Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Le jeune matelot

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LE JEUNE MATELOT
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   S’il vous plaît, écoutez et vous entendrez chanter
Une chansonnette, qui est levée nouvellement, cette année ;

   A un jeune matelot elle a été levée ;
Le jour qu’il avait été marié, il a été séparé (de sa femme) ;

   Le jour qu’il avait été marié, il a reçu commandement
De servir le Roi (il faut s’y résigner) ;

   De servir le Roi, (il faut obéir),
Et sa douce jolie Françoise ne fait que pleurer.

   — « Taisez-vous, ma douce Françoise, taisez-vous, ne pleurez pas,
Au bout de quelque temps, je viendrai encore vous voir.

   Au bout de trois ans d’ici, ou de quatre au plus,
Je reviendrai encore au pays, ma douce jolie Françoise ;

   Ma douce jolie Françoise, je reviendrai encore au pays,
Je rapporterai de l’or et de l’argent, et beaucoup de richesses. »

   Les trois ans sont passés, et les sept aussi,
Et le jeune matelot ne revient pas dans la contrée.

   Sa douce jolie Françoise s’est remariée :
Le jour de sa noce, elle a eu nouvelle récente ;

   Le jour de sa noce, elle a eu nouvelle récente,
(Elle a appris) le retour de son premier mari, qui était allé à l’armée.

   En entrant à l’auberge, il a demandé :
— Au nom de Dieu, dit-il, pourrai-je être logé ?

   Au nom de Dieu, dit-il, pourrai-je être logé ?
Voici venir le soir, je ne sais où aller,

   Un des garçons lui a dit :
— Ma foi, jeune matelot, vous ne serez pas logé : (bis)

Les gens de la noce sont ici hébergés.

   Cet homme-ci allait et venait d’un bout à l’autre de la maison ;
Il rencontre sa belle-mère, il lui demande :

   — « Au nom de Dieu, dit-il, pourrai-je être logé ?
Voici venir le soir, je ne sais où aller.


   La vieille, quand elle l’entendit, lui a répondu :
— Oh ! oui, jeune matelot, oui, vous serez logé ;

   Donnez-moi votre valise, votre or et votre argent,
En même temps que nous vous souperez à l’instant.

   Cet homme-ci, qui n’est pas timide, est allé s’asseoir
Près de la mariée, sur l’escabeau le plus élevé
_________________________________(au haut bout de la table).

   Comme ils étaient à table, en train de souper, il a demandé :
— Est-ce avec la mariée que j’irai coucher ?

   Un des domestiques lui a dit :
— Taisez-vous, jeune matelot, ne proférez pas de paroles mauvaises ;

   Taisez-vous, jeune matelot, ne proférez pas de paroles mauvaises,
La fille aujourd’hui mariée n’a rien de commun avec vous.

   Cet homme-ci, quand il a entendu, s’est levé debout
Et se met à interpeller sa douce Françoise :

   — Dites-moi, Françoise, Françoise, ma douce jolie,
Qu’avez-vous fait de la bague et du diamant ;

   Qu’avez-vous fait de la bague et du diamant
Que j’avais passés à votre doigt, à la table du Sacrement ?


   Françoise, quand elle a entendu, se met à pleurer :
— Seigneur Dieu, mon Dieu, que ferai-je maintenant ?

   Seigneur Dieu, mon Dieu, qu’ai-je fait ?
A huit heures, j’étais veuve, maintenant j’ai deux époux :

   Avec lequel d’entre eux irai-je coucher ?
Avec mon premier (mari) j’ai envie d’aller.

   Quand fut mangé le souper, l’homme a dit :
— Qu’on apporte des cartes ou des dés ;

   Des cartes ou des dés, pour savoir qui perdra ;
Celui qui gagnera avec la fille couchera !

   Ou bien, suis-moi, laboureur, ici sur l’herbe verte,
Pour jouer un coup d’épée, ou bien un coup de bâton ;

   Pour jouer un coup d’épée, ou bien un coup de bâton ;
Ce n’est pas un fouilleur de terre qui pourra m’en
____________________________________ remontrer encore.

L’autre, quand il a entendu, lui a dit:
— Si c’est là ton épouse, tu peux la prendre !


   Et tu pourras aller avec elle quelque part du côté de la grève,
Savoir si tu trouveras quelque barque à flot,

   Et, quand tu en auras trouvé une, tu pourras embarquer :
Que resterais-tu faire, matelot,. en ce pays-ci ?


Chanté par Jeannette Le Gall. — Keramborgne, 1849.
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