Catéchisme non-résistant

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Catéchisme Non-Résistant


Question [Q.]. D’où vient le terme « non-résistance » ?

Réponse [R.]. Des paroles : « Mais moi, je vous dis de ne pas résister au mal. » [Matthieu V, 39].

Q. Que signifie ce terme ?

R. Il désigne une noble vertu chrétienne, commandée par le Christ.

Q. Devons-nous comprendre le terme non-résistance dans son sens large, c’est-à-dire qu’on ne doit pas présenter de résistance au mal quel qu’il soit ?

R. Non, il doit être compris littéralement comme le Christ l’a enseigné ; c’est-à-dire de ne pas rendre le mal pour le mal. Il faut résister au mal par tous les moyens légitimes, mais non pas par le mal.

Q. À quoi est-il incontestable que le Christ a donné ce sens à la non-résistance ?

R. Des paroles qu’il a utilisées à cette occasion. Il a dit : « Vous avez entendu qu’il a été dit, "oeil pour œil, dent pour dent". Mais moi je vous dit de ne pas résister au mal ; si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente lui l’autre aussi. Et si un homme veut te faire un procès et prendre ta chemise, laisse lui aussi ton manteau ».

Q. Qui voulait-il dire par les paroles : « Vous avez entendu qu’il a été dit » ?

R. Les patriarches et les prophètes, et ce dont ils ont parlé et qui se trouve dans l’Ancien Testament, que les Juifs appellent dans l’ensemble "la Loi et les Prophètes".

Q. À quelles lois le Christ faisait-il allusion par les paroles : « Vous avez entendu » ?

R. À celles dans lesquelles Noé, Moïse et les autres prophètes admettent l’usage de la violence contre ceux qui la commettent, dans le but de punir et de faire disparaître les actions mauvaises.

Q. Mentionnez de tels commandements.

R. « Quiconque répand le sang de l’homme, par l’homme son sang sera répandu » [Genèse IX, 6]. « Celui qui a frappé un homme de sorte qu’il meurt sera puni de mort. S’il y un accident, tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure » [Exode XXI, 12, 23-25]. « Celui qui a tué un homme sera mis à mort. Si quelqu’un cause une blessure à son prochain ; il lui sera fait comme il a fait ; fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent » [Lévitique XXIV, 17, 19-20].

« Les juges feront une enquête minutieuse ; et regarderont avec attention, si le témoin est un faux témoin, et a faussement témoigné contre son frère ; alors vous lui ferez ce qu’il s’était attendu qu’il soit fait à son frère. Et tu n’auras aucun regard de pitié ; mais vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied » [Deutéronome XIX, 18-19,21]. Ce sont les injonctions dont Jésus parlait.

Noé, Moïse et les Prophètes ont enseigné que celui qui assassine, mutile ou torture son prochain fait le mal. Afin de combattre et faire disparaître ce mal, le malfaiteur doit être châtié par la mort, la torture ou une torture personnelle. Les transgressions doivent être vengées par les transgressions, le meurtre par le meurtre, la torture par la torture, le mal par le mal. C’est ainsi que Noé, Moïse et les Prophètes ont enseigné. Mais Christ a interdit tout cela. L’Évangile dit : « Moi je vous dit de ne pas résister au mal, ne vengez pas une transgression par une autre, mais supportez plutôt une répétition de l’offense par le malfaiteur. » Ce qui avait été permis est maintenant interdit. Nous savons exactement ce que Christ a voulu dire par non-résistance en comprenant quelle résistance nous a été enseignée.

Q. L’enseignement des Anciens permettait-il de résister à la transgression par la transgression ?

R. Oui, mais Christ l’a interdit. Un chrétien n’a pas le droit de tuer ou d’outrager le malfaiteur dans tous les cas.

Q. Ne peut-il pas tuer ou blesser quelqu’un en défense personnelle ?

R. Non.

Q. Peut-il porter plainte aux magistrats dans le but de châtier l’offenseur ?

R. Non. Car ce qu’il fait par l’entremise des autres, il le fait pratiquement lui-même.

Q. Peut-il combattre dans l’armée contre des ennemis étrangers ou domestiques ?

R. Bien sûr que non. Il ne peut pas prendre part à la guerre, ni aux préparatifs de celle-ci. Il ne peut pas utiliser d’armes. Il ne peut pas s’opposer à une transgression par une autre, qu’il soit seul ou en société, soit personnellement ou par l’entremise d’autres agents.

Q. Est-ce qu’il peut de son plein gré sélectionner ou entraîner des soldats pour le gouvernement ?

R. Il ne peut pas faire ça, s’il désire être fidèle à la loi du Christ.

Q. Est-ce qu’il peut de son plein gré verser de l’argent pour aider un gouvernement qui est soutenu par le pouvoir militaire, les exécutions et la violence en général ?

R. Non ; à moins que l’argent ne soit utilisé dans un but justifiable en lui-même, dans lequel et la fin et les moyens employés soient bons.

Q. Est-ce qu’il peut payer des taxes à un tel gouvernement ?

R. Non, il ne devrait pas payer de taxes de son propre gré, mais il ne devrait pas s’opposer au prélèvement d’une taxe. Une taxe imposée par le gouvernement est prélevée indépendamment de la volonté des citoyens. On ne peut pas s’y opposer sans recours à la violence ; il doit donc livrer son bien au préjudice forcé causé par les autorités.

Q. Est-ce qu’un chrétien peut voter lors d’élections, et prendre part aux tribunaux ou au gouvernement ?

R. Non. Prendre part aux élections, aux tribunaux ou à l’administration du gouvernement est la même chose qu’avoir une part à la violence du gouvernement.

Q. Quelle est la principale signification de la non-résistance ?

R. Montrer qu’il est possible d’extirper le mal de notre propre cœur, comme de celui de notre prochain. Cette doctrine interdit aux hommes de faire ce qui perpétue et multiplie le mal dans le monde. Celui qui attaque quelqu’un et lui fait du tort provoque un sentiment de haine, le pire de tous les maux. Offenser notre prochain parce qu’il nous a offensé, avec le motif allégué de "légitime" défense, ne fait que renouveler l’action mauvais contre lui comme contre nous, ça engendre, ou du moins déchaîne ou encourage, l’Esprit Mauvais que nous désirons expulser. On ne peut chasser Satan par Satan, on ne peut purifier la fausseté par la fausseté, et on ne peut vaincre le mal par le mal. La véritable non-résistance est la seule vraie méthode de s’opposer au mal. Elle écrase la tête du serpent. Elle détruit et extermine tout sentiment mauvais.

Q. Mais, en admettant que l’idée de la doctrine est juste, est-elle praticable ?

R. Aussi praticable que n’importe quelle vertu ordonnée par la loi de Dieu. On ne peut pas accomplir les bonnes actions en toutes circonstances sans abnégation, privation, ou souffrance, et dans les cas extrêmes par la perte de la vie elle-même. Celui qui accorde plus de valeur à la vie qu’à l’accomplissement de la volonté de Dieu est déjà mort à la seule vie véritable. Un tel homme perdra sa vie en essayant de la sauver. En outre, partout où la non-résistance exige que l’on supporte le sacrifice de sa vie, ou d’un avantage indispensable à la vie, la résistance exige que l’on souffre des milliers de tels sacrifices. La non-résistance préserve ; et la résistance détruit. Il est beaucoup plus sûr d’agir justement qu’injustement ; d’endurer une offense que d’y résister par la violence ; plus sûr même en ce qui concerne la vie actuelle. Le monde serait heureux si tous les hommes refusaient de résister au méchant.

Q. S’il n’y avait que quelques hommes qui agissaient comme ça, quel serait leur sort ?

R. Même s’il n’y avait qu’un seul homme qui agissait ainsi, et que les autres convenaient de le crucifier, ne serait-il pas plus glorieux pour lui de mourir dans la gloire de l’amour non-résistant, en priant pour ses ennemis, que de vivre en portant la couronne de César couverte du sang de l’assassiné ? Que ce soit un seul homme ou des milliers qui sont fermement déterminés à ne pas résister au mal par le mal, toujours est-il que les hommes qui ne dépendent pas de la violence sont plus en sûreté que ceux qui en dépendent, que ce soit parmi des voisins civilisés ou non. Un voleur, un meurtrier ou un scélérat sera moins enclin à leur faire du tort s’il constate qu’ils ne présentent pas de résistance armée. « Tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée, » et celui qui cherche la paix, qui agit comme un ami et est inoffensif, pardonne et oublie les offenses, jouit généralement de la paix ou, s’il meurt, meurt d’une mort bénie. Par conséquent, si tout le monde suivait le commandement de non-résistance il n’y aurait clairement ni délit ni méfait. S’ils formaient la majorité, de tels hommes instaurerait la règle de l’amour et de la bonne volonté même envers les offenseurs, en ne résistant pas au mal par le mal et en n’utilisant pas la violence. S’ils constituaient une minorité nombreuse de tels hommes auraient une influence morale tellement bénéfique pour la société que tout châtiment cruel serait révoqué, et la violence et l’inimitié seraient remplacées par la paix et la bonne volonté. Même s’ils ne formaient qu’une petite minorité, ils feraient rarement l’expérience de quelque chose de pire que le mépris du monde, pendant que le monde, bien qu’inconscient de cela, et sans en être reconnaissant, deviendrait meilleur et plus sage par son influence latente. Et si dans le pire des cas certains membres de la minorité étaient persécutés à mort, ils laisseraient derrière eux leur doctrine, sanctifiée par le sang du martyre en mourant pour la vérité. Que la paix soit avec vous tous qui cherchez la paix ; et que l’amour qui triomphe de tout soit l’héritage impérissable de toute âme qui se soumet de son propre gré à la loi du Christ. Ne résistez pas au mal par la violence.