Chansons populaires de la Basse-Bretagne/François Simon

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FRANÇOIS SIMON.
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I

   Monsieur de Kerjean[1] a fait
Ce que ne ferait personne au monde.
____Oh ! gué, la violette !
____Cinquante-six, six francs par an,
____La violette oh ! gué, ici !

   Monsieur de Kerjean de Léon
A fait faire une chambre en laiton ;

   A fait faire une chambre en laiton,
Pour mettre sa femme à l’abri de Simon.

   Il eût aussi bien fait de n’en rien faire,
Car il (Simon) la trouvera cependant.

   Il la trouvera cependant,
Dans une chambrette, au bout de l’avenue.


II

   Madame de Kerjean disait
A sa petite servante, un jour fut :

   — Il y a déjà quatorze mois
Qu’est allé le seigneur à Paris.

   Avant qu’il arrive à la maison,
Il sera sûr d’un héritier :

   (D’un héritier) à cheveux blonds, à l’œil bleu,
François Simon est son père.

III

   Madame de Kerjean disait
A sa petite servante, un jour fut :

   — Va au moulin, et dépêche-toi,
Et dis à François Simon ;

   Et dis à François Simon
De venir parler à madame.

   La petite servante disait.
Au moulin quand elle arrivait :

   — Il vous est dit, François Simon,
De venir parler à madame.

   — Je ne peux y aller maintenant,
Mon moulin est en train de moudre ;

   Mon moulin est en train de moudre,
Il va bientôt manquer d’aliment.

   La petite servante disait,
A la maison, à la dame, quand elle arrivait :

   — Il ne peut venir, du moins maintenant,
Son moulin est en train de moudre ;

   Son moulin est en train de moudre,
Il va bientôt manquer d’aliment

   — Vas au moulin, et dépèche-toi,
Et dis à François Simon

   De laisser son moulin tourner,
S’il détraque, on le dédommagera.

   La petite servante disait
Au moulin quand elle arrivait :


   — Il vous est dit, François Simon,
De venir parler à madame ;

   De laisser votre moulin tourner,
S’il se détraque, on vous dédommagera.

   François Simon disait
A Kerjean quand il arrivait :

   — Bonjour et joie, madame,
Que dit de bon votre cœur ?

   — Mon cœur est joyeux et gai,
Puisque je vous vois, François, sur pied ;

   Prenez escabeau, seyez-vous,
Approchez du feu et vous vous chaufferez ;

   Approchez du feu et vous vous chaufferez ;
Voici de bon vin, buvez.

IV

   Monsieur de Kerjean disait,
Un jour, à la maison, quand il arrivait :

   — Qu’y a-t-il de nouveau, en ma demeure,
Que personne ne vient m’ouvrir ?

   Ma baronne, où est-elle allée,
Puisqu’elle ne vient me recevoir ?

   La petite servante répondit
A monsieur de Kerjean, quand elle l’entendit :

   — Elle est là-bas, près du feu,
Qui chauffe son petit enfant;

   (Son enfant) aux cheveux blonds, à l’œil bleu,
François Simon est son père.

   — François Simon où est-il,
s’il n’est au moulin, à moudre ?

   La petite servante répondit
A monsieur de Kerjean, quand elle l’entendit :

   — Il est là-bas, sur la chaussée de l’étang,
Qui chasse un oiselet gentil ;

   Qui chasse un oiseau ramier,
Qu’a désiré madame.


V

   Monsieur de Kerjean disait
A François Simon, ce jour-là :

   — Je t’apprendrai, François Simon,
A trousser la robe de ma dame,

   Laquelle est brodée de fil d’argent,
Et n’est pas faite pour un paysan[2] !

   François Simon répondit
A monsieur de Kerjean, quand il l’entendit :

   — Lorsqu’arriva madame au moulin,
Elle posa la main sur mon genou ;

   Elle posa la main sur mon genou,
En faisant mine de rire ;

   Et elle alla alors dans mon lit,
M’appela « poltron » de là ;

   Elle va entre deux draps blancs,
Avec un collier d’or à son cou ;

   Vous-même, monsieur, auriez fait (la chose)
A une fille jolie qui vous eût plu.

   — Dût-il m’en coûter cinq cents écus,
François Simon sera pendu !

   Madame de Kerjean disait
A sa petite servante, un jour fut :

   — Je voudrais (voir) le seigneur pendu,
François Simon à moi marié.

VII

   François Simon disait,
Sur le plus haut échelon quand il montait :

   — Je vois d’ici dix-huit tourelles,
Et, dedans, dix-huit demoiselles ;

   Elles portent Chacune un petit enfant,
Qui a les cheveux blonds comme les miens.


   Et, dedans, il y a dix-huit dames
Qui t’ont servi de femmes, François Simon !

   Si elles avaient donné chacune une écu,
Madame de Kerjean en a donné douze ;

   Madame de Kerjean en a donné douze,
Pour qu’il n’eût un aucun mal.

   Monsieur de Kerjean disait
A François Simon, là, alors :

   — François Simon, descends de là,
Tu ne seras pas pendu aujourd’hui ;

   Tu ne seras pas pendu aujourd’hui,
Tu n’as pas fait plus de cocus que moi ![3]


Chanté par Jeannette Anne Le Thao
de Tonquédec, décembre 1868.
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  1. D’autres chanteurs disent : M. de Lesquiffiou, ou M. de Lezhildri, ou M. de Penangêr.
  2. Var. :
    — Qu’est-ce qui te prend, porc de moulin,
    De venir trousser une robe de satin ?
  3. Ou : — Tu as fait d’autres cocus qui me valaient.