La Verdure dorée/Ce soir de septembre où je suis

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 177-178).

CXI


Ce soir de septembre où je suis
Solitaire sous le feuillage
Calme, j’évoque ton visage
En fumant ma pipe de buis.

Car il n’est plus rien qui émeuve
Mon cœur lassé de ses décors
Que la mémoire de ton corps
Rose dans l’eau verte du fleuve

Et tes gestes que je revois
Lorsque, dansant sous la feuillée,
Tu jonglais, rieuse et mouillée,
Avec une rose et deux noix.

La lune monte, et sur ce bord je
Pense à tes bras que j’ai baisés,
Et qu’aux soirs bleus tu écrasais
Des mûres noires sur ta gorge.

Ainsi je regarde fleurir
De vieilles roses étouffées
Et je tire d’âcres bouffées
De ma pipe et du souvenir.


Que le sort maintenant me donne
La paix d’un feuillage indulgent.
Quoi ! vais-je pleurer en songeant
Que tu t’es flétrie à l’automne ?

La lune pend, rouge abricot,
Aux branches jaunes de la berge
Et j’enroule un fil de la Vierge
Sur les cornes d’un escargot.