Contes de Noël (Josette)/Le Jour de l’an

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John Lovell & Fils (p. 73-80).


LE JOUR DE L’AN


Pour les sept petites filles de Monsieur
L. O. David, député

Assurément tous les petits enfants connaissent cette fête !

Elle est belle, elle est radieuse pour le plus grand nombre. Elle ramène l’excellent vieux Santa Claus avec des trésors fabuleux entassés dans ses poches immenses et inépuisables.

Quelques-uns, hélas ! ne connaissent de ce jour que les privations, plus cruelles par leur contraste avec la joie de tout le monde.

Ces malheureux petits pauvres que Santa Claus ne connaît pas, qui ne trouvent jamais, jamais rien dans leur soulier, c’est aux enfants heureux de les consoler, de se constituer leur Providence visible.

Le Petit-Jésus, lui qui n’oublie personne, voit leurs larmes. Il les recueille toutes ; il les change en des perles magnifiques dont il forme des couronnes plus belles que celles des anges — car les anges qui ne pleurent jamais n’ont pas de perles à leurs couronnes. Puis, quand ses amis dorment, il les vient chercher et les amène avec lui au ciel, pour leur montrer ces précieux joyaux et les ailes faites de la gaze des plus blancs nuages, qu’il garde pour eux.

Parmi les petites filles qui attendaient avec anxiété la joyeuse fête de l’enfance, il en était sept qui, fort probablement, auraient été forcées de renoncer aux étincelantes couronnes du Petit-Jésus, lesquelles ne se gagnent absolument qu’au prix des soupirs et des peines, n’eussent été les pleurs que leur faisait verser parfois la compassion. Et ceux-là valent presque, aux yeux de Dieu les pleurs de la misère.

Heureusement, les nobles émotions de leurs âmes sensibles au malheur, achetaient pour elles ces célestes récompenses.

Car des larmes !… d’honneur ! c’était un article rare sous leur toit.

Hors le cas de pitié, elles n’en faisaient usage que juste ce qu’il faut pour baigner le sourire, en vue d’obtenir les objets de leurs vœux.

On sait que c’est un principe de diplomatie qui a cours chez cette petite engeance, qu’un attrait irrésistible à ajouter à sa requête est celui d’un regard suppliant à travers des pleurs.

Et c’est d’excellente politique.

Le moyen de résister, je vous le demande, à tant de beaux yeux émus qui prient avec une si gentille ferveur !…

Le bon Dieu ne l’a pas encore trouvé, lui qui est bien plus fort que les hommes.

Mais en ce grand jour du « Jour de l’an, » il n’était pas besoin de ruse ni de stratagèmes pour être heureux !

Mon Dieu ! que de trésors enfouis dans ces petits bas longs comme rien, mais si précieux pourtant avec leur riche et abondante cargaison !

Quel bon génie avait donc pu deviner les désirs secrets de chacune pour déposer mystérieusement à son chevet pendant la nuit, l’objet si ardemment souhaité ?…

Il n’y avait qu’un « bon Jésus » pour réaliser des rêves si follement ambitieux… pour verser si généreusement autant de merveilles entre leurs petites mains !

Les jolies fillettes adoraient, je vous le jure, ce cher bienfaiteur, ce prodigue ami des enfants sages et bons comme elles. Elles aimaient aussi de tout leur cœur leurs parents.

Une pensée leur vint donc tout à coup, qui faillit compromettre l’extrême félicité dont elles jouissaient. Pourquoi le cher papa, pourquoi la belle maman ne recevaient-ils pas, eux aussi, des cadeaux du ciel !…

Leurs bons petits cœurs se gonflèrent à cette réflexion.

Et l’attrait de toutes les choses prodigieuses étalées devant elles disparut soudain.

La plus jeune des bébés, dont le bonheur s’était incarné sous la forme de mille animaux mignons réunis en une arche de Noé liliputienne, laisse là son vaste troupeau gisant par terre dans une attitude de désorganisation et d’inquiétude, comme s’il n’avait jamais été sauvé du déluge, et que tout était à recommencer.

Par le plus bienvenu des hasards, entrèrent à ce moment dans la chambre qui renfermait tant de désespoirs, les heureux parents de cette intéressante famille.

La tristesse se fondit comme par enchantement sous une pluie de baisers.

— Nous en avons eu à profusion des présents du ciel ! leur dit en pleurant de bonheur leur mère — les joyaux inestimables, les trésors que le bon Dieu nous a donnés, mes anges… c’est vous !…