Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick/Cahiers personnels

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Cahiers personnels (1953 & 1964)
Cahiers personnels ; Notes pour les Journées de Florbelle ; Adélaïde de Brunswick, Texte établi par Gilbert Lely, Jean-Jacques PauvertXIII (p. 9-47).

CAHIERS PERSONNELS

[1.]

« Les bêtes féroces qui m’environnent inventent chaque jour quelque humiliation qui ajoute à l’horreur de ma destinée ; elles distillent goutte à goutte dans mon cœur le poison de l’adversité, comptent mes soupirs avec délice et, avant que de s’engraisser de mon sang, elles s’abreuvent de mes larmes. »

Paroles d’Antoinette à la Conciergerie.

[2.]

Voilà encore les guerres de religion prêtes à dévaster l’Europe. Boheman, chef et agent d’une nouvelle secte de christianisme épuré, vient d’être arrêté en Suède, et les projets les plus désastreux sont trouvés dans ses papiers. La secte à laquelle il tient ne tendait, dit-on, à rien de moins qu’à se rendre maîtresse de tous les potentats de l’Europe, ainsi que de leurs sujets. En Arabie, de nouveaux sectaires s’érigent et veulent épurer la religion de Mahomet. En Chine, des troubles plus affreux encore, et toujours motivés par la religion, déchirent l’intérieur de ce vaste empire. — Et toujours des dieux pour cause de tous les maux.


[3.]

Geoffroy dit quelque part qu’on n’ose pas louer ce qui peut être sorti de bon de la plume d’un écrivain obscène, de peur, en louant le bon, de se rendre complice du mauvais. D’où il résulte que, d’après ce raisonnement, il ne faudrait point applaudir la Métromanie, parce que son auteur a fait l’Ode à Priape, ni Mérope, parce que la Pucelle est sortie de la plume de son divin poète.


[4.]

De Thou, dans son cinquante-deuxième livre, rapporte que, le lendemain de la Saint-Barthélemy, les femmes de la cour de Catherine de Médicis sortirent du Louvre pour contempler les corps nus des huguenots assassinés et dépouillés sous ses murs. — Au 10 août, les femmes de Paris vinrent de même contempler les corps des Suisses jonchés dans les Tuileries.


[5.]

Il faut intituler le Suborneur : l’Homme dangereux ou l’Ami du jour.


[6.]
L’estime due aux écrivains.

Malheur à l’écrivain qu’il est impossible d’estimer après l’avoir lu… On doit avant tout chercher l’honnête homme dans l’écrivain… — Voilà ce que nous adresse le rédacteur du Journal des Débats du 25 messidor an XI.

Peut-on soutenir un tel paradoxe ? L’homme qui ose nous dire une telle chose ignore donc que l’estime n’est qu’un sentiment purement relatif à nos opinions et que nous n’accordons jamais qu’à celui qui les partage ? Et l’homme de lettres doit-il, par état, flatter les opinions de tel ou tel ? Par les organes de son génie et de son cœur, il doit écrire ce que l’un et l’autre lui dictent, abstraction faite des opinions individuelles. De ce moment il lui devient impossible de plaire à tout le monde. Il faudrait plutôt dire : Malheur à l’écrivain bas et plat qui, ne cherchant qu’à flatter les opinions à la mode, renonce à l’énergie qu’il a reçue de la nature pour ne nous offrir que l’encens qu’il brûle complaisamment aux pieds du parti qui domine. Le malheureux, captivant, soumettant ainsi ses propres opinions à celles du jour, n’aurait jamais le courage de sortir son siècle du bourbier où l’entraînent si souvent les modes absurdes de l’opinion. Et voilà celui qu’eurent les écrivains célèbres du xviiie siècle, si nettement désignés par les imbéciles rédacteurs de ce journal vendu au plus infect capucinisme. Laissons les sots en paix clabauder contre des talents qu’ils ne peuvent avoir. On sait que de tout temps cette classe de dégoûtants écoliers eut l’égoïste manie de rabaisser à elle ceux auxquels il lui devenait impossible de s’élever. « Le vice des petits esprits », dit l’aimable auteur des Enfants de l’Abbaye, « est de haïr la supériorité à laquelle ils ne peuvent atteindre ». Il faut qu’il y ait de ces originaux dans le monde ; c’est à eux que Gresset adressait ces vers :

Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs.

Il faut, disent ces ostrogoths, chercher l’honnête homme dans l’écrivain. C’est l’homme de génie que je veux dans l’écrivain, quels que puissent être ses mœurs et son caractère, parce que ce n’est pas avec lui que je veux vivre, mais avec ses ouvrages, et je n’ai besoin que de vérité dans ce qu’il me fournit ; le reste est pour la société et il y a longtemps que l’on sait que l’homme de société est rarement un bon écrivain. Diderot, Rousseau, d’Alembert paraissaient presque imbéciles en société, et leurs écrits seront toujours sublimes, en dépit des turpitudes de Messieurs des Débats… Il est si à la mode d’ailleurs de prétendre juger les mœurs d’un écrivain d’après ses écrits, cette fausse conception trouve aujourd’hui tant de partisans, que l’on n’ose presque plus, de nos jours, essayer une idée hardie : si malheureusement surtout on énonce ses pensées sur la religion, voilà la tourbe monacale qui vous écrase et qui ne manque pas de vous faire passer pour un homme dangereux. Les coquins vous brûleraient comme l’Inquisition, s’ils en avaient le pouvoir ! Doit-on s’étonner d’après cela que, pour vous faire taire, ils décrient sur-le-champ les mœurs de ceux qui n’ont pas la bassesse de penser comme eux ? Au reste, cette injustice n’est pas nouvelle : nous savons qu’il se trouvait jadis des gens assez imbéciles, ou du moins aussi imbéciles que les Geoffroy et les Joudot des Débats, pour prétendre que l’auteur de la tragédie d’Atrée était un méchant homme, parce qu’il avait rempli une coupe du sang du fils de Thyeste.


[7.]
Fantômes.

Être chimérique et vain dont le nom seul a fait couler plus de sang sur la surface du globe que n’en fera jamais répandre aucune guerre de politique, puisses-tu rentrer dans le néant dont la folle espérance des hommes et leur ridicule frayeur osèrent malheureusement te sortir ! Tu ne parus que pour le supplice du genre humain. Que de crimes épargnés sur la terre, si l’on eût égorgé le premier imbécile qui s’avisa de parler de toi ! Montre-toi donc si tu existes ; ne souffre pas surtout qu’une faible créature ose t’insulter, te braver, te bafouer comme je le fais, qu’elle ose renier tes merveilles et rire de ton existence, vil fabricateur de prétendus miracles ! N’en fais qu’un, pour nous prouver que tu existes ; montre-toi, non dans un buisson de feu, comme on dit que tu apparus au bon Moïse, non sur une montagne, comme tu te montras au vil lépreux qui se disait ton fils, mais auprès de l’astre dont tu te sers pour éclairer les hommes : que ta main à leurs yeux paraisse le guider ; cet acte universel, décisif, ne doit pas te coûter davantage que tous les prestiges occultes que tu opères, dit-on, tous les jours. Ta gloire est intéressée à celui-ci ; ose le faire, ou cesse de t’étonner que tous les bons esprits rejettent ton pouvoir et se soustraient à tes prétendues impulsions, aux fables, en un mot, que publient de toi ceux qui s’engraissent comme des pourceaux à nous prêcher ta fastidieuse existence et qui, semblables à ces prêtres du paganisme nourris des victimes immolées aux autels, n’exaltent leur idole que pour multiplier les holocaustes, — Vous voilà, prêtres du faux dieu que chanta Fénelon ; vous étiez, en ces temps-là, contents d’exciter dans l’ombre les citoyens à la révolte : malgré l’horreur que l’Église a dit avoir pour le sang, à la tête des frénétiques qui versaient celui de vos compatriotes, vous montiez sur des arbres pour diriger vos coups avec moins de danger. Telle était alors la seule façon dont vous prêchiez la doctrine du Christ, dieu de paix ; mais depuis qu’on vous couvre d’or pour le servir, bien aises de n’avoir plus à risquer vos jours pour sa cause, c’est maintenant par des bassesses et des sophismes que vous défendez sa chimère. Ah ! puisse-t-elle s’évanouir avec vous pour jamais, et que jamais les mots de Dieu et de religion ne soient plus prononcés ! Et les hommes paisibles, n’ayant plus à s’occuper que de leur bonheur, sentiront que la morale qui l’établit n’a pas besoin de fables pour l’étayer, et que c’est enfin déshonorer et flétrir toutes les vertus que de les échafauder sur les autels d’un Dieu ridicule et vain, que l’examen le plus léger de la raison pulvérise dès qu’elle l’examine, — Évanouis-toi donc, dégoûtante chimère ! Rentre dans les ténèbres où tu pris naissance ; ne viens plus souiller la mémoire des hommes ; que ton nom exécré ne se prononce plus qu’à côté du blasphème, et qu’il soit livré au dernier supplice, le perfide imposteur qui voudrait à l’avenir te réédifier sur la terre ! Ne fais plus surtout tressaillir d’aise ni crier de joie les évêques charnus à cent mille livres de rentes : ce miracle ne vaudrait pas celui que je te propose, et si tu dois nous en montrer un, qu’il soit au moins digne de ta gloire. Et pourquoi donc te cacher à ceux qui te désirent ? Crains-tu de les effrayer, ou redouterais-tu donc leur vengeance ? Ah ! monstre, comme elle t’est due ! Était-ce en effet la peine de les créer pour les plonger, comme tu le fais, dans un abîme de malheurs ? Sont-ce donc par des atrocités que tu dois signaler ta puissance, et ta main qui les écrase ? Ne doit-elle pas être maudite par eux, exécrable fantôme ? Tu as bien raison de te cacher ! les imprécations pleuvraient sur toi, si jamais ta face hideuse apparaissait aux hommes ; les malheureux, révoltés de l’ouvrage, pulvériseraient bientôt l’ouvrier ! — Faibles et absurdes mortels qu’aveuglent l’erreur et le fanatisme, revenez des dangereuses illusions où vous plonge la superstition tonsurée, réfléchissez au puissant intérêt qu’elle a de vous offrir un Dieu, au crédit puissant que de tels mensonges lui donnent sur vos biens et sur vos esprits, et vous verrez que de tels fripons ne devaient annoncer qu’une chimère, et, réversiblement, qu’un fantôme aussi dégradant ne pouvait être précédé que par des brigands. Si votre cœur a besoin d’un culte, qu’il l’offre aux palpables objets de ses passions : quelque chose de réel vous satisfera du moins dans cet hommage naturel. Mais qu’éprouvez-vous après deux ou trois heures de mysticité déifique ? Un froid néant, un vide abominable qui, n’ayant rien fourni pour vos sens, les laisse nécessairement dans le même état que si vous eussiez adoré des rêves et des ombres !… Et comment en effet nos sens matériels peuvent-ils s’attacher à autre chose qu’à la même essence dont ils sont formés ? Et vos adorateurs de Dieu, avec leur frivole spiritualité que rien ne réalise, ne ressemblent-ils pas tous à Don Quichotte prenant des moulins pour des géants ? — Exécrable avorton, je devrais ici t’abandonner à toi-même, te livrer au mépris que tu inspires seul, et cesser de te combattre de nouveau dans les rêveries de Fénelon. Mais j’ai promis de remplir la tâche ; je tiendrai parole, heureux si mes efforts parviennent à te déraciner du cœur de tes imbéciles sectateurs et peuvent, mettant un peu de raison à la place de tes mensonges, achever d’ébranler tes autels, pour les replonger à jamais dans les abîmes du néant.


[8.]

Employez la situation d’un orage contraignant votre héros à se réfugier dans une caverne, où il arrive des choses fort extraordinaires.


[9.]

C’est parce que l’esprit de l’homme est fini qu’il ne peut comprendre l’éternité de la matière, et c’est ce défaut de son esprit qui lui fit inventer des dieux. Tout ce que nous voyons a été de tous les temps, mais les bornes de notre esprit nous empêchent de comprendre cette grande vérité, et c’est à cela qu’est nécessairement due la première idée d’un créateur, dans un ouvrage que nous croyons fini comme notre esprit.


[10.]
Épitaphe de D.-A.-F. Sade,
détenu sous tous les régimes.

                        Passant,
Agenouille-toi pour prier

Près du plus malheureux des hommes.
Il naquit au siècle dernier
Et mourut au siècle où nous sommes.
 Le despotisme au front hideux[1]
En tous les temps lui fit la guerre[2]
Sous les rois ce monstre odieux[3]
S’empara de sa vie entière[4] ;
 Sous la Terreur il reparaît[5]
Et met Sade au bord de l’abîme[6] ;
Sous le Consulat il renaît[7] :
Sade en est encor la victime.


[11.]

Phrase à placer dans mes Mémoires : Les entractes de ma vie ont été trop longs.


[12.]

Les pères de l’Église, Sénèque, Juvénal, Tacite, Suétone, Dion Cassius, ont tous peint le vice sous les couleurs les plus fortes.


[13.]

C’est dans le Menagiana de La Monnoye que se trouvent les anecdotes secrètes de Priape sur Théodora.


[14.]

Mon amie, à propos des Crimes de l’amour, disait qu’à la vérité le théâtre offrait quelquefois des traits aussi affreux, mais que la représentation était moins dangereuse que la lecture à froid de ces mêmes horreurs, quand on les mettait en roman, et que c’était sous ce rapport qu’elle croyait mon livre dangereux. — Elle trouvait d’ailleurs mon style simple, agréable et point maniéré.


[15.]

Jolie épigraphe :

Pour guide aurai, telle soit ma paincture.
Deux livres seuls : mon cœur et la nature.

Poésies de Clothilde de Surville, XVe siècle.

[16.]

Passages de la Bible : Dieu ordonna aux femmes des Madianites de se prostituer à son peuple pour le perpétuer ; il ordonna de même au lévite d’Éphraïm d’exposer sa femme à la prostitution des jeunes gens de Baal pour préserver son ministre de toute impureté.


[17.]

Dans la nef de la cathédrale de Chartres existe un labyrinthe en pierre noire et blanche, dont on peut faire le dessin pour l’exécution d’un joli labyrinthe de jardin.


[18.]

Je fus arrêté le 15 ventôse chez M. Massé, où je me trouvais pour mes affaires des Crimes de l’amour. Je fus témoin de la saisie faite chez lui. Quand elle fut finie, on me signifia un mandat d’amener. Je fus d’abord rue des Trois-Frères pour y prendre les clefs de Saint-Ouen. Je trouvai Madame [Quesnet] fort inquiète et très agitée. Elle me promit de ne pas m’abandonner. Je fus conduit à Saint-Ouen où se firent les perquisitions les plus exactes, qui ne produisirent que la saisie de quelques brochures, celle de mes trois tableaux et la tenture de mon boudoir. On me ramena de là à la Préfecture, où je ne pus obtenir d’aller chez moi avec un gardien, ainsi que je le demandais. On me mit deux nuits et deux jours au secret ; d’ailleurs des égards et des honnêtetés. Le 16, je fus interrogé deux fois par Moutard, le matin, de deux à quatre, le soir, de huit à dix. Je m’en rapportai à la feuille que j’avais préparée là le matin. Moutard m’interrogea une troisième fois le 18 ; on me présenta les manuscrits pris chez Massé : j’en avouai deux et dis sur les deux autres ce que j’avais dit relativement à Justine. Le septième jour, Madame n’avait pas encore pu me voir. Le huitième jour, on me laissa prendre dans mon carton des papiers dont j’avais besoin, et on me dit que le préfet, n’ayant pas voulu prononcer sur mon affaire, l’avait renvoyée au ministre de la Police. Madame parut avec B. L., mais je ne pus les voir. Le 25, on vint et on m’écrivit que mon affaire serait finie le lendemain. Le 27, Madame m’écrivit qu’elle me conseillait de voir un défenseur. Quelle contrariété ! Peut-on agir ainsi avec un homme qui souffre ? Le 28, je vis M. Jaillot, de Versailles, et, le 30, on me fit sortir de la petite chambre pour être avec les autres. Le 5 germinal, je retournai à l’interrogatoire ; on me présenta une lettre que je désavouai. Au retour, j’embrassai Madame en passant. Ainsi, à mon cent vingtième jour, j’eus mon quatrième interrogatoire. Le 11, un des détenus me prévint que j’allais être transféré à Pélagie. Je le fus effectivement le 12. Le 13, je vis Madame pour la première fois au parloir de Pélagie ; elle avait l’air de craindre des cabales de ma famille. Elle avait obtenu la permission de me voir trois fois par décade. Je remarquai dans ses discours beaucoup de contradictions, et je crus comprendre dès lors que le système chiffral s’employait contre moi comme à la Bastille.


[19.]
Livres désirés.

Delphine, de Mme  de Staël[8].

Histoire naturelle de la femme, suivie d’un Traité d’Hygiène, par J.-L. Moreau, 3 vol. in-8o avec 11 planches, 20 fr.

Histoire des Courtisanes de la Grèce.

Mémoires de Jeanne Vaubernier, comtesse du Barry, avec de grands détails et sa déclaration entre les deux guichets, après sa condamnation, 4 vol. in-12, 7 fr. 50 cent, chez Petit, libraire au Palais-Royal, ou chez Le Normand, imprimeur des Débats, rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, la porte cochère vis-à-vis l’église, au premier sur le devant, n° 42.

Poésies de Clotilde de Surville (XVe siècle), 1 vol. in-8o, prix : 4 fr., chez Le Normand.

Voyage à l’île de Ceylan, fait de 1791 à 1800, par Robert Percival, officier anglais, 2 vol. in-8o, 10 fr.

Tableau historique et chronologique de la Révolution, depuis le commencement du règne de Louis XVI jusqu’à l’avènement de Bonaparte, in-8o de 500 pages, 3 fr.

De l’Énergie de la matière et de son influence sur le système moral de l’univers, prix : 3 fr., 5 sous, chez Didot, quai des Augustins, n° 22.

Vie privée des Douze Césars, in-8o, avec des figures en forme de médailles, chez Garneri, rue Serpente.

Les Dialogues de Vanini.

Traité de la philosophie occulte, par Agrippa ou ses Œuvres en 3 vol., in-8o, 1550.

On trouve chez Desrait, rue Hautefeuille, près celle Saint-André-des-Arts, les Contes de Boccace, avec 111 figures, 10 vol. in-8o, 12 fr., ceux de la reine Marguerite faisant suite, avec 13 figures, 8 vol. in-8o, 9 fr.

Chez Maradan, rue Pavée-Saint-André-des-Arts, n° 16, les œuvres de Radcliffe, 11 vol., prix : 26 fr., savoir : le Château d’Udolphe, la Forêt, l’Italien, Julien.


[20.]

Dumas, tome Ier, page 254, dit : « Il y a dans la nature une tendance réciproque qui invite toutes les molécules de la matière à se rapprocher et à s’unir. » Donc le mouvement est inhérent à la matière et le prétendu moteur inutile.


[21.]
Renvoi de la page XXX du premier volume
des
Crimes de l’amour.

L’ingénieux roman de Célestine est la preuve de ce que nous venons de dire. Quel froid fait rejaillir sur les mystérieux événements qui caractérisent cet ouvrage la nécessité où s’est cru l’auteur de les éclaircir au dénouement ! N’eussions-nous pas mieux aimé que tout fût resté sous le voile ? Est-il donc nécessaire de tout dire… surtout quand on se permet de tout faire ? Si vous voulez m’amuser par des revenants, laissez-moi croire aux revenants. Ne craignez pas que j’aille trop loin : ma raison m’en empêche, mais puisque c’est vous qui la troublez, ne cherchez donc point à la guérir. Laissez-moi sentir les douleurs de ma blessure : je m’en suis composé des jouissances. Que de vérité d’ailleurs, que de nature dans cette délicieuse composition ! Comme l’auteur connaît le cœur humain et quel admirable usage il a fait de ses études sur l’homme ! Eh bien, voilà encore un de ces romans où la vertu persécutée par le crime laisse en partie triompher celui-ci ! Quel lecteur osera dire néanmoins qu’avec une telle marche (qui n’est heureusement blâmée que par les sots) ce livre n’ait atteint le dernier but de l’intérêt ? Ah ! vous qui, dénués d’âme et de sensibilité, critiquez froidement les énergiques tableaux de ce genre, vous qui voulez nous ramener à des principes qui jamais ne furent ceux de l’art, eussiez-vous, malgré vos pitoyables réflexions, dites, eussiez-vous versé sur l’adorable héroïne de ce roman les larmes qu’elle vous arrache malgré vous, si la perspective d’un bonheur éternel avec Dormeville vous eût empêché de voir la malheureuse Célestine expirante sur le tombeau de la victime de son délire, les lèvres collées sur la poitrine sanglante de son époux infortuné ?


[22.]
Note relative à ma détention
[et à l’ouvrage de Justine],

Je remarquai que la situation dans laquelle on me tenait et les farces qu’on me faisait me contraignaient à confondre les événements véritables avec les événements produits par l’imbécile méchanceté des scélérats qui me conduisaient ; ce qui, en me rendant insensible à ceux qui étaient arrangés, me rendait de même insensible à ceux du sort ou de la nature, en telle sorte que pour l’intérêt de mon propre repos, j’aimais mieux ne plus ajouter foi à rien et me blaser sur tout. D’où il résultait la terrible et dangereuse situation de supposer plutôt que l’on m’avait trompé en m’annonçant la vérité la plus funeste, que de croire à cette vérité dès qu’il m’était avantageux de la mettre au rang des mensonges que l’on multipliait pour contraindre ou faire naître des situations ; et, certes, on peut bien dire qu’il n’était rien au monde de plus funeste et pour mon cœur et pour mon caractère. On dirigeait tout cela contre mon esprit : on avait tort, me connaissant comme on devait me connaître ; on faisait une bêtise, parce qu’on devait bien savoir qu’il avait assez de force et de philosophie pour se mettre au-dessus de ces absurdités. Mais le cœur se gâtait, le caractère s’aigrissait, tous effets aussi pernicieux que nuisibles à produire et qui ne prouvaient que la plus lourde stupidité dans ces bourrelleries bien dignes des lourds automates qui les exécutaient ou les conseillaient. Quels effets funestes ne produisirent pas encore sur moi le refus des bons livres que je demandais et les entraves qu’on mit à me laisser composer de bons ouvrages ! Mais de quoi ne devaient pas être capables des gens qui formant des chiffres et des signaux, avaient, en m’envoyant à Bicêtre, sacrifié mon honneur et ma réputation ?

Ce système de signaux et de chiffres, employé par ces plats gredins tant à la Bastille que dans ma dernière détention, avait encore l’extrême danger de m’accoutumer à tenir aux fantômes favorables à mon espoir et aux hypothèses qui le nourrissaient. Cela avait imprimé à mon esprit ce caractère sophistique que l’on me reproche dans mes ouvrages.

Pour dernière réflexion enfin, comment est-il possible de porter l’inconséquence au point de dire que si j’ai fait Justine, c’est à la Bastille, et de me remettre dans une situation pire encore que celle où j’ai, dit-on, composé cet ouvrage ? Voilà qui démontre d’une manière invincible que tout ce qui m’a concerné n’a été que l’ouvrage du fanatisme des imbéciles dévots et de la grossière imbécillité de leurs séides… Oh ! comme Sophocle avait raison, quand il disait : « Presque toujours un époux trouve sa perte ou dans la femme qu’il prend ou dans la famille à laquelle il s’allie » !

À la suite de ces réflexions, j’ai cru devoir en joindre quelques-unes sur l’ouvrage de Justine, que je soumets aux stupides Ostrogoths qui m’ont fait mettre en prison pour cette cause.

Il ne fallait qu’un peu de bon sens (mais les incarcérateurs en ont-ils ?) pour se convaincre que je ne suis ni ne pouvais être l’auteur de ce livre. Mais, malheureusement, je me trouvais entre les mains d’un troupeau d’imbéciles qui ne mettent jamais que des verrous à la place des réflexions et du bigotisme à la place de la philosophie, et cela par la grande raison qu’il est bien plus facile d’enfermer que de réfléchir et de prier Dieu que d’être utile aux hommes. Il faut quelques vertus pour ce dernier cas : il ne faut que de l’hypocrisie pour l’autre.

Après avoir été soupçonné jadis de quelques dérèglements d’imagination semblables à ceux qui se trouvent dans Justine, je demande s’il était possible de croire que j’allasse révéler dans un ouvrage de ma main des turpitudes qui nécessairement feraient repenser à moi. Je suis coupable ou non de ces turpitudes ; point de milieu. Si j’ai pu les commettre, assurément je les ensevelirai toute ma vie dans les plus épaisses ténèbres ; et si je n’en suis que soupçonné sans en être coupable, quelle apparence que je les divulgue, quand cette extravagance n’aurait pour résultat que de reporter les yeux sur moi ? Ce serait le comble de la bêtise, et je hais trop mes bourreaux pour avoir avec eux cette conformité.

Mais un autre motif, plus puissant encore, convaincra, j’espère, facilement, que je ne puis être l’auteur de ce livre. Qu’on le lise avec attention, et l’on verra que, par une impardonnable maladresse, par un procédé bien fait (comme cela est arrivé) pour brouiller l’auteur avec les sages et avec les fous, avec les bons et avec les méchants, tous les personnages philosophes de ce roman sont gangrenés de scélératesse. Cependant je suis philosophe ; tous ceux qui me connaissent ne doutent pas que j’en fasse gloire et profession… Et peut-on admettre un instant, à moins de me supposer un fou, peut-on, dis-je, supposer une minute que j’aille putréfier d’horreurs et d’exécrations le caractère dont je m’honore le plus ? Que diriez-vous d’un homme qui irait exprès tremper dans la boue l’habit qu’il aimerait le mieux et dont il tirerait le plus de vanité ? Cette ineptie tombe-t-elle sous le sens ? Voit-on de telles choses dans mes autres ouvrages ? Au contraire, tous les scélérats que j’ai peints sont des dévots, parce que tous les dévots sont des scélérats et tous les philosophes des honnêtes gens, parce que la plupart des honnêtes gens sont philosophes. Qu’on me permette une seule citation de ces ouvrages dont je parle. Est-il dans Aline et Valcour une créature plus sage, plus vertueuse, plus attachée à ses devoirs que Léonore ? Et cependant en est-il une plus philosophe ? D’une autre part, est-il au monde un plus grand dévot que mon Portugais ? Et est-il au monde un plus grand scélérat ? Tous mes caractères ont cette teinte ; je ne me suis jamais écarté de ce principe. Cependant, je le répète, tout le contraire se voit dans Justine. Il n’est donc pas vrai que Justine soit de moi. Je dis plus : il est impossible qu’elle en soit. C’est ce que je viens de démontrer.

J’ajouterai ici quelque chose de plus fort : c’est qu’il est très singulier que toute la tourbe dévotieuse, tous les Geoffroy, les Genlis, les Legouvé, les Chateaubriand, les La Harpe, les Luce de Lancival, les Villeterque, que tous ces braves suppôts de la tonsure se soient déchaînés contre Justine, tandis que ce livre leur donnait précisément gain de cause. Ils eussent payé pour avoir un ouvrage aussi bien fait que celui-là pour dénigrer la philosophie, qu’ils ne fussent point parvenus à l’avoir. Et je jure sur tout ce que j’ai de plus sacré au monde que je ne me pardonnerais jamais d’avoir servi des individus si prodigieusement méprisés de moi.

On a donc le plus grand tort du monde de m’attribuer un livre… un livre contre tous mes principes et dont tout prouve que je ne puis être l’auteur, et plus encore, de faire autant de bruit pour un ouvrage qui n’est, à le bien prendre, que le dernier excès d’une imagination corrompue, des délires de laquelle on irrite imbécilement toutes les têtes en l’exaltant comme on le fait.

Piqué de cette inculpation, je viens de faire deux ouvrages en quatre volumes chacun où j’ai culbuté, détruit, renversé de fond en comble les insidieux sophismes de Justine. Mais comme il est écrit là-haut, selon notre ami Jacques le fataliste, que les gens de lettres doivent être perpétuellement les victimes de la bêtise et de la stupidité, on garde mes ouvrages, on en retarde la publication (peut-être même l’empêchera-t-on) pendant qu’on multiplie celle de Justine. Bravo, mes amis ! vous cesseriez d’être conséquents si vous ne vous opposiez au bien et si vous ne favorisiez le mal. Nous avons eu beau nous révolutionner pour le contraire, il était écrit là-haut que les plus violents abus tiendraient toujours à notre France et qu’aussi longtemps que son sol existerait sur le globe, il s’y reconnaîtrait par des abus.


[23.]

« Le comble de la douleur, à mon gré, est d’être terrassé par des ennemis absurdes. » (Lettre de Voltaire à Helvétius.)


[24.]
Plan d’un roman en lettres.

Clémence, jeune innocente, victime des pièges qu’on lui tend.

Théodorine, femme corrompue et qui coopère à la perte de Clémence.

Delville, homme immoral qui s’entend avec Théodorine pour la séduction de Clémence.

M. de Gocour, homme honnête et sage qui combat les systèmes de Delville et s’oppose tant qu’il peut aux scélératesses de ce jeune homme.

Mme  de Roseville, femme raisonnable, vertueuse, s’entend avec M. de Gocour pour le même objet.


Idée de la correspondance de ce roman en lettres.

Clémence se confie à Théodorine qui la trompe, qui affecte de la vertu avec elle et qui, se montrant telle qu’elle est à Delville, son ancien amant, trahit à chaque instant cette jeune personne. M. de Gocour a dévoilé cette funeste intrigue et fait tout ce qu’il peut pour l’entraver. Il s’entend avec Mme  de Roseville pour cela. Les événements immoraux s’écriront entre Delville et Théodorine, les conseils et les confidences, tantôt de Clémence à Théodorine, tantôt de Clémence à Mme  de Roseville, car elle est la dupe de Théodorine. Le dénouement sera tracé par M. de Gocour à Mme  de Roseville, qui se sont connus chez les parents de Clémence, mais qui ont eu peu de relations entre eux pendant l’action. M. de Gocour apprend à Mme  de Roseville, à la fin, tous les malheurs dont Clémence sera devenue la victime par les instigations de Delville et de Théodorine. Mais il faut une intrigue à tout cela, et je n’en vois d’autre que de donner un amant à Clémence, que lui ravira Théodorine par méchanceté, pendant que, dans le même principe, Delville cherchera à avoir Clémence, et qu’il l’aura pour la perdre. Maintenant il faut un objet à ces atrocités, et je n’en vois d’autre que de rendre Théodorine parente de Clémence, dont la perte ou la mort l’enrichirait et lui ferait épouser Delville, qui n’aurait joué l’amant de Clémence que pour la perdre et la faire mourir de chagrin.


Costumes des personnages et leur âge.

Clémence, 16 ans, jolie, crédule, naïve, franche, et de l’esprit naturel.

Son amant, 20 ans, etc. (il faut le créer).

Théodorine, 32 ans, beaucoup d’esprit, de méchanceté, style paradoxal, jouant avec toutes les vertus et sachant se parer de toutes au besoin.

Delville, roué, scélérat, 35 ans, un esprit du même genre que celui de Théodorine, qu’il sert par seul esprit de rouerie.

M. de Gocour, philosophe, sensible, éloquent, plein de sagesse, d’excellents principes, 45 ans.

Mme  de Roseville, 40 ans, encore belle, d’une grande sévérité de mœurs et de principes.

Clémence doit être orpheline et, pour ainsi dire, confiée aux soins de Théodorine, sa tante, et qui hériterait d’elle si cette jeune personne venait à mourir ; elle est sa tante, sa tutrice, son chaperon, etc., et elle abuse de tout cela pour perdre ce malheureux enfant.


[25.]

Je reprochai un jour à mon amie d’oublier mes goûts, relativement à quelque chose qu’elle m’offrait et que je n’aimais pas : Vous avez tort, me dit-elle, de me reprocher d’oublier vos goûts ; ce qu’il y a de bien sûr, c’est que je n’oublierai jamais celui que vous avez pour moi.

9 brumaire (31 octobre) 1801, à Pélagie.

[26.]
Pensées extraites du roman de Delphine.

« Les soins de la vie domestique ont une grâce singulière dans les femmes. La plus ravissante de toutes, la plus remarquable par son esprit et sa beauté, ne dédaigne point ces attentions bonnes et simples qu’il est si doux de retrouver dans son intérieur. »


*

« Que ne donnerais-je pas pour retrouver ces impressions qui répandent tout à coup tant de charme et de sérénité dans le cœur ! La puissance de la raison, que peut-elle nous inspirer ? Le courage, la résignation, la patience… Sentiments de deuil, cortège de l’infortune, le plus léger espoir fait plus de bien que vous ! »


*

« La vieillesse est rarement aimable, parce que c’est l’époque de la vie où il n’est plus possible de cacher aucun défaut. Toutes les ressources pour faire illusion ont disparu ; il ne reste que la réalité des sentiments et des vertus. La plupart des caractères font naufrage avant que d’arriver à la fin de la vie, et l’on ne voit souvent dans les hommes âgés que des âmes avilies et troublées, habitant encore comme des fantômes menaçants des corps à demi ruinés. Mais quand une noble vie a préparé la vieillesse, ce n’est plus la décadence qu’elle rappelle, ce sont les premiers jours de l’immortalité. »


[27.]

Il ne faut qu’un mauvais rêve pour décolorer toutes les idées du lendemain.


[28.]

Le Mennegaud qui a volé mon épisode d’Aline, et que je dénonce dans une note, vient d’être accusé, au tribunal correctionnel, d’infâmes escroqueries, et condamné à la prison et à la restitution. (Voyez le Journal des Débats du 4 ventôse an XII.)


[29.]

Zirza, joli nom à employer.


[30.]

Lettre à M. d’Argental, 1763 : « Il ne faut pas toujours, dit Voltaire, que Melpomène marche sur des échasses. Les vers les plus simples sont très bien reçus, surtout quand ils se trouvent dans une tirade où il y en a d’assez forts : Racine nous en donne l’exemple à tout moment. Une tragédie n’aurait point du tout l’air naturel s’il n’y avait pas beaucoup de ces expressions simples, qui n’ont rien de bas ni de trop familier. »

Cette note me servira dans la préface de Jeanne.


[31.]

Comme le journaliste Geoffroy aimerait Voltaire qui a dit : « Les journaux sont la peste de la littérature » !


[32.]

Sur mes ouvrages.


[a.]

Le nouveau plan adopté, soit pour l’entrelacement des Crimes de l’amour, soit pour la confection de deux volumes ayant pour titre le Boccace français, nécessite de retoucher deux nouvelles : celle intitulée les Inconvénients de la pitié et celle intitulée la Cruauté fraternelle, dont j’ai déjà traité les sujets, mais trop tristement pour qu’ils puissent entrer dans ce recueil. Il faudra donc les refaire. Ensuite j’ai trois nouvelles gaies à faire, devant être placées, l’une sous Dorgeville, l’autre sous la Comtesse de Sancerre et l’autre sous Eugénie de Franval. Et enfin une érotique pour être enlacée dans le Boccace, à côté de la Fleur de châtaignier, et définitivement la Comtesse de Thélème à refaire et à adoucir, afin de ne point reprendre à la police celle qui y est sous ce nom et qui est mauvaise.


En tout :
1. À retoucher les Inconvénients de la pitié.
2. Idem la Cruauté fraternelle.
Érotiques
sans mots
3. À faire une nouvelle gaie pour les Crimes de l’amour (sans érotisme).
4. Idem gaie pour le même ouvrage (sans érotisme).
5. Idem pour les Crimes de l’amour (sans érotisme).
6. Une neuve pour le Boccace (érotique sans mots).
7. À refaire dans le genre de l’érotisme simple, sans mots, Madame de Thélème.

En tout 4 à faire et 3 à retoucher (voyez le catalogue dans mon portefeuille).

[b.]

Alors voici les volumes qui me restent à faire imprimer :

Les Crimes de l’amour, deux volumes de plus,
composés des entrelacements 
 2

Le Boccace français, composé de 12 nouvelles 
 2

Mon Théâtre 
 2

Le Portefeuille d’un homme de lettres 
 2

Conrad ou le Jaloux en délire 
 4

Marcel ou le Cordelier 
 4

 

       Total 
 16

Qui, à 30 fr. le volume tiré à 2.000, donnent un fond de deux mille louis ou 48.000 fr., sur lequel il m’est bien permis d’en demander 20.000 pour l’emplette d’une maison de campagne.

[c.]

Tel sera alors mon catalogue général :

Aline et Valcour 
 6

Les Crimes de l’amour 
 6

Le Boccace français 
 2

Le Portefeuille d’un homme de lettres 
 3

Conrad 
 4

Marcel 
 4

Mes Confessions 
 2

Mon Théâtre 
 2

Réfutation de Fénelon 
 1

Mes Confessions 
 —

       Total
30

Il faut faire exécuter tout cela sous un même format in-12, avec une seule gravure en tête de chaque volume et mon portrait aux Confessions. — Le portrait de Fénelon en tête de sa réfutation.


[d.]
Sujet de Madame de Thélème refait
(Boccace, à retoucher, érotique).

Ce seront les crimes de Joseph Le Bon, député de la Convention à Arras. Mme  de Thélème vient l’implorer pour la radiation de son mari. Le Bon devient amoureux d’elle. Une femme de chambre est l’entremetteuse de toute l’intrigue ; elle dénonce l’émigration du mari et de sa fille. Le Bon, qui voit à cela deux objets pour sa passion, ruine d’abord la mère, fait venir la fille, abuse de toutes deux, fait guillotiner le mari et la femme et fait de la fille sa maîtresse en titre. Beaucoup des détails de l’ancienne pourront y entrer, mais point d’obscénité, l’horreur toute rejetée sur celle du personnage, très réelle, et rien qui ait l’air de votre invention. D’ailleurs purement et sagement écrite et dans le seul objet de faire détester les crimes de ce temps.


[e.]
La Cruauté fraternelle
(Boccace, à retoucher, érotique).

La Cruauté fraternelle destinée au même recueil, avec à peu près le même fond que l’autre. L’amant sera toujours le fils de celui qui rencontre la jeune personne, mais la marchande de mode qui la séduit la prostitue à l’un de ses frères qui en était amoureux, et c’est par jalousie que l’autre la fait enfermer dans la prison dont elle se sauve.


[f.]
Les Inconvénients de la pitié
(Boccace, à retoucher, érotique).

Les Inconvénients de la pitié, toujours pour le même recueil. Pendant les troubles de la Révolution, M. du Closel, père de deux jolis enfants, l’un un garçon de 14 ans, l’autre une fille de 15, accueille par pitié chez lui un moine dont les circonstances viennent de rompre les vœux. Il le reçoit chez lui, lui confie le maniement de ses affaires et l’éducation de ses enfants. Le père Casimir, qui prend le nom de Desmarets, n’est pas plus tôt dans cette place qu’il vole son patron, corrompt les enfants..... ..........................[9] la jeune fille expire dans ses couches. Du Closel éclairé veut sévir contre Desmarets, mais celui-ci qui, sans que son patron l’ait su, est devenu membre d’un comité révolutionnaire, fait guillotiner du Closel et jouit des débris de sa fortune.


[g.]
Attrapez-moi toujours de même
(Boccace, à faire, érotique).

Je le crois fait. S’il l’est, il servira. Voici à peu près le plan.........................

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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..........................[10]

..... — Ce n’est pas votre usage. — Allons, allons ! la paix ! dit le libertin, je vous permets de me tromper quand ce sera de cette manière.


[h.]
Aveuglement vaut mieux que lumière,
nouvelle italienne
(Crimes de l’amour,
à faire, sans érotisme).

Une gaie sans érotisme, pour aller sous Dorgeville. — Un mari, très empressé de connaître la conduite de sa femme, propose au confesseur de cette femme de lui céder son poste[11], afin d’apprendre de la bouche même de son épouse toute la conduite qu’elle tient. Le confesseur accepte, mais comme c’était précisément lui qui couchait avec cette femme, il la prévient. Celle-ci avoue qu’elle a un galant ; elle lui nomme[12] le prieur du couvent qui réellement était amoureux de cette femme. Pour faire consommer le crime projeté par le confesseur, celui-ci a l’air de céder sa maîtresse un soir à son prieur. Il vient au rendez-vous ; le mari l’assassine ; le confesseur fait poursuivre ; le mari se sauve et le confesseur reste en possession de la femme.


[i.]
L’Âne sacristain

ou le Jugement de Salomon
(Crimes de l’amour,

à faire, sans érotisme).

Une idem pour aller sous la Comtesse de Sancerre. Sans érotisme. — Un seigneur du château tenait rigoureusement à ce que tout le monde s’occupât dans sa maison, à ce que tous les domestiques et toutes les bêtes fussent scrupuleusement employés. Le matin il distribuait la besogne et grondait fort quand quelque chose manquait. Il s’aperçoit un jour que Jean, dont le devoir était d’aller tous les matins chercher de l’eau à la rivière avec un âne, ne remplissait pas sa besogne. Il demande où est Jean ; on lui dit qu’il sert la messe au château. Il gronde, il tempête, se plaint à son fils que rien ne se fait d’après ses ordres. Le fils examine la question, puis, ayant sagement observé qu’il faut que les deux services se fassent : « Mon père, lui dit-il, rien de plus facile à arranger que tout cela : Jean peut très bien faire le service de l’âne et aller chercher de l’eau sur ses épaules… et l’âne servira la messe. »


[j.]
Crimes de l’amour
(à faire, sans érotisme).

Une idem et toujours sans érotisme, pour aller sous Eugénie de Franval. Celle-ci doit être la plus pure et la plus gaie.


[k.]

Voici alors comment se composent les six volumes des Crimes de l’amour :

Ier volume. — L’Idée sur les romans. Juliette et Raunai. La Fine Mouche (le titre a été changé). La Double Épreuve.

2e volume. — Miss Henriette Stralson. Les Reliques. Faxelange. Le Président mystifié.

3e volume. — Florville et Courval. Le Cocu de lui-même. Rodrigue. La Prude.

4e volume. — Laurence et Antonio. Monsieur d’Esclaponville. Ernestine. Aveuglement vaut mieux que lumière.

5e volume. — Dorgeville. L’Âne sacristain ou le nouveau Salomon. La Comtesse de Sancerre. Une à faire.

6e volume, — Eugénie de Franval. Le Mari prêtre. La Châtelaine de Longeville.


[l.]

Le Boccace français, en deux volumes :

Ier volume. — Madame de Thélème (long)… (moyen). La [Tribade] convertie (moyen). Le Curé de Prato (moyen). La Fleur de châtaignier (court). Il y a place pour deux (court).

2e volume. — La Cruauté fraternelle (long). Les Inconvénients de la pitié (moyen). Le Mari corrigé (moyen). Soit fait ainsi qu’il est requis (court). L’Instituteur philosophe (court). Attrapez-moi toujours de même (court).


[33.]
Dîner fort irritant.

Potage au bouillon de vingt-quatre petits moineaux, fait au riz et au safran ;

Une tourte dont les boulettes sont de viande de pigeon hachée et garnie de culs d’artichauts ;

Une crème à la vanille ;

Des truffes à la provençale ;

Une dinde garnie de truffes ;

Des œufs au jus ;

Un hachis de blanc de perdrix farci de truffes et vin cuit ;

Vin de Champagne ;

Une compote à l’ambre.

  1. Leçon primitive : sanglant.
  2. Id. : appesantit sur sa carrière.
  3. Id. : effrayant.
  4. Id. : Deux ou trois fois lui fit la guerre. — Deuxième leçon :
    Pendant treize ans lui fit la guerre.
  5. Nous avons cru devoir, pour ce vers, adopter la leçon
    primitive, qui nous a paru la meilleure. Sade l’avait corrigée
    d’abord de la sorte : Sous l’anarchie on le revoit, puis ainsi :
    Sous la Terreur il se maintient.
  6. Leçon primitive : Pour plonger Sade dans l’abîme.
  7. La leçon définitive était : il revient, et la deuxième :
    il s’accroît.
  8. (Note de l’éd.)
    
  9. (Note de l’éd.)
    
  10. (Note de l’éd.)
    
  11. (Note de l’éd.)
    
  12. (Note de l’éd.)