Morienval, par M. l’abbé Daras, sous-directeur de l’institution de Saint-Médard-lès-Soissons ; in-8o de 51 pages avec une planche.

Notice sur des monnaies de Bretagne nouvellement retrouvées et sur les signes héraldiques usités sur les monnaies bretonnes depuis le xiiie siècle, par M. Pol de Courcy ; in-8o de 26 pages, avec une planche.


II.

Séance du 25 juin 1849.

Présidence de M. Héricart de Thury.

Sont présents : MM. Barre, Diéterle, E. Durieu, de Guilhermy, Héricart de Thury, Jeanron, de Laborde, Lassus, Lenoir, de Paulis, L. Halévy, Didron.

M. Léon de Laborde renouvelle la proposition qu’il fait chaque année et qui a pour but de faire relier tous les ouvrages offerts au comité. Il est impossible, sans ce moyen, de conserver des ouvrages qui composent un fonds déjà précieux.

M. Léon Halévy, chef de bureau des travaux historiques et des sociétés savantes, annonce que le manque de fonds n’a pu permettre jusqu’à présent de relier ces ouvrages ; cependant il promet de faire dresser un catalogue qui permettra d’apprécier la dépense qu’il faudrait affecter à la reliure de ces livres. À l’une des séances ultérieures, on aura le nombre des ouvrages qu’on pourrait faire relier.

Le comité rappelle qu’il a exprimé le vœu de voir M. de la Grange prendre part de nouveau à ses travaux : le comité a besoin de la science spéciale de M. de la Grange sur l’art héraldique.

Une communication de M. Pierangeli, correspondant, sur les attributs des saints de la Corse, est renvoyée à M. Léon de Laborde, qui fera un rapport général sur toutes les communications du même genre soumises à son examen.

Une lettre de M. H. Dusevel, concernant un tableau du Puy-Notre-Dame d’Amiens, est renvoyée à M. Jeanron, directeur des musées nationaux.

Une note de M. de la Fons-Mélicoq, correspondant, sur les branches d’ogives, sera imprimée dans le Bulletin des comités.

M. de Laborde fait un rapport verbal sur diverses communications qui lui avaient été renvoyées. Il signale, à propos d’un inventaire du xive siècle, envoyé par M. Édouard Quesnet, archiviste de Beauvais, la distinction qu’il faut avoir le soin d’établir entre le nom d’un individu et le métier qu’il exerce. Ainsi, dans cet inventaire, il est question de François l’Orfèvre, chaussier à Paris. Ce François était chaussier et pas orfèvre ; Orfèvre était son nom, comme celui de Berger ou de Chapelier est le nom et n’est pas le métier d’individus qui sont nos contemporains. M. Quesnet est prié d’adresser au comité les autres inventaires qu’il signale et dont il propose de faire l’envoi.

M. Lassus annonce que M. Rambaud, officier de l’Université, correspondant à Foix, a fait une communication d’un grand intérêt en réponse au Questionnaire sur les meubles et vêtements ecclésiastiques. M. Lassus désirerait que M. Rambaud pût envoyer le dessin : 1° des étoffes indiquées comme étant de fabrique étrangère ; 2° de la mitre et de la crosse de saint Lizier ; 3° du tapis placé sur la table de la cène qui se voit à Saint-Lizier ; des deux calices anciens de la cathédrale de Pamiers.

M. de Girardot, correspondant, transmet sur Guillaume Durand, évêque de Mende et auteur du Rationale divinorum officiorum, un document qui sera imprimé dans le Bulletin des comités.

Une communication de M. de Girardot, relative à Notre-Dame de Paris, est renvoyée à M. Lassus, auquel est également renvoyé un document de M. Goze sur la cathédrale d’Amiens.

M. Alfred Ramé, correspondant à Rennes, adresse des documents sur différents artistes du moyen âge, sur des calligraphes, architectes, fondeurs, orfèvres, sculpteurs, de diverses époques.

Ces documents sont renvoyés à M. Didron pour son travail sur les anciens artistes de la France.

Des communications relatives aux meubles, vêtements sacerdotaux, reliquaires, instruments ecclésiastiques, sont faites par

MM. H. Clair, Maurice Ardant, de Linas, Dusevel, Pol de Courcy, Gustave de Lagrèze, A. Duthoit, Godard-Faultrier, Van-Cléemputte ; elles sont renvoyées à la commission spéciale.

M. Mathon, bibliothécaire à Neufchâtel (Seine-Inférieure), continue l’envoi de documents, accompagnés de dessins coloriés, sur les anciens pavés.

M. Van Cléemputte, architecte à Laon, correspondant, envoie une notice, accompagnée de dessins, sur l’église de Vailly (Aisne) ; il y ajoute le dessin d’une crosse épiscopale du xiie siècle, du squelette de Harsigny, médecin de Charles VI, et la copie de la sainte Face que possède actuellement la cathédrale de Laon.

M. l’abbé Poisson envoie la description des verrières de Saint-Pierre de Chartres.

M. Renard de Saint-Malo, correspondant, envoie des estampages d’inscriptions funéraires et le dessin d’une figure d’évêque qui se voit dans l’ancienne cathédrale d’Elne.

M. Anatole Barthélemy, correspondant à Saint-Brieuc, envoie les inscriptions funéraires qui se lisaient dans l’église abbatiale, aujourd’hui détruite, de Notre-Dame de Troyes.

M. Gustave de Lagrèze, procureur de la République à Bagnères-de-Bigorre, correspondant, envoie diverses inscriptions gallo-romaines des Hautes-Pyrénées.

M. de la Fons-Mélicoq envoie des documents sur les monnaies qui avaient cours, au moyen âge, dans le nord de la France.

M. Maurice Ardant, correspondant à Limoges, envoie un mémoire sur les mereaux de l’église de Limoges.

M. L. Lamothe, correspondant, envoie une notice sur des monnaies de la Guyenne et sur les hôtels des monnaies de Bordeaux.

M. E. Durieu transmet une communication de l’abbé Auber, président de la société des Antiquaires de l’Ouest, sur une inscription trouvée à Sainte-Radegonde de Poitiers.

Ces diverses communications seront classées dans les archives, et quelques-unes imprimées dans le Bulletin.

Ouvrages offerts.

Bulletin archéologique de l’Association bretonne ; année 1849 ; 1er volume, 1re livraison ; in-8o de 141 pages, avec des lithographies ; par M. Alfred Ramé, secrétaire de la société. Envoi de M. Alfred Ramé, correspondant.

Bulletin de la commission historique du département du Nord. Tome III, 1re livraison ; in-8o de 156 pages, avec une lithographie. Envoi de M. le préfet du département du Nord.

Notice sur quelques monuments du département des Côtes-du-Nord, par M. Anatole Barthélemy, correspondant, et M. Charles Guimart, correspondant de la société des Antiquaires de l’Ouest. In-8° de 52 pages.

Annuaire du département d’Eure-et-Loir, par M. E. Lefèvre, correspondant. Année 1849 ; in-12 de 341 pages, avec gravures et lithographies.

Dissertation sur une médaille gauloise inédite, par M. Chaudruc de Crazannes ; in-8o de 15 pages.

Bulletin de la société d’archéologie lorraine. Tome Ier, n° 1 ; in-8o de 86 pages. Envoi de M. H. Lepage, correspondant.

Histoire architecturale de la ville d’Orléans, par M. L. de Buzonuière, correspondant ; deux volumes in-8o de 450 pages chacun. Ouvrage terminé.

Statistique monumentale de la Charente, par M. H. Michon, correspondant, 1 volume in-4o de 336 pages, à deux colonnes, avec gravures nombreuses dans le texte et hors du texte. Ouvrage terminé.

De l’Organisation des sociétés savantes de France (suite), par M. L. Lamothe, correspondant. In-8° de 20 pages.

Le Jardin public et l’école d’équitation de Bordeaux, par le même. In-8° de 24 pages.

DOCUMENTS HISTORIQUES.


I.

Sur la question des meubles et vêtements ecclésiastiques.

(Communication de M. Maurice Ardant, correspondant à Limoges.)

Les ornements du jour de l’Épiphanie, à Saint-Étienne, cathédrale de Limoges, étaient dans la forme de ceux dont on se servait primitivement, et dataient sans doute des premiers âges du christianisme ; ils étaient de drap d’argent, fort lourds et taillés en façon de sacs ; on ignore le nom du fabricant et le lieu où ils avaient été faits.

Le musée de Cluny possède une crosse émaillée, provenant de Saint-Martial de Limoges, dont M. Dusommerard m’envoya le dessin colorié en échange de celui que je lui avais adressé, la crosse m’ayant appartenu longtemps ; elle représentait l’apothéose de la sainte Vierge, au milieu de la circonférence formée par un serpent émaillé ; elle figure dans une planche de l’Album.

Lors des dernières constructions faites sur les fondations de Saint-Martial de Limoges, je recueillis deux ou trois médaillons de cuivre émaillé et doré, percés à droite et à gauche, qui m’ont paru avoir été de larges boutons des chapes des abbés, dans le tombeau desquels ils furent trouvés ; ils sont de travail byzantin. L’un présente un ange à mi-corps aux ailes déployées, l’autre deux animaux fantastiques, oiseaux à tête humaine, dont les longs cous s’entortillent ensemble ; le troisième, plus petit, offre l’agneau de saint Jean, avec une légende en lettres majuscules qui peuvent être du xive siècle.

Dans la crypte où était enterré Waifre, duc d’Aquitaine, derrière le sépulcre de saint Martial, j’exhumai une boîte cylindrique émaillée, décrite dans la notice que j’adresse au comité, et qui a pu servir de boîte aux saintes hosties.

À Saint-Étienne, au-dessus du maître-autel, sur une colonne de bronze, un ange du même métal tenait suspendu à la main un saint ciboire renfermant les saintes espèces, recouvert d’un riche voile ; il était en forme de cône. C’était anciennement une manière de mettre en réserve la sainte Eucharistie pour les malades ; on l’appelait le corpus elevatum. Sur chacun des côtés de l’autel formant le rond-point du sanctuaire étaient placées, à des distances égales, trois colonnes élégantes en bronze, hautes d’environ dix pieds, surmontées d’un ange de bronze haut de trente pouces, tenant par un pied à la colonne, portant un candélabre d’une main et appuyant l’autre sur la hanche. L’aigle du lutrin était aussi en bronze assortissant le candélabre. Ce sanctuaire se fermait avec un grand rideau ou voile. L’ostensoir, en vermeil, était d’un travail fort ancien. Les carions d’autel, qu’on y voit encore de nos jours, sont des émaux du meilleur temps du plus habile des Lahdin. À Saint-Martial, collégiale, le corpus elevatum était suspendu par la main d’un ange de grandeur naturelle, placé au-dessus du cintre qui couronnait l’encadrement du sanctuaire. Aux deux extrémités étaient aussi deux anges adorateurs, d’une sculpture rare et d’une dorure éclatante. Le chœur était orné de très-anciennes tapisseries du temps des moines, qu’on y voyait représentés exerçant diverses fonctions.

Son ostensoir, en vermeil, était supérieurement travaillé. Deux anges placés à chaque côté de la tige formaient deux poignées pour le porter. Les livres des Évangiles et des épîtres étaient entièrement couverts en vermeil : ces garnitures formaient un encadrement en relief ; au milieu étaient ciselés en relief aussi des traits de la vie de saint Martial.

Le rétable de la chapelle des Bastides dans cette église se composait de la réunion de dix-huit petits tableaux en émail représentant les principaux traits de la vie de saint Martial. À en juger par ceux qui restent, ils étaient de l’émailleur Pénicaud.

La chapelle souterraine où avaient été déposés les restes de saint Martial et de sainte Valérie était aussi ornée de cadres d’émail, dans lesquels était peinte la vie du saint apôtre.

Saint-Pierre du Queyroix était très-riche en ornements et en argenterie ; il possédait deux ostensoirs, un ancien et un nouveau. Voici la description du premier :

La base était un quadrilatère dont les côtés se rapprochaient sur le devant ; il représentait les hautes murailles de la ville de Jérusalem crénelées et flanquées de quatre tourelles aux angles, qui servaient de poignées pour poser le saint sacrement. Dans l’enceinte était le sommet d’une montagne ; au centre d’un rocher était placée la lunette pour la sainte hostie. La montagne était surmontée de trois croix, celle de N. S. d’environ 7 à 8 pouces au moins ; les deux autres, plus petites, étaient celles des deux larrons.

Le second ostensoir était d’argent, d’un volume et d’un poids considérable ; sur le devant flottait un gros bouquet d’épis de froment et de grappes de raisin ; six énormes chandeliers en argent massif avaient été faits pour assortir l’ostensoir aux jours de solennités ; ils avaient près de cinq pieds ; le tout avait été travaillé par Blanchard, orfèvre, place Saint-Pierre, à Limoges, qui avait été à Rome pour s’y perfectionner.

La croix que portait le sous-diacre en allant à l’autel et qui servait pour la bénédiction de la fin de la grand’messe, avait deux traverses longues de quinze pouces, en vermeil, ouvrage fort ancien, tout garni de pierreries.

Un reliquaire venant de l’abbaye de Grandmont, tout enrichi de pierreries, renfermait des parcelles des croix de saint Pierre et de saint André. Il était en vermeil, d’un travail très-gothique. Une tige s’élevant d’une base ronde, à la hauteur du nœud, soutenait un parallélogramme d’environ sept pouces de haut sur moitié de large. Il y avait encore à Saint-Pierre une grande custode ou ciboire en vermeil donné par les bouchers, des encensoirs, une croix processionnelle, vase pour l’eau bénite, ciboires, calices, bâtons de chantres, reliquaires, le tout en argent. Les livres de l’Évangile et de l’épitre étaient couverts en vermeil. Deux officiers municipaux de 1793, qui étaient orfèvres, confisquèrent les vases sacrés des églises de Limoges, ainsi que les croix, et les fondirent. Le sanctuaire de Saint-Pierre était entouré d’une galerie dont tous les balustres étaient en cuivre ; le devant était garni de quatre grands candélabres du même métal. Un ange suspendu horizontalement en face du Saint-Sacrement, tenant un chandelier à la main, remplaçait la lampe aux offices des fêtes annuelles. Nous ne dirons rien de la châsse de saint Rusticus.

À Saint-Michel-des-Lions, au fond du maître-autel s’élevait, au-dessus du tabernacle, l’arbre de vie sur un plan marbré ; à l’église Saint-Martin-Saint-Laurent des RR. PP. Feuillants, on avait placé en 1649 une petite colonne, au-dessus du tabernacle. Un ange, debout sur cette colonne, tenait suspendu par une main le corpus elevatum, comme à la cathédrale.

Saint-Martial. J’ai omis, en parlant de cette église, de faire mention du maître-autel, dont le massif était recouvert d’une table de marbre qui présentait trois concavités carrées comme une pierre d’autel, ce qui faisait dire que trois prêtres pouvaient y célébrer la messe en même temps.

Une grande confrérie de Saint-Martial avait un frère servant qui portait le nom d’éveille, et tous les premiers lundis du mois, allait à la porte de chacun des confrères, après minuit, chanter d’un ton lamentable et sépulcral : Réveillez-vous, vous qui dormez ; ne dormez pas si fort que vous ne pensiez à la mort ; priez Dieu pour les trépassés, que Dieu leur daigne pardonner : c’est un chemin par lequel il nous faut tous passer ; requiescant in pace. Sancte Martialis (ter), amen. Après avoir frappé trois coups à la porte, en criant : Il est telle heure ; il agitait sa sonnette en se rendant à une autre maison.


II.

Des découvertes de monnaies dans la Gironde, et des hôtels des monnaies de Bordeaux.

(Communication de M. L. de Lamothe, correspondant à Bordeaux.)

Avant de parler du résultat des découvertes numismatiques intéressantes pour la Guienne, commençons par enregistrer celles de ces découvertes qui ont été faites dans le département, et qui ont donné lieu à quelques mémoires ou à quelque annotation, toute sommaire qu’elle soit, dans les recueils publiés dans nos contrées.

Cet inventaire ne sera pas complet sans doute : il ne comprendra pas, non-seulement beaucoup de pièces qui ont été perdues pour la science, sans que le fait de leur existence ait même été révélé, mais encore une assez grande quantité qui sont venues se classer dans des collections particulières, sans avoir pris dans les revues acte de l’état civil. Ce n’est, en effet, que depuis peu de temps que l’on a compris tout l’intérêt qui s’attachait à annoter le lieu de provenance des monnaies. Une pièce acquiert aujourd’hui plus d’intérêt par cela seul que son gisement est connu ; et, d’un autre côté, on peut souvent juger, par la quantité des découvertes et par le mérite de la fabrication, de l’état de civilisation d’une contrée à un moment donné. Espérons que le catalogue que nous allons dresser sera une nouvelle invitation, pour toutes les personnes qui peuvent faire de ces découvertes, de les révéler aux hommes qui s’occupent de la recherche et de l’étude des antiquités du pays.

1° Arrondissement de Blaye.

En 1839, à Saint-Curs-de-Canesse, dix mille pièces perdues pour la science.

En 1843, à Saint-Christoly, quatre mille pièces perdues pour la science.

À Bourg, au lieu des Gogues, emplacement du château de Pontius Léontius, décrit par Sidoine-Apollinaire, médailles du haut empire.

2° Arrondissement de Libourne.

En 1805, à Castillon-sur-Dordogne, une monnaie anglo-gasconne. (Bulletin polymathique, 1805, p. 273.)

En 1824, à Saint-Émilion, dans une vigne, deux cents pièces d’argent, oboles et demi-oboles, au nom de Charlemagne ou de Charles le Chauve, et de Louis le Débonnaire. (Musée d’Aquitaine, t. III, p. 128.)

En 1824, à Gardone, près de Sainte-Foy, plusieurs centaines de médailles du règne de Gallien, de Posthume, de Victorinus, des Tétricus père et fils. (Musée d’Aquitaine, t. III, p. 217 et 262.)

En janvier 1844, à Lussac, au lieu dit le Roc, trois cents médailles du ive siècle, petit bronze. (Actes de l’Académie, 1847, p. 213.)

La Statistique du département de la Gironde mentionne encore, mais sans aucun détail :

À Eynesse, médailles romaines ;

À Saint-Romain, médailles romaines du haut et du bas empire ;

À Gensac, médailles romaines ;

À Saint-Jean-de-Blagnac, médailles romaines.

3° Arrondissement de la Réole.

Vers 1821, près de la Réole, quelques demi-gros d’Aquitaine, à l’effigie du prince de Galles.

En 1837, près de la Réole, médailles d’Honorius et d’Auguste. (Actes de l’Académie, 1837, p. 67.)

En 1847, à la Réole, deux pièces de monnaie anglo-gasconne. (Compte rendu de la commission des monuments historiques du département de la Gironde, 1847, p. 40.)

En 1848, monnaie grecque. (Compte rendu, etc. de 1848, p.24).

À Saint-Germain-des-Graves, Valentinien en or. (Statistique du département de la Gironde, t. II.)

4° Arrondissement de Bazas.

En 1821, à Bazas, écu d’or d’Edward III. (Musée d’Aquitaine, t. II, p. 148.)

En 1823, à Cauvignac, médailles romaines en or de Constance II. (Musée d’Aquitaine, t. II, p. 71.)

En 1845, à Noaillan, deux hardits d’argent du Béarn. (Compte rendu, etc. 1845, p. 21.)

5° Arrondissement de Bordeaux.
Bordeaux (ville).

En 1808, dans les substructions du palais de Sombrière, une centaine de pièces mérovingiennes perdues pour la science. (Statistique du département, t. I, p. 282.)

En 1809, à Terre-Nègre, ancien cimetière romain, médailles dont aucune n’est au-dessous de Hadrien. (Ruche d’Aquitaine, t. II, p. 247 et 324. Actes de l’Académie, 1831, p. 136.)

En 1823, dans la démolition d’une maison sise rue de la Douane, gros et demi-gros d’argent du règne de Charles VII et de Louis XI. (Musée d’Aquitaine, t. II, p. 43.)

En 1831, près la Chartreuse, un tiers de sol d’or. (Actes de l’Académie, 1831, p. 45.)

En 1835, dans l’intérieur de l’église de Saint-Siméon, monnaie de Louis XIII et de Henri II. (Actes de l’Académie, 1835, p. 196)

En 1836, dans des fouilles, rue Sainte-Catherine et de l’Intendance, monnaies gauloises, grecques, romaines. (Actes de l’Académie, 1836, p. 139.)

En 1834, dans le jardin de l’Institution des sourds-muets, quatre-vingts pièces de monnaies gauloises, gallo-romaines et mérovingiennes. (Actes de l’Académie. 1841, p. 91.)

Communes de l’arrondissement.

En 1823, entre Lamothe et Biganos, canton de la Teste, petite médaille de bronze, fruste, à l’effigie de Néron. (Musée d’Aquitaine, t. II, p. 149)

En 1835, sur la côte de Cenon-la-Bastide, médaille en or d’Antoine. (Actes de l’Académie de Bordeaux, 1835, p. 192.)

En 1840, à Cestas, cent médailles environ, du Ier, du IIe, du IIIe siècle. (Actes de l’Académie, 1840, p. 310.)

En 1842, à Jaucats, sur la propriété de M. Lainé, neuf cents deniers et demi-deniers de billon du moyen âge. (Notice sur des monnaies trouvées à Jaucats, par Jouanne, Bord, Lavigne, in-8o.)

À Basac, divers dépôts contenant des monnaies romaines. (Actes de l’Académie, 1848, p. 99.)

La Statistique du département de la Gironde mentionne encore les deux dépôts suivants :

À Biganos, médailles romaines ;

À Peujard, quelques médailles de Vespasien.

6° Arrondissement de Lesparre.

En 1830, à Soulac, une vingtaine de médailles. (Actes de l’Académie, 1830, p. 59.)

La Statistique du département de la Gironde mentionne en outre :

À Ordonnac, une pièce d’or de Louis le Débonnaire, et plusieurs médailles romaines ;

À Saint-Sauveur, médailles romaines ;

À Verteuil, médailles.

7° Sans indication de provenance.

Deux pièces d’or du xve siècle. (Actes de l’Académie, 1840, p. 313.)

Pièce mérovingienne de Childebert III. (Actes de l’Académie, 1840, p. 315.)

Aucune de ces pièces n’autorise à supposer que Bordeaux eût alors le droit monétaire, c’est-à-dire le droit de fabriquer des monnaies à son propre coin. Lyon, Trèves et Arles sont les seules villes dont on possède des monnaies frappées dès cette époque. L’importance incontestable de Bordeaux doit néanmoins faire présumer que cette ville jouissait du même privilége.

Les médailles romaines que l’on a rencontrées le plus fréquemment dans le département de la Gironde sont, dans le grand bronze, les Trajan, les Hadrien, les Antonin le Pieux, les Marc-Aurèle et les Faustine. Il en est de même pour le moyen bronze ; mais il faut y joindre l’Agrippa au revers de Neptune. Quant au petit bronze, à l’exception du Tibère au revers de l’autel de Lyon, les médailles du haut empire y sont bien rares, tandis qu’à dater du règne de Valérien, les Galien, les Tétricus, surtout Tétricus le père, Claude le Gothique, les Constantin et les Constance y sont excessivement communs.

D’après le témoignage d’Ausone, les philippes et les dariques paraissent avoir été très-répandus au ve siècle. Dans l’épître v, il plaisante avec son ami Théon, au sujet de quatre philippes d’or qu’il lui avait prêtés. D’après l’épître xviii, l’empereur Valentinien Ier fit remettre par Ausone au grammairien Ursulus, de Trèves, six philippes d’or pour ses étrennes. Dans l’épître v à Théon, il lui dit aussi de lui renvoyer ses dariques, ou qu’il lui fera de nouveau présent d’une semblable somme pour avoir le plaisir de le voir.

L’étude de ces monnaies rentre dans le cadre de la numismatique et n’offre rien de particulier pour la Guienne. Nous n’avons donc pas à nous y arrêter plus longtemps. Mentionnons cependant ici en passant des travaux modestes et utiles accomplis non loin de nous, pour faciliter l’étude des monnaies romaines. Les recherches de M. Lapouyade sur les revers des médailles romaines, sur les abréviations latines, n’exigeaient pas sans doute une bien haute critique. On peut dire aussi qu’il y avait déjà des travaux analogues, mais pas aussi complets, quoique ceux-ci laissent peut-être encore à désirer sous ce rapport. Mais c’est à la Réole, dans une petite localité où les moyens d’étude sont rares, qu’ils ont été accomplis. Tels qu’ils sont, d’ailleurs, ils attestent des connaissances étendues, et ont dû coûter à leur auteur un temps et une peine dont le sacrifice doit vivement recommander le nom de M. Lapouyade à la reconnaissance des jeunes numismates, en vue desquels il a voulu spécialement travailler.

Sur les monnaies de l’époque mérovingienne, carlovingienne, anglo-gasconne, il nous serait facile de présenter un résumé des connaissances acquises ; mais cette tâche a déjà été accomplie par M. Jouannet, dans la Statistique du département de la Gironde, et par les auteurs du Dictionnaire encyclopédique de l’histoire de France. Nous ne pourrions que répéter en d’autres termes ce qu’ils ont déjà dit.

Remarquons seulement que les auteurs du Dictionnaire encyclopédique de l’histoire de France expliquent la rareté de la monnaie carlovingienne, en supposant que c’était à Bordeaux même qu’étaient frappés les nombreux deniers portant pour légende le mot aquitannia. L’histoire montre cependant les deux duchés d’Aquitaine et de Gascogne, le premier ayant pour chef-lieu Poitiers, le deuxième Bordeaux, comme bien distincts depuis l’érection des bénéfices héréditaires jusqu’en 1039, époque de la réunion des deux duchés sur la tête de Guy Geoffroy.

M. de Gourgues a essayé de mettre, sous ce rapport, la numismatique d’accord avec l’histoire, en faisant le triage, entre l’Aquitaine et le comté de Bordeaux, des diverses pièces attribuées jusqu’à présent à la seconde lignée des ducs héréditaires de l’Aquitaine[1]. Mais cette question présente encore une grande obscurité. La série des princes du nom de Guillaume qui ont gouverné l’Aquitaine et la Gascogne pendant la période latine n’a pu jusqu’ici être bien établie ; et cependant elle ne le sera probablement que par les secours que fournira la numismatique. C’est en vue de cette idée que nous proposâmes, il y a plusieurs années, à l’Académie de Bordeaux, d’ouvrir un concours sur cette question. Aucun mémoire n’a été présenté jusqu’à ce jour ; et cependant, si cette question est difficile, insoluble même pour un homme abandonné aux seuls moyens d’études que fournit la province, elle ne doit pas l’être pour ceux qui ont sous la main de nombreuse et belles collections.

Les monnaies d’Edward II et d’Edward III sont aussi très-faciles à confondre. Jusqu’à présent, on a attribué au dernier de ces princes, qui régna de 1326 à 1377, à peu près toutes les pièces qui sont parvenues jusqu’à nous, et qui portent le nom d’Edward. N’y a-t-il pas eu encore confusion sous ce rapport ? N’y a-t-il pas à faire un triage semblable à celui qui a été commencé par M. de Gourgues entre les monnaies de l’Aquitaine et celles de la Gascogne ? C’est là aussi une question mise au concours par l’académie de Bordeaux, en même temps que la question relative aux Guillaumes.

Premier hôtel des monnaies de Bordeaux.

Ce n’est qu’au xiiie siècle que nous trouvons une mention de l’hôtel des monnaies de Bordeaux. Il était situé alors place Saint-Projet.

En 1305, les maire et jurats consentirent, « par respect pour le roi d’Angleterre, » qu’on construisît un appent sur la place de Lombrière, pour y battre monnaie, à condition que du moment où on cesserait d’y battre, ledit appent serait détruit, et la ville rétablie dans tous ses droits.

En 1329, les jurats consentent à la réparation de cet ouvrage.

C’est ainsi que, de provisoire qu’il était dans l’origine, l’hôtel de la monnaie s’installa, à titre définitif, sur la place de Lombrière, près le bâtiment de l’ancienne bourse. Il se prolongeait sur le côté sud-est de cette place, et s’appuyait contre le mur de ville attenant à la porte Cailhau. La façade était dirigée sur la place de Lombrière ; elle recouvrait une partie de la bourse. Le rez-de-chanssée, sur cette façade, était occupé par les fourneaux ; le premier et le deuxième étage étaient consacrés aux trésoriers de France : au premier, les archives, la chapelle, la chambre du conseil ; au deuxième, des dépendances diverses.

C’est en 1539 que l’atelier monétaire de Bordeaux reçut une constitution régulière ; l’appropriation complète du local datait vraisemblablement de cette époque.

L’hôtel des monnaies subsista en ce lieu jusqu’au milieu du xviiie siècle. Un arrêt du conseil d’État, du 25 janvier 1757, ordonna la vente et l’adjudication de l’emplacement de l’ancienne monnaie ; la vente eut lieu le 14 mai de la même année ; le local fut vidé peu de temps après par les officiers de la monnaie, et le terrain divisé en neuf lots, qui furent vendus 136,902 2s. Une partie des matériaux provenant de la démolition fut utilisée dans la construction de la nouvelle monnaie, et le reste vendu 4,550.

M. de Tourny, intendant de Guienne, constamment préoccupé de l’embellissement de la ville chef-lieu, voulut profiter de cette démolition pour donner un nouveau débouché à ce quartier. Une propriété privée restait comme le seul obstacle à l’ouverture d’une rue qui devait relier la rue du Pont-Saint-Jean à celle du Chay-des-Farines. La maison du sieur Monnereau, qui formait cet obstacle, fut acquise en 1758, et la rue Richelieu (aujourd’hui rue Ausone) formée.

Les officiers de l’hôtel des monnaies de Bordeaux étaient un général provincial, un directeur, deux juges gardes, un contrôleur, un garde-scel, un procureur du roi, un avocat du roi, un essayeur, un graveur.

Une ordonnance de Charles VII, de mars 1378, et beaucoup d’autres actes postérieurs dans le même sens, soumirent les orfèvres du royaume à la juridiction des généraux des monnaies.

Il y eut dans la ville de Bordeaux vingt orfèvres ; ce nombre fut fixé par arrêt de la cour des monnaies de 1717, et confirmé par celui du 18 septembre 1756. Les changeurs étaient au nombre de cinq.

Le ressort de l’hôtel dos monnaies de Bordeaux s’étendait sur trente-sept villes, possédant chacune un certain nombre d’orfèvres et d’essayeurs. En voici la note :

Agen, 2 orfévres. La Réole, ch.
Aners, 1 changeur. Libourne, 1 ch.
Barbezieux, 1 orf. 1 ch. Limeuil, 1 ch.
Bazas, 1 ch. Marmande, 2 ch.
Beaumont, 1 ch. Mirambeau, 1 ch.
Belvès, 1 ch. Miramont, 1 ch.
Bergerac, 2 orf. 1 ch. Montflanquin, 1 ch.
Blaye, 1 ch. Montignac, 1 ch.
Casteljaloux, 1 ch. Monségur, 1 ch.
Castillonès, 1 ch. Périgueux, 3 orf. 1 ch.
Clairac, 1 orf. Ribérac, 1 ch.
Condom, 1 ch. Sarlat, 1 ch.
Coutras, 1 ch. Sainte-Foy, 2 orf. 1 ch.
Damazan, 1 ch. Tonneins, 1 ch.
Doume, 1 ch. Terrasson, 1 ch.
Eymes, 1 ch. Villeneuve-d’Agen, 1 ch.
Fumel, 1 ch. Villeréal, 1 ch.
Issigeac, 1 ch. Montpazier, 1 ch.
Lalinde, 1 ch.

Les privilèges dont jouissaient les officiers de la monnaie de Bordeaux sont énumérés dans l’acte suivant, daté de mai 1655, et enregistré au parlement de Bordeaux le 4 août 1655 :

« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. Nos bien amés les prevôt, ouvriers et monnoyeurs de notre monnoie de Bordeaux, du serment de France, nous ont fait dire et remontrer qu’en considération de ce qu’ils ont libéralement quitté à nos prédécesseurs roys et à nous les cinq sols parisis à eux et autres ouvriers et monnoyeurs du serment de France ordonnés par chacun jour ferié et non ferié, ouvrant et non ouvrant, et de ce qu’ils se seroient assujettis et obligés de nous aller servir en nos monnoies, toutes fois et quantes qu’il leur seroit ordonné, même laisser à cette occasion leurs biens, familles et lieux de leur naissance, et ne servir leurs demeures que par forme de garnison, comme il a été pratiqué entièrement et se continue encore de présent quand il est nécessaire, les roys noz prédécesseurs leur auroient accordé plusieurs privilèges, et entr’autres exempts de toutes tailles, taillons, gabelles, impositions, subventions, coutumes, quatrième, huitième, treizième, vingtième, cinquantième, centième, chaussée, subsides, chevauchée, charges d’église, hôpitaux, solde de cinquante mille hommes de guerre, levées ordinaires et extraordinaires, ponts, ports, péages, passages, garde de portes, guets, sentinelles, fortifications, réparations, tutelle, curatelle, établissement de commissaires par justice, coutumes de vin et vivres soit grandes et petites, posées et à poser par tout le duché de Guienne et castel de Bordeaux, soit qu’il fût de leur propre cru ou voye d’achapt, finalement de toutes autres marchandises, toutefois sans nul mélange ou fraude, même de tout péage, passages, tant pour raison de marchandises que autrement, comme aussi lesdits exposants auront été exemptés de toute juridiction de notre royaume, et de répondre devant aucun juge, tel qu’il fut et pour quelque cause que ce soit, si ce n’étoit devant les généraux des monnoies ou leurs prevôts électifs, excepté en trois cas, comme meurthre, larcin et rapt, desquels privilèges qui ont été confirmés de temps en temps, même par le feu roy, notre très-honoré seigneur et père, par ses lettres-patentes du mois de mars 1610, lesdits suppliants ont toujours joui, usé, jouissent et usent encore à présent, mais parce qu’ils craignent d’y être troublés à l’avenir, pour n’en avoir obtenu nos lettres de confirmation sur ce nécessaires, ils nous avoient très-humblement suppliés les leur vouloir octroyer.

À ces causes et autres nous mouvant, desirant traicter favorablement lesdits exposants, et après avoir fait voir à notre conseil copie collationnée desdits priviléges ci-attachés pour le contre-scel de notre chancellerie, de notre grace spéciale, pleine jouissance et autorité royale, nous avons lesdits privilèges confirmés, loués et approuvés, confirmons, louons et approuvons par ces présentes, signées de notre main, pour en jouir et user par les exposants, prevôts électifs, ouvriers monnoyeurs, leurs femmes, enfants, veuves et successeurs dorénavant, perpétuellement et à toujours, tout ainsi qu’ils ont bien et dûment joui et usé, jouissent et usent encore à présent. Si donnons en mandement, etc. »

Voici quelques détails sur les travaux de l’hôtel des monnaies de Bordeaux : ils sont bien sommaires, bien incomplets ; mais c’est tout ce que fournissent les archives locales.

Par arrêt du 23 juin 1685, Timothée Dabadie fut subrogé au traité fait avec le roi par Jean-Baptiste Barlet pour le travail de la monnaie de Bordeaux, à la charge de faire fabriquer par an 21,000 marcs d’espèces d’or et d’argent, moyennant vingt-cinq sous par marc d’or et six sous par marc d’argent. Si le travail dépasse 21,000 marcs, l’excédant lui sera payé à raison de sept sous le marc ; s’il est inférieur, il sera tenu compte du déficit à raison de quatre sous le marc.

Ce traité ne fut pas exécuté ; le travail annuel ne dépassait pas 3,000 marcs. « On ne peut, dit un mémoire, se procurer les matières premières, l’édit de Nantes en est la cause ; les bâtiments sont inhabitables, etc. »

Sur cet exposé, un arrêt du conseil d’État, du 5 avril 1689, ordonna la fermeture de la monnaie de Bordeaux ; le traité passé avec le sieur Dabadie fut résolu.

Combien de temps l’atelier monétaire resta-t-il fermé ? C’est ce que nous ne pouvons préciser ; mais le travail avait repris avant 1696, car en cette année, Langlois, sieur de Vaurain, directeur de la monnaie, remet les matières d’or et d’argent, outils, ustensiles à Bernard Lamolère, pourvu de la charge héréditaire de conseiller du roi, directeur particulier et trésorier de la monnaie de Bordeaux, créée par édit du mois de juin 1696. Cette remise eut lieu en présence de M. Louis Bazin, chevalier, seigneur de Bezons, conseiller d’État, intendant.

Antérieurement à cette époque, Louis XIV avait créé, par édit du mois de mars 1645, deux cours des monnaies, l’une à Lyon, l’autre à Libourne. Mais cette décision fut révoquée dans le même mois : ainsi l’hôtel des monnaies de Libourne n’a jamais existé en réalité.

Deuxième hôtel des monnaies de Bordeaux.

La construction du deuxième hôtel des monnaies de Bordeaux eut lieu vers la moitié du xviiie siècle, et se lie à ce vaste ensemble de travaux dont M. de Tourny fut l’instigateur.

L’ouverture de nouvelles voies, la construction d’abord de la porte des Capucins, puis de celle sur la rivière, qui reçut plus tard le nom de porte de la Monnaie, furent les transitions qui conduisirent au choix du local adopté pour nouvel hôtel des Monnaies. On voit le développement de ces idées dans le mémoire suivant que M. de Tourny adressa à l’autorité supérieure :

« L’ouverture faite en 1745 d’une nouvelle porte de ville appelée des Capucins, au bout de la rue Clare, ayant beaucoup amélioré tout le quartier et donné lieu à la formation d’une belle rue de vingt-quatre pieds de large partant de cette porte et aboutissant à un terrain vide où sont isolées quelques corderies, il seroit à propos, pour bonifier encore davantage cette partie de ville au point de la rendre aussi propre au commerce qu’aucune autre, de prolonger la même voie sur ledit terrain vide jusqu’à la rencontre des deux échoppes des sieurs Sabesse et Besse[2] : là de lui faire faire un angle pour enfiler la rue Anglaise[3] ; d’élargir de même celle-ci sur vingt-quatre pieds dans toute son étendue, et au bout où se rencontre le mur de la ville, de le percer d’une nouvelle porte sur la rivière[4]. Tout cela, que le public témoigne fort désirer depuis qu’on a commencé à en parler, peut être facilement exécuté et sans grande dépense, en démolissant les deux échoppes des sieurs Sabesse et Besse, une petite maison appartenant au sieur Palotte, notaire ; partie d’une autre appartenant à la dame Chaduc, ainsi qu’une maison du côté de la rivière appartenant à la demoiselle Mentet, et en profitant d’un terrain vide, d’une longueur de dix-huit toises et demie, que le sieur Lérès offre d’abandonner gratuitement à la ville en faveur du projet ; le tout comme il est présenté par un plan des lieux joint à ce mémoire.

« La dépense des indemnités qu’il faudra payer pour lesdits terrains vides ou bâtiments à démolir n’étant pas comparable à l’utilité, commodité et embellissement qui résulteront de l’exécution du projet, et y ayant tout lieu de penser que les propriétaires, dès aujourd’hui, s’y prêteront volontiers, moyennant des indemnités convenables, il paraît qu’il doit être pris une délibération par MM. les jurats pour y parvenir. »

La délibération des jurats intervint en effet le 15 juillet 1752. Mais, avant de la soumettre à la sanction du conseil d’État, M. de Tourny avait eu l’idée de provoquer la reconstruction de l’hôtel des monnaies, et c’est ce qu’il obtint par les arrêts du conseil du 17 juin 1756 et du 25 janvier 1757, dont le dernier a déjà été mentionné par nous comme autorisant la démolition et la vente du premier hôtel des monnaies.

Le premier de ces arrêts sanctionnait en outre la délibération des jurats du 15 juillet 1752, et statuait sur les autres mesures relatives à l’érection du nouveau bâtiment. Ainsi, il nous apprend que, le 5 et le 20 août 1756, M. de Tourny avait acquis, à l’ouest et à peu de distance de l’église Sainte-Croix, trois propriétés privées dont l’occupation était nécessaire. Les plans en furent dressés par le sieur Portier, qui, dans les travaux de la place Royale et dans diverses autres constructions qu’il avait dirigées à Bordeaux, avait acquis la réputation d’homme de goût et de constructeur expérimenté. L’adjudication du nouveau bâtiment eut lieu le 25 septembre 1750, au profit de Jean Alary, maître architecte, pour la somme de 101,800 francs. Telles sont les dispositions relatées dans l’arrêt précité.

Le prix ci-dessus devait être payé sur le produit des deniers de la caisse de l’octroi de 2 sous pour livre, ainsi que l’avait déjà été la somme de 27,666 fr. 11 sous, prix des trois acquisitions déjà faites. Cette caisse serait remboursée des sommes dont elle se mettait à découvert au fur et à mesure de la vente du terrain et des bâtiments de l’ancienne monnaie.

Les constructions furent terminées en 1709.

Le prix d’acquisition des terrains s’éleva à 27,666 f 11 s
Le prix des constructions à 132,801 6 6 d
Total 160,467 17 6
Le produit de la vente de l’ancienne monnaie n’ayant réalisé que 141,452 2
Une somme de 19,015 5 6
revint à la charge du trésor royal.

Ce bâtiment était occupé au commencement de 1759. Les dispositions intérieures avaient été combinées de manière à offrir les plus grandes facilités pour le service. Voici comment il avait été distribué :

Rez-de-chaussée. — À gauche d’un passage voûté conduisant dans la grande cour, le bureau de change, puis le bureau du dépôt des matières. À gauche, le bureau particulier du directeur.

Dans l’aile en retour, après un escalier, bureau pour recevoir les lames du moulin et des cisailles ; puis, salle à manger du directeur.

Dans l’aile de droite, cuisine, chambre des lavures, fonderie de l’argent, fonderie de l’or ; au-dessous, cave pour le charbon.

Après la fonderie de l’or, l’essayerie et divers services pour le directeur.

Dans le corps de logis, au fond de la grande cour, le blanchiment et la marque sur la tranche.

Sur une petite cour, boutique du serrurier avec logement au-dessus ; escalier conduisant à l’ajusterie, au parquet, au greffe. À côté de cet escalier, bureau pour délivrer aux monnayeurs et ajusteurs ; puis monnayage avec forge, et, au-dessus, l’ajusterie.

Dans le monnayage, pièce destinée à renfermer les flans et les équipages, puis, bureau de la délivrance, logement de l’essayeur, logement du graveur.

Dans l’aile de gauche, en entrant, moulins, à côté desquels escalier conduisant au laboratoire, au-dessus des moulins.

Premier étage. — Logement du directeur, à gauche, comprenant onze pièces ; logement du contrôleur, à droite, formé de sept pièces.

Deuxième étage. — Indépendamment de quatre pièces destinées aux domestiques du directeur, logement de deux juges ; pour l’un, huit pièces, pour l’autre, cinq.

La façade de l’hôtel des monnaies est d’un bel effet, et fait honneur au talent de l’architecte Portier. Les détails sont purs, l’ensemble est harmonieux. Au rez-de-chaussée, trois fenêtres à droite d’une porte cochère, et cinq à gauche (la porte est dans l’axe de la rue de la Monnaie, qui conduit sur le port) ; au premier étage, neuf fenêtres ; au deuxième, en mansarde, huit. La partie centrale s’avance en avant-corps, limité par deux pilastres en bossage. Cet avant-corps présente, au rez-de-chaussée, la porte-cochère ; au premier étage, une fenêtre ; à la mansarde, une sculpture, au centre de laquelle un écu, sur lequel étaient autrefois gravées les armes de France. Cet écu est porté par quatre ailes mêlées à des feuillages.

Il semble qu’il soit dans la destinée de chaque hôtel des monnaies de Bordeaux de remplir pendant quelque temps sa destination. Dès les premiers moments de la révolution, il fut question de la suppression des hôtels des monnaies. Le 17 décembre 1790, le directeur de cet hôtel adressa aux Administrateurs de ce département un mémoire ayant pour but de détourner ce coup fatal. Tout au plus eut-il pour effet de le retarder ; mais ce ne fut même pas à son profit. En exécution de la loi du 18 septembre 1792, Dutilh fut nommé par le Gouvernement, le 25 du même mois, commissaire de cet hôtel, et reconnu par le conseil général du département, le 19 octobre suivant. Peu de temps après, un arrêté du comité de salut public, du 18 thermidor an ii, ordonna la fermeture des hôtels de monnaie de province et la rédaction d’inventaires de leurs ustensiles et machines. L’hôtel des monnaies de Bordeaux fut ouvert de nouveau en 1795.

En l’an viii, la fabrication des monnaies fut transférée dans un troisième local, dont nous parlerons bientôt. L’hôtel dont nous nous occupons fut mis en vente en 1807, et acquis le 14 août pour le prix de 28,500 francs, par l’abbé Praire, vicaire général du diocèse de Bordeaux. Celui-ci passa, le 30 août 1807, un bail de neuf ans avec les dames de la Réunion de bienfaisance chrétienne ; ce traité fut résilié, peu de temps après, par l’intervention de l’archevêque de Bordeaux, et cession fut faite de ce bâtiment par l’abbé Praire aux Ursulines, moyennant le prix d’achat.

Troisième hôtel des monnaies.

Jean de Fonteneil, archidiacre du Médoc, fonda, en 1643, la congrégation du clergé, dans le but de former des missionnaires pour le diocèse.

L’archevêque Louis d’Anglure de Bourlemont (1680-1697) confia la direction du séminaire des Ordinands aux prêtres de la congrégation de la mission.

C’est dans ce local, passé dans les mains du domaine, que fut transféré, par arrêté du 22 germinal an viii, l’atelier de la monnaie. Un arrêté de l’administration centrale du département, en date du 22 frimaire an viii, annonça l’adjudication au rabais de la construction de deux balanciers à établir dans l’hôtel des monnaies de Bordeaux.

En 1833, il fut question de supprimer les hôtels des monnaies des départements et de concentrer la fabrication à Paris. Henri Fonfrède prit, avec la chaleur qu’il mettait dans toutes les questions, la défense des départements. Néanmoins la fabrication va toujours diminuant, et il est bien à présumer que l’économie d’une vaste fabrication, les procédés perfectionnés, qui ne peuvent être réalisés que dans ces conditions, amèneront tôt ou tard la centralisation à Paris de tous les ateliers monétaires.


III.

Notice faite au commencement du xviie siècle sur les pierres tombales de l’église et du cloître de l’abbaye Notre-Dame-aux-Nonnains de Troyes.

(Communication de M. Barthélemy, correspondant à Saint-Brieuc.)

« Épitaphes ou inscriptions extraictes des tombes et monumentz qui ont esté recognuz en l’eglise et cloistre de l’abbaye Nostre-Dame de Troyes[5] en l’an 1626, estant lors abesse d’icelle noble dame sœur Claude de Choiseul, nonain professe de ladicte abbaye.

« Au milieu du chœur des religieuses sur une belle grande tumbe est cette inscription :

« Cy-gist noble homme monseigneur Estienne, jadis sire de Saint-Fale, chevalier qui trespassa l’an 1342, le 20 janvier, et dame Guillaume de Ray, sa femme, dame dudictlieu qui trespassa l’an mil………

« Item trespassa sœur Marye de Sainct-Fale leur fille, jadis abbesse de ceans, l’an 1368, le 20e jour de septembre. Priez Dieu pour les ames d’eux. Amen.

« Audict chœur, devant le siége abbatial :

« Hic jacet domina soror Isabellis de Sancto Fidolo[6] quondam abbatissa istius monasterii quæ obiit anno 1328, die sexta aprilis.

« Devant la chapelle Nostre-Dame du Rosaire sur une tumbe :

« Hic Isabellis[7] jacet abbatissa ; rebellis
« Semper avaritiæ, dedita munditiæ
« Mitis, amans, simplex, humilis, vetus et juvenilis,
« Largaque pauperibus, sit sacer inde cibus
« M. junga bis C. simul LXI, tria misce
« Hoc, martisque dies, summa fuere quies.

« Devant ladicte chapelle sur une tumbe :

« Cy gist dame Agnes, fille au vicomte de Limeren, dame de Saint Sepulchre qui trespassa l’an de grace 1278 au mois de novembre, le jour de Saint-Martin.

« Devant ledict autel du Rozaire :

« Corpus Alaidis[8] abatissæ jacet isto sub tectu lapidis, animam possit dare Christo pro quo laudes meruit magnas. Donatur pro mercede corona. Dicite Pater noster.

« Devant l’autel de Saincte Magdelaine sur une tumbe :

« Anno milleno C bis LX duodeno
« Hax abbatissa fuit ad cælestia missa
« Oda[9] suum nomen, felix fuit illius omen
« Ordinis et clavis, pia, sobria, justa, suavis.

« Au chapitre de l’abbaye.

« Cy gist Gilles de Vaujoan[10], jadis abbesse de Nostre-Dame de Troyes, qui trèspassa l’an 1297, le jour de dimanche apres Pasques.

« Audict chapitre :

« Hic jacet regiliosa soror Gila de Barberiaco, quondam hujus monasterii elemosinaria, quæ obiit anno 1327.

« Devant le chapitre :

« Cy gist Dame Ysabeaux de Sainct-Fale[11], abbesse de Nostre-Dame de Troyes, qui trespassa l’an de grace 1293, le mardy apres Pasques.

« Tout joingnant :

« Hic jacet religiosa domina Ysabellis de Sancto Fidolo…

« Tout joingnant :

« Hic jacet Petronilla de Sancto Fidolo istius ecclesiæ elemosinaria…

« Tout de suitte :

« Cy gist sœur Mahault de Dinteville, prieure de cette eglise, qui trespassa le 12 aoust 1420.

« Cy gist sœur Ysabeau d’Aunoy jadis tresoriere de cette eglise, qui trespassa le 8 septembre 1438.

« Au cloistre, à la sortye de l’eglise, à main senestre :

« Cy gist madame Huguette de Baissay[12], jadis abbesse de cette eglise, qui trespassa le 4e febvrier 1465.

« Un peu plus avant au cloistre :

« Cy gist madame Blanche de Broye[13], jadis abbesse de ceste eglise, qui trespassa le 17e janvier 1438.

« Joingnant la sepulture de madame Huguette de Baissay :

« Cy gist Marie de Troyes, nonain de cette eglise, laquelle trespassa l’an de grace 1315, le jour de la chaire Sainct-Pierre en febvrier, et Helvis de Troyes[14], jadis abbesse de cette eglise, qui trespassa l’an 1357 le jour des xi mille vierges.

« Tout de suitte :

« Cy gist sœur Guillemette la Bourgongne, religieuse de ceans, laquelle trespassa l’an 1409, le jour Sainct-Clement.

« Cy gist sœur Catherine la Ciergiere, enfermiere de ceans, laquelle trespassa l’an 1424, le 26 juin.

« Cy gist Catherine de Lusigny, leur niepce, chantre de ceans, et depuis abbesse[15], laquelle trespassa l’an 1479, le 14 novembre.

« Au cloistre, du costé du chapitre, pres l’entrée pour monter au dortoyr :

« Cy gisent sœurs Helvis Desportes, jadis prieure nonain de ce monastere, qui trespassa le 25 avril 1341, et Sybille la Pacarde nonain, et Marie sa sœur converse, ses niepces, et Marie la Bauchonne leur niepce, laquelle Sybille trespassa l’an M. CCC. … et sa sœur le 1eroctobre, et leur niepce le 17 septembre 1345.

« En l’église à main gauche, assez près du grand autel, contre une muraille, y avoit une sépulture eslevée, laquelle a esté enlevée en l’année présente 1626, lorsqu’on a dressé le nouvel autel ; sur la sépulture y avoit cette inscription :

« Cy gist Mahault d’Anglure[16], jadis abbesse de ceans, laquelle trespassa l’an 1349, le 4e novembre.

« Madame Marie de Luxembourg, abbesse, mourut le 16e mars 1597, n’y aiant aucune tumbe sur sa sépulture[17].

« Madame Louyse de Luxembourg, abbesse, sa niepce, mourut en avril 1602, aagée de 22 ans, comme porte une inscription laquelle est contre un pillier du chœur au-dessus des chaires du costé dextre[18].

« Madame Louyse de Dinteville fut abbesse par la mort de la dicte Louyse de Luxembourg et mourut le 28e novembre 1617, aagée de 60 ans, estant née à Palizy en aoust 1557, peu de jours apres la bataille de Sainct-Quentin. Est enterrée à l’entrée du chœur[19].

« Au devant du grand autel, à main droite de la grille :

« Hic jacet Mathildis de Valeriaco quondam hujus monasterii abbatissa, quæ hic sepulta fuit anno domini 1262, die Veneris post Pascha[20].


IV.

Note sur des vases en étain servant autrefois à offrir les vins de ville et conservés à Joinville (Haute-Marne).

(Communication de M. Fériel, correspondant à Langres.)

Dans quelques-unes de nos anciennes provinces, en tête desquelles il faut placer la Champagne et la Bourgogne, il était d’usage autrefois que les corps municipaux offrissent du vin aux personnages de distinction qui visitaient la cité et qu’on voulait recevoir avec honneur.

Ce vin, symbole hospitalier, était généralement présenté dans des pois d’étain d’une forme allongée et d’une certaine élégance, désignés sous le nom de gondoles, de cimaises ou de cimarres.

Le premier de ces mots figure encore aujourd’hui au vocabulaire de la langue française ; le second est commenté dans la plupart des glossaires ; et, dans bon nombre de paroisses du diocèse de Langres, on donne le nom de cimarres à certains vases que possède chaque ménage pour offrir du vin aux cérémonies funèbres.

La mairie de Joinville a conservé les vaisseaux qui servaient jadis à présenter les vins de ville. Ils sont au nombre de quatre, semblables de forme, mais inégaux en capacité. Deux de ces vases ont soixante centimètres, les deux autres quarante-cinq centimètres de hauteur. La capacité des premiers est de six litres ; celle des seconds, de quatre litres seulement. Outre deux anses latérales qui accompagnent le col élancé de chacun d’eux, une troisième anse destinée à les tenir convenablement, comme aussi à les vider avec plus de facilité, s’attache par derrière, à peu de distance du couvercle, et retombe au même niveau que les deux autres.

Sur le devant, un écusson de forme antique, qui s’incline du col à la panse, présente en relief les armoiries de Joinville : d’azur à trois broyes d’or, le chef d’argent chargé d’un lion issant de gueules.

Ces insignes municipaux existaient vraisemblablement dans la plupart des villes de la Haute-Marne. Voici, à cet égard, un document curieux qui se trouve aux archives de Langres.

Sur une pièce portant la date du siècle dernier, et ayant pour titre : Mémoire des marques d’honneur de la magistrature que l’on a coutume de porter chez M. le maire, on lit : « Cejourd’hui neuf septembre mil sept cent dix-sept, madame Boudrot, veuve de deffunct Boudrot, maire, a restitué à MM. de Ville le portrait du roy à présent régnant, avec un cadre doré ; plus quatre gondolles d’argent qui ont esté données à l’hostel de ville par feu monsieur de Channolue, lesquelles gondolles représentent les quatre vins, sçavoir : Vin de singe, vin de lyon, vin de mouton, vin de cochon, armoriées des armes dudit deffunct au fond desdites gondolles, etc… »

La dénomination des quatre vins paraîtra, sans contredit, des plus singulières. Rien dans les coutumes locales n’en fournit l’explication. Toutefois, en considérant les différents degrés par lesquels passe successivement l’homme qui s’achemine vers l’ivresse, on est tenté de voir, dans le vin de singe, celui qui fait naître les saillies et anime la gaieté ; dans le vin de lion, celui qui soutient la force et excite le courage ; dans le vin de mouton, celui qui amène la faiblesse, et dans le quatrième, enfin, celui qui fait rouler le buveur sous la table et le confond avec les animaux immondes.

Si telle était la signification des quatre vins, l’étranger qu’on honorait par un semblable présent ne devait en accepter que la moitié ; c’est peut-être dans cette pensée que les vases de Joinville ont des capacités différentes. Le vin de singe et le vin de lion n’ont rien qui puisse les faire repousser ; mais le vin de mouton paraît indigne d’un homme de cœur, et le dernier, indigne d’un homme.


V.

Note sur une crosse d’abbé de Toussaint, trouvée dans l’église de ce nom, à Angers.

(Communication de M. Godard-Faultrier, correspondant à Angers.)

Afin de répondre à une partie du n° 2 du Questionnaire, j’ai l’honneur d’envoyer aux comités historiques (section d’archéologie) la note suivante :

En 1845, en présence de MM. Lebe-Gigun, membre de la Légion d’honneur, et de Beauregard, président de chambre à la cour, je procédai, dans l’ancienne église de Toussaint, à l’examen d’un tombeau découvert, le 11 mars, à 1 mètre 70 centimètres de profondeur, au bas de la nef de ladite église.

Ce tombeau, de la classe de ceux qui sont appelés non apparents, était en forme d’auge, mais plus large vers les flancs qu’aux pieds et à la tête ; il se composait de plusieurs pierres de tuf, taillées sur leur face interne, dressées sur leurs champs, placées sur le sol, liées entre elles avec de la chaux et recouvertes de larges ardoises brutes. Le sol lui-même, corroyé et parsemé en quelques endroits de résidus de charbons de bois, formait le fond du tombeau dont le chevet en pierre de tuf encadrait la tête du défunt dans une sorte de creux.

Ce cercueil, dans le plan de l’est à l’ouest, renfermait un squelette ayant les pieds à l’est et la tête à l’occident. Il contenait :

1° Des résidus de charbon de bois, comme je viens de le dire ;

2° Des feuilles de laurier trouvées sous la tête ;

3° Des restes de linceul ou plutôt d’un vêtement ayant encore quelques fils d’argent ;

4° Des débris d’une chaussure dont je n’ai pu bien déterminer l’étoffe, si toutefois ce n’est pas du cuir ;

5° Une très-belle crosse en cuivre doré, dont la volute (représentant un serpent ailé ou dragon, des lèvres duquel s’échappe une petite croix) reposait sous la tête même du défunt.

Cette crosse, tachetée de vert de gris, n’est point émaillée ; sa volute, sa boule méplate et sa douille sont d’une seule pièce, ensemblement fondues.

Elle avait une hampe en bois, dont le bout se trouvait enchâssé dans une gaîne en cuivre.

La longueur totale de cette crosse était de 1 mètre 77 centimètres.

Je la crois de la fin du xie siècle. Elle est aujourd’hui déposée au musée des antiquités[21].


VI.

Acte relatif à l’élection de Guillaume Durand à l’évéché de Mende, en 1285.

(Communication de M. de Girardot, membre non-résident, à Bourges.)

Le Rationale divini officii de Guillaume Durand est un des ouvrages anciens le plus fréquemment et le plus utilement consultés par les archéologues. Il ne sera sans doute pas indifférent au comité des arts et monuments d’avoir communication d’un acte relatif à un des événements importants de sa vie, son élection à l’évêché de Mende, en 1285.

Guillaume Durand, doyen de Chartres, était à Rome lorsqu’il fut élu évêque par les chanoines de Mende ; mais, dans ces circonstances les chanoines avaient oublié de rendre compte de l’élection à leur métropolitain, l’archevêque de Bourges, qui les rappela à leur devoir : c’est leur réponse que j’ai l’honneur de vous envoyer.

Le comité remarquera la mention relative au sceau : en l’absence des deux chanoines dépositaires des clefs de l’Arche où le grand sceau était enfermé, les chanoines font mention de ce qu’ils scellent leur lettre du sceau ad Causas et du sceau de l’official de Mende.

Littera super facto electionis Mimatensis.
(Extrait du cartulaire de l’archevêché de Bourges.)

« Venerabili et reverendo patri in Christo ac domino domino Symoni divina providencia Bituricensis archiepiscopo Aquitanie primate (sic) sui devoti capitulum Mimatense reverenciam et obedientiam cum salute paternitatis vestre litteras nos cum reverencia recepisse noveritis inter cetera continentes vos quam plurimum admirari super eo quod si pastorem elegimus vos non curavimus reddere certiorem injungentes nobis ut veritatem negocii et facti seriem nostris patentibus litteris vobis certitudinaliter scribere curaremus. Super quo paternitati vestre regraciamus quam plurimum quod adeo curialiter nobis scribere voluistis ex quo evidenter perpendimus ad utilitatem et honorem ecclesiæ nostra vos zelare rescribentes paternitati vestre nos eligisse unanimiter et concorditer rite et canonice virum venerabilem et discretum dominum Guillelmum Duranti decanum ecclesiæ Carnotensis in episcopum et pastorem nostre ecclesie Mimatensis. Electionis tamen decretum nondum eidem presentavimus propter ejus absenciam quia est absens in partibus Romanie et in proximo nostrum debemus capitulum convocare et solempnes nuncios eidem mittere pro presentendo eidem eleccionis memorate decretum. Quam cito commode poterimus et consensu ipsius habito tam eleccionem quam ipsius electi personam vobis tanquam metropolitano nobis presentabimus confirmandam, prout racio suadebit. Datum Mimat. die Mercurii in festo beati Marchi anno Dni m. cc. octogentesimo quinto et quia duo de concanonicis nostris qui claves arche in qua majus sigillum nostrum custoditur erant absentes cum sigillo nostro ad causas et sigillo officialis Mimatensis presentes litteras fecimus sigillari. » Page:Bulletin du comité historique des arts et monuments, volume 1, 1849.djvu/211

  1. Observations sur le monnayages des deux duchés d’Aquitaine et de Gascogne.
  2. C’est la voie qui reçut et qui porte toujours le nom de rue Française, par opposition à celui de rue Anglaise à laquelle elle se liait, et qui conduisait sur le port.
  3. C’est aujourd’hui la rue de la Monnaie. (Voir sur cette rue Anglaise un article de Baurein.)
  4. Ce fut la porte de la Monnaie.
  5. Le monastère de Notre-Dame de Troyes fut, dit-on, fondé par saint Leuconius, vers le milieu du xve siècle : c’était sans contredit l’abbaye de femmes la plus illustre de Champagne : elle avait haute, basse et moyenne justice, et des priviléges importants qui amenèrent de fréquents démêlés entre les abbesses et les évêques. Ce monastère aujourd’hui a disparu pour faire place à l’hôtel de la préfecture du département de l’Aube.
  6. Isabelle de Saint-Phale, abbesse de 1315 à 1328.
  7. Isabelle de Saint-Phale, nommée par le Gallia Christiana, Isabelle de Chasteauvilain.
  8. Alix de Villehardouin, fille de Guillaume de Villehardouin, maréchal de Champagne, et d’Agnès de Courtenay. Sa tombe portait une couronne soutenue par deux anges. Suivant une note, cette abbesse serait fille du fameux Geoffroy de Villehardouin qui, d’après une charte de 1189, donnait à l’abbaye de Notre-Dame, en considération de sa fille Alix, vingt sols de rente annuelle à prendre sur le revenu de sa terre de Villy, nommée depuis Villy-le-Maréchal.
  9. Odette de Pougy, fille de Renant de Pougy, et nièce de Manassès, évèque de Troyes.
  10. Gillette de Vaujouan, abbesse de 1293 à 1297.
  11. Isabelle de Saint-Phale, abbesse de 1292 à 1293.
  12. Huguette de Baissy.
  13. Blanche de Broyes, abbesse de 1408 à 1438.
  14. Helvis de Troyes.
  15. Catherine de Lusigny, abbesse de 1466 à 1479.
  16. Mahaut d’Anglure, abbesse de 1328 à 1349.
  17. Marie de Luxembourg, fille de Charles, comte de Brienne, et de Charlotte d’Estouteville, abbesse de 1560 à 1597.
  18. Louise de Luxembourg, fille de François, duc de Piney, prince de Tinguy, abbesse de 1597 à 1602.
  19. Louise de Dinteville, fille de Guillaume, seigneur d’Eschenets, et de Louise de Rochechouart, abbesse de 1602 à 1617.
  20. Mahaut de Valery, sœur d’Erart, camérier du roi Philippe III, abbesse de 1249 à 1262.
  21. Le dessin de cette crosse formera une planche publiée avec la livraison prochaine du Bulletin.