Contes du Pays Gallo/Les Trois Frères
LES TROIS FRÈRES
I
Le père et la mère Giboire, vieux et usés par les privations et les fatigues, habitaient une chaumière presqu’en ruines au village de Riais, dans la paroisse de Bain.
N’ayant pour toutes ressources que le produit d’un petit courtil et d’un champ qu’ils cultivaient, ils en étaient souvent réduits, lorsque la récolte venait à manquer, à ne manger, pendant une partie de l’année, que des pommes ou des châtaignes tombées des arbres et recueillies dans les chemins.
Dieu leur avait cependant donné trois fils, dont deux, déjà grands, auraient pu leur venir en aide. Mais non, c’étaient deux fainéants qui dépensaient au cabaret le peu d’argent qu’ils gagnaient.
Le troisième, meilleur que ses aînés, et animé de bonnes intentions, était malheureusement trop jeune pour seconder ses parents comme il l’aurait désiré.
Le père et la mère Giboire travaillèrent tant qu’ils purent, et suèrent sang et eau pour faire face aux besoins les plus pressants de la vie ; puis, la vieillesse arrivant, ils succombèrent à la peine, et moururent en laissant autant de dettes que la valeur du bien qu’ils pouvaient posséder.
Lorsque la succession fut liquidée, il ne resta rien aux enfants qui se virent obligés d’aller au loin chercher du travail.
Ils partirent ensemble, emportant seulement quelques nippes enveloppées dans un mouchoir de poche au bout d’un bâton.
Après avoir marché quelques jours, en grignotant le dernier morceau de pain qui leur restait, et sans trouver d’ouvrage, car le moment de la récolte des grains n’était pas encore venu, ils arrivèrent à un carrefour où trois chemins se bifurquaient.
Le jeune des trois voyageurs, plus avisé que les autres, fit cette juste réflexion : « Nous marchons depuis plusieurs jours, allant de ferme en ferme, sans trouver à nous placer. Si nous continuons ainsi, ce sera toujours la même chose. En nous voyant trois on nous refuse de la besogne, tandis qu’un seul serait peut-être accepté.
« En conséquence, le parti le plus sage, à mon avis, serait de nous séparer ici. »
Ce conseil fut adopté.
Le jeune homme ajouta : « Voici trois chemins qui s’offrent à nos yeux. Que chacun de nous en prenne un, et s’en aille à la grâce de Dieu. Mais avant de nous quitter, jurons de revenir ici dans sept ans. Riche ou pauvre, heureux ou malheureux, aucun de nous ne devra manquer au rendez-vous. »
Tous y consentirent et firent, pour être certains de ne pas se tromper d’endroit, plus tard, une croix avec leurs couteaux, sur l’écorce d’un vieux chêne dont la tête dominait tous les autres arbres du voisinage.
Cette opération accomplie, les trois frères se séparèrent.
II
Nous ne suivrons pas les deux aînés, qui, d’ailleurs, continuèrent à mener la même existence que par le passé, c’est-à-dire à dépenser tout l’argent qu’ils gagnaient sans songer à faire d’économies pour les mauvais jours.
Le jeune, appelé Louis, voulut voir du pays. Il travaillait avec ardeur partout où on voulait bien lui donner de l’occupation, puis, lorsqu’il avait amassé quelques épargnes, il s’éloignait vers d’autres contrées.
Il arriva un soir, exténué de fatigue, dans une ferme où il trouva, tout le monde en pleurs.
Le maître de maison, malgré son chagrin, accueillit l’étranger avec bienveillance, lui offrit l’hospitalité pour la nuit, et l’invita à prendre part à leur repas.
Le soir, à la veillée, quand tout le monde fut réuni au coin du feu, le jeune Breton ne put résister au désir de questionner les braves gens qui l’entouraient, sur les motifs de leurs larmes.
« Vous voulez savoir, mon ami, pourquoi nous pleurons ? lui répondit le fermier. Oh ! vous ne pouvez vous douter du malheur qui est venu nous frapper ! Il y a quelques mois à peine, nous vivions ici paisibles et heureux. L’aisance régnait dans notre maison. Des chansons étaient sur toutes les lèvres et de nombreux domestiques s’asseyaient à notre table. Aujourd’hui nous sommes seuls, dans la misère, nous demandant comment nous ferons pour vivre demain. »
— Mais encore, que vous est-il arrivé ?
— Voici : un jour que les domestiques étaient seuls au logis, une vieille femme vint demander l’aumône. Au lieu de l’inviter à entrer, et de lui offrir ce qui restait du dernier repas — ce que nous avions toujours l’habitude de faire, — les serviteurs, en train de rire et de folâtrer, l’engagèrent à s’en aller plus loin parce qu’ils n’avaient pas le temps de l’écouter.
« Vous vous en repentirez bientôt » leur répondit la vieille en brandissant son bâton et en s’éloignant comme une furie.
« Hélas ! après être allée habiter une forêt voisine, accompagnée d’un dragon, elle n’a pas tardé, en effet, à nous faire éprouver tout son ressentiment.
« Je possédais alors, dans mes étables, continua le paysan en soupirant, sept magnifiques vaches, les plus belles bêtes de la contrée.
« Un matin, on s’aperçut que l’une d’elles avait disparu, et malgré toutes les recherches auxquelles nous nous livrâmes, elle ne put être retrouvée.
« C’était une véritable perte ; mais enfin il nous en restait six, et nous redoublâmes de soins pour les surveiller nuit et jour.
« Tout fut inutile.
« Un soir, en rentrant à l’étable, l’on remarqua qu’une seconde vache avait été volée, puis une troisième pendant la nuit et ainsi de suite. Elles nous furent toutes prises les unes après les autres.
« Maintenant nous n’avons plus ni lait, ni beurre, ni fumier et, vous le savez, jeune homme, sans fumier pas de grain. Nos champs vont rester en friche si la Providence ne vient à notre secours. »
— Depuis le jour où votre bétail vous a été dérobé, n’avez-vous jamais su ce qu’il était devenu ?
— Si fait : mes vaches ont été vues, tantôt dans la forêt voisine gardées par le dragon, tantôt conduites dans les chemins creux, par la fée elle-même.
— Avez-vous cherché à les ravoir ?
— Toutes les prières possibles ont été adressées à la fée qui, pour toute réponse, s’est mise à rire en nous demandant si les pauvres gens étaient toujours aussi bien accueillis chez nous. Les menaces ont suivi les prières, mais n’ont pas eu plus de succès.
« J’ai fait savoir, à plus de vingt lieues à la ronde, que le jeune homme, qui serait assez brave pour aller combattre mes ennemis, et qui me ramènerait mon bétail épouserait ma fille Môna, l’unique héritière de mes biens et qui, avant notre malheur, avait refusé de nombreux prétendants.
« Plusieurs jeunes gens se sont présentés. Sept ont osé attaquer la fée et le dragon. Ils ont, sans doute, succombé dans la lutte car je ne les ai plus revus. Que le bon Dieu ait pitié de leur âme ! dit le vieillard en essuyant une larme.
« Tel est enfin le sujet de notre chagrin. »
Louis Giboire réfléchit au récit qui venait de lui être fait, puis regardant Môna, la plus ravissante créature du monde, il demanda au vieux fermier s’il était encore dans les mêmes intentions envers le jeune homme qui se présenterait pour tenter l’aventure.
— Je tiendrais volontiers la parole que j’ai donnée, répondit le malheureux fermier ; mais je n’encouragerai personne à engager une lutte aussi téméraire.
— Je compte cependant, ajouta le voyageur, affronter, dès demain, les périls que vous venez de me faire entrevoir. Je veux essayer de vous rendre l’aisance et d’obtenir la main de votre charmante fille, si elle y consent.
— Oh ! vous ne ferez pas cela ! s’écria Môna, les yeux baignés de pleurs.
— Et pourquoi ? répondit le jeune homme. Ne me croyez-vous pas digne d’aspirer à devenir votre époux ?
— Je ne dis pas cela. Mais vous ne savez donc pas que vous courez à une mort certaine, et que je ne veux pas que vous mouriez pour moi ?
— Rassurez-vous, Môna, je tiens peu à la vie. Elle a été si pénible et si amère pour moi jusqu’ici, que, si je ne vous avais pas rencontrée, je la quitterais vraiment sans trop de regrets.
— Si votre jeunesse n’a pas été heureuse, reprit la jeune fille, c’est que l’avenir vous réserve de douces joies. Ainsi ne cherchez pas à vous défaire d’une existence que Dieu seul a le droit de vous enlever.
Ils causèrent ainsi très avant dans la nuit. Malgré tout ce qu’on put dire, pour le détourner de ses projets, le jeune Breton entêté, comme tous les hommes de son pays, déclara qu’il irait à la recherche des vaches du fermier.
III
Louis ne se coucha pas et resta en prières jusqu’au lever du jour. Puis, armé seulement d’un bâton, il se dirigea vers la forêt.
Chemin faisant, il rencontra une petite vieille, courbée par les ans, qui lui demanda la charité.
— Ma pauvre femme, lui dit le voyageur, vous vous adressez mal, car je ne suis pas riche. Il ne me reste que quelques sous. Je vous les offre de grand cœur, d’autant plus que bientôt, je crois, je n’aurais plus besoin d’argent.
— Et pourquoi cela ? jeune homme, reprit la vieille d’un air intrigué.
— Parce que je vais combattre une fée et un dragon qui, paraît-il, ne ménagent pas leur monde.
— Et dans quel but cette entreprise audacieuse ?
— Pour rendre, à un pauvre fermier, les vaches qui lui ont été dérobées.
— Cette action est louable ; mais ce fermier n’a-t-il pas une fille ?
— Si, la belle Môna.
— N’est-ce pas plutôt pour obtenir la main de cette jeunesse ?
— Peut-être aussi, répondit le jeune homme en souriant.
— Je l’avais deviné, mon garçon, car Môna est bien la meilleure et la plus douce créature du monde, et il est difficile de la voir sans l’aimer.
« Cependant il ne faut pas que l’amour vous aveugle, et vous fasse vous illusionner sur le danger que vous allez courir. La fée Perverse vous tendra des pièges qu’il faudra éviter, et son dragon a des dents qui ont croqué des gaillards plus solides que vous. »
— Possible, répondit le Breton ; mais j’essaierai néanmoins.
— Puisque votre détermination est inébranlable, écoutez ce que je vais vous dire, car moi aussi je suis une fée et, comme vous m’intéressez, je pourrai peut-être vous donner quelques conseils.
Louis la remercia avec effusion, et la pria de lui dire comment s’y prendre.
« Lorsque vous arriverez sur la lisière de la forêt, reprit-elle, vous rencontrerez Perverse, qui vous demandera ce que vous cherchez. Vous lui répondrez que vous êtes venu en ces lieux pour y trouver la fleur qui a le pouvoir de déjouer les sorts.
« Elle vous proposera de vous montrer cette plante, et voudra vous faire passer devant elle. N’y consentez pas, car il y va de votre vie.
« Elle vous conduira ensuite au bord d’un précipice, près duquel elle vous dira de vous pencher pour saisir la fleur qui croît entre les pierres de l’abîme. Pour tout au monde ne le faites pas, inventez un prétexte quelconque, mais refusez.
« Peut-être, pour vous tenter, se penchera-t-elle, elle-même, afin de vous démontrer combien c’est facile. Ce sera alors le moment propice pour la saisir et la jeter dans le vide. Si vous réussissez, ce que je souhaite, vous aurez purgé le monde d’un monstre, car elle tombera dans l’endroit où se tient le dragon qui, la prenant pour une proie, se jettera dessus et la dévorera.
« Vous chercherez ensuite un petit sentier détourné, qui conduit au fond du ravin dans lequel le dragon repu dormira. Si vous êtes adroit, vous l’assommerez facilement.
« Allez, lui dit-elle, et que les dieux vous aident. »
IV
Louis se mit une dernière fois en prières avant de continuer sa route, et partit ensuite sans trop d’appréhension.
Comme le pauvre garçon avait retenu mot à mot tout ce que lui avait dit la fée, il suivit ses conseils.
Perverse s’offrit bientôt à sa vue, gardant les sept vaches dérobées. Elle lui demanda, d’un ton courroucé, ce qu’il venait faire sur son domaine.
— Je cherche, dit-il, la fleur qui déjoue les sorts.
— Viens, je vais t’indiquer l’endroit où elle se trouve.
Elle l’invita aussitôt à la précéder dans un sentier étroit, plein de sinuosités et d’embûches ; mais il s’excusa sur son ignorance des lieux, et la pria de le guider à travers les méandres de la forêt. Elle le fit d’assez mauvaise grâce, et en grommelant le conduisit pendant de longues heures, au milieu des herbes et des ronces qui lui déchiraient ses jambes.
Il avança, sans se plaindre, jusqu’au bord d’un énorme trou béant, taillé à pic dans un rocher.
— C’est là, dit-elle, que croît la plante que tu cherches, et qui pousse dans les interstices du roc. Baisse-toi, et saisis-la si tu peux.
— Je n’oserai jamais, dit-il. Le vertige me prend aussitôt que je vois le vide, et il me semble inutile d’essayer.
— Misérable poltron ! s’écria-t-elle, comment toi, un homme, tu n’oses te coucher par terre pour cueillir une plante ? Tu n’es pas digne de la peine que je me suis donnée pour toi.
— C’est vrai, je ne suis qu’un failli gars, maladroit, et qui ai toujours passé pour avoir peu d’esprit. Cependant, si vous vouliez me montrer comment m’y prendre, peut-être le courage me viendrait-il.
— Voyons, je le veux bien à cause de ta bêtise. Tiens, rampe comme moi sur la terre et approche du trou.
Louis fit semblant de l’imiter ; mais il se tint en arrière de la vieille, et, lorsqu’il la vit sur le bord de l’abîme, il la saisit par les pieds, et la précipita de toutes ses forces au fond du gouffre.
Un cri formidable, et qui n’avait rien d’humain, se fit entendre, un grognement effrayant lui succéda et le bruit des os broyés par les dents du monstre parvint jusqu’à lui.
V
Le jeune Breton resta quelques instants stupéfait de ce qui venait de lui arriver. Enfin, peu à peu, reprenant son sang-froid, il chercha le chemin qui devait le conduire près du dragon. Il le trouva sans peine, et descendit un sentier taillé dans le rocher, et suffisamment large pour permettre à des vaches d’y passer puisque le pied de ces animaux était encore empreint sur le sol.
Il suivit ce sentier, et arriva à l’entrée du repaire habité par le monstre. Des tas d’os se voyaient près de l’affreuse bête qui dormait après avoir dévoré sa maîtresse. Elle était là, digérant son repas, plongée dans un abrutissement complet.
Pris d’une frayeur soudaine en contemplant cet animal redoutable, il fut sur le point de s’enfuir ; mais, songeant à Môna la jolie fille du fermier, il s’avança et, brandissant son terrible bâton de houx, il en appliqua un si vigoureux coup sur la tête du dragon que celui-ci roula par terre.
L’animal n’était cependant qu’étourdi. Il se releva et poussa un gémissement terrible qui fit retentir tous les échos du bois.
Louis, plus mort que vif, ne lui laissa pas le temps de se remettre, et, le frappant une seconde fois, il le fit retomber baigné dans son sang. Les coups se succédèrent avec tant de rapidité que le monstre finit par rendre le dernier soupir.
Il était temps, car le pauvre garçon, à bout de forces, le corps couvert d’une sueur, froide, perdit connaissance et s’affaissa près de sa victime.
Lorsqu’il revint à lui, il faisait nuit, et il était trop tard pour quitter ces lieux. Tout à coup il entendit le son de plusieurs clochettes, et quel ne fut pas son étonnement en voyant venir sept magnifiques vaches, au poil luisant, d’une taille extraordinaire et qui, habituées sans doute à être amenées là, chaque soir par la fée, arrivaient d’elles-mêmes chercher un abri.
Le jeune garçon, qui n’avait rien mangé depuis le matin, se mit à les traire dans une auge de granit qui semblait faite exprès pour la circonstance et qui, bien que contenant près de sept tonnes, fut remplie dans un instant.
Il but à discrétion le lait chaud des vaches et, brisé de fatigue, s’endormit bientôt sur un lit de fougères.
Le lendemain, au point du jour, Louis se réveilla et s’empressa de chasser les vaches devant lui, en cherchant à s’orienter dans la forêt.
Il retrouva le chemin que, la veille, il avait parcouru en compagnie de la fée, et arriva sans encombre vers le milieu du jour à la ferme où on le croyait déjà mort.
Qu’on juge de la joie de tout le monde en présence de ce miracle inespéré.
Le fermier ne se lassait pas d’admirer ses vaches qu’il ne reconnaissait pas, tant elles étaient belles et fortes ; mais sa surprise fut plus grande encore, quand il vit que chacune d’elles donnait une tonne de lait par jour, ce qui ne s’était jamais vu.
Môna, de son côté, se faisait raconter sans cesse le voyage du jeune homme, sa rencontre avec la fée bienveillante, les conseils qu’elle lui avait donnés, les ruses de Perverse, sa chute dans le précipice et la mort du dragon. Puis elle s’extasiait sur le courage du Breton.
Celui-ci ne tarda pas à se faire remarquer par son travail, ses connaissances des biens de la terre, son entendement et sa bonne conduite, aussi le fermier lui dit-il bientôt qu’il était disposé à lui donner sa fille.
Môna ne s’y opposa point, bien le contraire, et les noces se firent à bref délai.
Elles furent magnifiques et durèrent quinze jours. Il y eut plus de trois cent invités.
Marie Lapique, du bourg d’Orgères, près Rennes, qui nous a dit ce conte, nous a assuré que dans sa jeunesse elle avait gardé les vaches du fermier.
« J’ai même assisté, ajoutait-elle, aux noces de Môna. Je fus chargée de faire rôtir les viandes de la noce ; mais, comme j’étais gourmande, tout en tournant la broche je trempais de temps en temps les doigts dans la sauce pour les lécher ensuite. Malheureusement je fus aperçue et l’on me chassa impitoyablement. J’en eus bien du regret, car j’aurais sans doute eu ma part de bonnes choses qui y furent mangées. »
Il est vrai de dire que Marie Lapique, morte depuis longtemps, était un peu folle, et si vieille, si vieille, que personne ne connaissait son âge, ni elle non plus.
Le bon Dieu bénit le ménage des jeunes époux car ils eurent de nombreux enfants, beaux et bons comme leur mère et braves comme leur père.
Les sept ans écoulés depuis la séparation des trois frères, Môna à laquelle son époux avait raconté sa vie, l’engagea à aller voir ce qu’étaient devenus les deux autres voyageurs.
Louis se rendit au carrefour où ils s’étaient donné rendez-vous.
Il y arriva le premier. Bientôt il vit venir, par des chemins différents, deux mendiants en haillons, la besace sur le dos, qu’il prit d’abord pour des étrangers tant ils lui parurent vieux.
Son cœur tressaillit cependant à leur approche et, les examinant de plus près, il reconnut les traits de ses aînés qu’il embrassa avec effusion.
Il leur demanda ce qu’ils avaient fait depuis sept ans, et pleura avec eux en écoutant leur histoire aussi triste que misérable. Il les emmena chez lui où, grâce aux bons soins et aux douces caresses de Môna, ils devinrent ce qu’ils auraient dû toujours être, d’honnêtes et laborieux ouvriers estimés de leurs semblables.