Le Parnasse contemporain/1866/Consolation
La neige tapissait la terre
Et frangeait le toit des maisons ;
Au coin de l’âtre, solitaire,
Je regardais mes froids tisons.
Bientôt une douce parole
M’arrache à mon accablement…
« — Viens ! disait-on, car je console
» Des regrets, de l’isolement. » —
Une femme jeune et rieuse
S’accoudait à mon vieux fauteuil :
La ravissante visiteuse,
Sans bruit, avait franchi le seuil.
« Ami, dans tes jours de souffrance,
» Des ennuis je te guérirai.
» A l’heure où s’en va l’espérance,
» Vite, appelle-moi : je viendrai ! » —
» — Mais qui donc ici m’encourage,
» Quand je ne sais que devenir ? » —
» — Je suis la compagne du sage :
» A ma voix il croit rajeunir.
» Le bon sourire de ta mère,
» Tes jours d’illusion, de foi,
» Et tous ceux qui t’aimaient naguère,
» Tu les reverras, — grâce à moi !
» Les rêves de l’adolescence,
» Le parfum du premier amour,
» Avec les fêtes de l’enfance,
» Reviendront vers toi tour à tour.
» Bien loin des ronces de la vie,
» Je te conduirai par la main ;
» Nous suivrons la route fleurie,
» Car je choisirai le chemin !
» Adieu l’hiver et la vieillesse !
» Le printemps te sourit là-bas :
» Un chaud rayon déjà caresse
» Le thyrse embaumé des lilas… »
» — Quel est ton nom, bel ange rose
» Qui parles de si doux plaisirs ? »
» — Je suis, pauvre vieillard morose,
» L’ange des riants souvenirs. »