TROISIÈME VERSION.
Le seigneur comte et sa femme
Sont tout jeunes mariés ;
Tout jeunes ils sont mariés,
L’une a douze ans et l’autre treize ;
L’une a douze ans et l’autre treize,
A quatorze ans un fils leur est né.
Le seigneur comte demandait
Un jour à sa femme :
— Ma femme chérie, dites-moi
Que désirez-vous de votre mari ;
Que souhaitez-vous de moi,
Puisque vous m’avez donné un fils ?
Choisissez entre la chair de lièvre,
Ou la chair de perdrix… —
— J’aimerais mieux de la chair de bécasse,
Si je ne craignais votre peine, mon mari. —
Le seigneur comte, à ces mots,
A saisi promptement son fusil ;
Il a saisi promptement son fusil,
Et a pris le chemin du bois.
En entrant dans le bois,
Il a rencontré une fée :
— Salut à toi, seigneur comte,
Depuis longtemps je te cherchais ;
Maintenant que je t’ai rencontré,
Il te faudra te marier avec moi.
Choisis ou de te marier avec moi,
Ou de rester sept ans sur ton lit… —
— Me marier avec vous, je ne le puis,
Ma femme est nouvellement accouchée. —
— Ou rester sept ans sur ton lit,
Ou encore mourir dans trois jours. —
— J’aime mieux mourir dans trois jours,
Que rester sept ans sur mon lit ;
Car ma femme est jeune
Pour rester pendant sept ans en peine ! —
Le seigneur comte disait
À sa mère, en arrivant à la maison :
— Ma pauvre mère, si vous m’aimez,
Vous me préparerez mon lit ;
Et si vous le faites, faites-le bien,
Car mon pauvre cœur est bien mal à l’aise :
Je vais malade dans mon lit,
Et jamais plus je ne m’en relèverai ;
Jamais plus je ne m’en relèverai,
Si ce n’est une fois, pour prendre mon suaire ! —
— Mon fils, ne pleurez pas de la sorte,
Tous les malades ne meurent point. —
— Quand je suis entré dans le bois,
J’ai rencontré une fée ;
Et elle m’a dit
Qu’il faudrait la prendre (l’épouser)
Ou rester sept ans sur mon lit,
Ou encore mourir dans trois jours :
Ma femme est bien jeune
Pour rester sept ans en peine !
Ma pauvre mère, si vous m’aimez,
Vous n’avouerez pas à ma femme. —
La jeune comtesse demandait
Uu jour à sa mère :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison,
Pour que les servantes pleurent de la sorte ? —
— Elles ont été faire la lessive,
Et elles ont perdu un drap de toile fine. —
— Dites-leur de ne pas pleurer,
On trouvera des draps à souhait ;
J’ai de l’or, j’ai de l’argent,
Et j’aurai des draps quand je voudrai :
Le seigneur comte est plein de bonté,
Je lui parlerai avec douceur. —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa mère, ce jour-là :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison,
Pour que les domestiques pleurent de la sorte ? —
— Le plus beau cheval qu’il y eut à la maison
S’est cassé le cou, aujourd’hui. —
— Dites-leur de ne pas pleurer,
On trouvera des chevaux à souhait :
J’ai de l’or et j’ai de l’argent,
Et j’aurai des chevaux quand je voudrai ;
Le seigneur comte est plein de bonté,
Je lui parlerai avec douceur. —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa belle-mère, ce jour-là :
— Ma mère chérie, dites-moi.
Où donc est resté mon mari ?
Où donc est resté mon mari,
Puisqu’il ne vient plus me voir ? —
— Il est allé là-bas, à Paris ;
Il reviendra, quand il sera mandé. —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa belle-mère, ce jour-là :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison,
Pour que les prêtres chantent ainsi ? —
— Nous avions logé un petit mendiant.
Qui est mort dans la nuit. —
— Dites-leur de chanter toujours,
Il ne leur manquera pas d’argent ;
J’ai de l’argent et j’ai de l’or,
Assez pour faire enterrer un mendiant ! —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa belle-mère, ce jour-là :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison,
Pour qu’on m’habille ainsi de noir ? —
— Par ici, ma fille, la coutume existe,
Pour les jeunes femmes, d’aller en noir à l’église ; (1)[1]
Elles y vont en noir ou en blanc,
Pour faire bénir leur tête. —
La jeune comtesse demandait
Encore à sa belle-mère, ce jour-là :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans ce bourg,
Pour que l’escabeau de mon mari soit ici ? —
— Je vous ai caché (la vérité) aussi longtemps que j’ai pu ;
Votre pauvre mari est mort ! —
— Tenez, belle-mère, prenez mes clefs,
Et administrez mes biens ;
Et prenez soin de mon fils,
Moi je resterai ici avec son père ! —
Commune de Duault.