Chansons populaires de la Basse-Bretagne/La femme du fileur d’étoupe

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LA FEMME DU FILEUR D’ÉTOUPE.
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____Mon mari est fîleur d’étoupe,[1]
____Je le voudrais pendu,
____(Je voudrais voir) ses boyaux cardés,
____Sur les pointes de mes cardes !
Holà, ho ! ho, ho, oh ! ho, là. là !

____Jeannot disait
A Jeannette, le matin :

   — Autrefois, tu étais Mamzelle-au-fil,
Maintenant, tu es Mamzelle-peu-de-chose.

   — Taisez-vous, Jeannot, allez vous coucher,
Moi, je ferai ce que je n’ai pas fait.

   J’allumerai ma bougie, (de résine),
Je filerai à sa clarté mon écheveau.

   — Ce n’est là pour toi qu’un prétexte :
Il faudra que tu travailles le jour,

   Ou sinon j’aurai de toi
Plus de perte que de profit !

   Le lendemain, et de bon matin,
Elle s’arme de sa quenouille, pour travailler :

   Survient sa commère, alors,
(Il en vient quelqu’une tous les jours) :

   — Vous vous êtes, dit-elle, de bien bon matin,
Armée de votre quenouille, pour travailler !

   — Ne soyez pas étonnée de cela,
J’y suis contrainte par cet homme.


   Asseyez-vous, commère, sur votre séant,
Que je vous raconte la vie que je mène.

   A présent, dit-elle, ma chère commère,
J’ai à aller prendre de l’eau et du lait ;

   Et ensuite, comme vous le savez fort bien,
Le lait sera à baratter ;

   Et encore tantôt dira Jean,
Encore il dira que je n’aurai rien fait ;

   Encore il dira que je n’aurai rien fait,
Moi qui file sans cesser mie.

   — Si c’est là la vie qu’il te fait mener,
Prends une branche d’ortie pour le fouetter,

   Et, quand il te verra marcher sur lui,
S’il n’est pas de ta force, il reculera.

   — Je n’ai pas un mot à dire (m-à-m. à fendre)
Car, hélas ! je ne suis pas de force ;

   Et, si je l’avais été, il y a longtemps
Qu’il ne m’eût pas commandée.

   — Cette vie-là, nous la menons toutes,
Encore avons-nous des coups de bâton sur le dos.

   — Quand j’étais jeune et sans souci,
Moi, j’avais du cœur à me marier ;

   J’étais une fille pleine de feu ;
Maintenant, que je suis mariée, j’en ai regret.

   Je m’imaginais que quand je me marierais,
J’aurais été la maîtresse ;

   J’aurais été la maîtrese,
Et voilà ma tête entortillée dans le paillasson !


Chanté par la veuve Peutite, Kerbors, août 1888.
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La torchenn est une espèce de corbeille de paille tressée, à fond plat qu’on place sur les pierres de l’âtre et où s’asseyaient les femmes pour donner le sein aux enfants et leur chauffer les pieds ; cette expression équivaut à : Et me voilà dans le sac !


  1. Var. :

       Moi j’ai un homme à Louargat,
    Qui ne sait ni charruer ni charroyer ;

       Tous les jours, quand il arrive à la maison,
    Il me demande ce que j’ai fait de ma journée.