La Verdure dorée/Pour le bonheur, dont le pipeau

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 255-257).

CL

À Francis Carco.


Pour le bonheur, dont le pipeau
Module plus doux que la gloire,
Prends ta massue et ton chapeau ;
Mais c’est toujours la même histoire.

Des fleurs sur l’onde et les agrès ;
Un vol de neige au bleu s’élance,
Et sur les flots au loin dorés
Le blanc navire se balance.

Faites sonner les beaux clairons
Des roses s’ouvrent aux antennes ;
Les astres nous les cueillerons,
Là-bas, au ras des mers lointaines.

Et le vaisseau navigue sur
L’eau claire où se mirent les voiles
Et là-bas les rameaux d’azur
Inclinent des grappes d’étoiles.


Quel vent arrache les bouquets
Et bat la mer creuse et terrible ?
Les bateaux sont entrechoqués
Comme des graines dans un crible.

Quelles sont ces montagnes d’eau
Et ces tonnerres d’avalanches ?
Mon pauvre ami, que tu es beau
Sous ces trombes vertes et blanches.

L’ouragan hurle et tord les mâts ;
Le vaisseau grince, tangue et roule,
Et l’oiseau bleu que tu aimas
Il est noyé comme une poule.


Et maintenant tu peux t’asseoir
Au milieu des lambeaux des voiles ;
Ce n’est pas encore ce soir
Que l’on décroche les étoiles.

Alors on pleure la saison
Pleine de nids et de dimanches,
La glycine sur la maison
Et la rivière sous les branches.


On s’en revient bien tristement
Sans sa valise d’espérance ;
On s’en revient comme je m’en
Reviens vers l’ombre et le silence.

Plus de voyages et que l’on
Jette ma cuirasse et ma pique !
Mon cœur n’est plus qu’un violon
Sous un archet mélancolique.