Contes de Noël (Josette)/Préface

La bibliothèque libre.
John Lovell & Fils (p. 5-12).

PRÉFACE


Voici notre petite bibliothèque canadienne qui s’enrichit aujourd’hui d’un nouveau volume ; et, chose assez insolite chez nous, ce volume est signé d’un nom de femme.

La signature était-elle bien nécessaire cependant pour accuser cette particularité ?

Non.

Car, autant le pseudonyme de Josette voile peu la gracieuse personnalité qu’il a la prétention de couvrir, autant la féminité — pour me servir d’un néologisme mis à la mode par les psychologues du jour — autant la féminité de l’auteur se trahit à chaque page, je pourrais dire à chaque phrase, dans des légèretés de dessin et des fraîcheurs de teintes, que l’homme au pinceau le plus délicat ne parvient presque jamais à atteindre.

Tournures câlines, sous-entendus discrets, colloques semés d’incohérences enfantines, petits mots doux et tendres comme des baisers, tout révèle la femme, la femme jeune et aimante, dont — pour les bébés surtout — la main est une caresse, le bras un oreiller, la voix une chanson d’amour.

En lisant ces bluettes, — car il s’agit de simples bluettes, de contes si vous aimez mieux, — on s’arrête malgré soi devant tel détail saisi sur le vif, telle nuance finement observée, telle vague ébauche dont les contours perdus laissent deviner quelque délicieux profil ; et l’on s’avoue in petto qu’un doigt de femme pouvait seul crayonner avec cette souplesse, qu’on dirait inconsciente.

En effet, ce qui caractérise peut-être plus que toute autre chose le style de l’intéressant petit volume que je suis chargé de présenter au lecteur, c’est une absence de toute recherche, une facilité naturelle, une allure indépendante et prime-sautière, qui donnent l’impression de quelqu’un laissant courir sa plume sur le papier sans le moindre effort, sans aucunement s’inquiéter de bien dire, et — sans s’en douter le moins du monde — racontant merveilleusement des choses charmantes.

Car ils sont tout pleins de choses charmantes, ces petits Contes de Noël qui respirent tant de suavité naïve, et qui évoquent autour de vous tout un essaim de souvenirs ailés papillonnant à votre oreille avec les échos des vieux chants d’église et des joyeux carillons d’autrefois.

Ils vous bercent.

Ils vous rajeunissent.

Ils ressuscitent sous vos yeux mille figures lointaines, mille horizons oubliés.

Ils vous chuchotent je ne sais quelles ressouvenances qu’on écoute le cœur attendri, et quelquefois même avec une larme tremblante au bout des cils.

Pour ma part, j’ai passé une heure bien douce à parcourir ces pages toutes vibrantes d’émotions intimes, et je suis heureux que l’auteur me permette de lui en offrir ici même mon remercîment sincère avec mes confraternelles félicitations.

Toute jeune encore, depuis trois ou quatre ans déjà, la charmante conteuse s’était fait remarquer dans la presse ; et plus d’une fois ses jolies nouvelles, toutes empreintes d’un rare cachet de distinction, avaient attiré l’attention de ceux qui, parmi nous, cultivent les lettres ou s’occupent des choses de l’esprit.

Il y a quelques mois à peine, à Québec, elle révélait son talent pour la scène dans une petite pièce dont le succès fut éclatant.

Ces débuts pleins de promesses, elle les confirme aujourd’hui par un premier volume, qui n’est sans doute que la première perle de tout un écrin.

Les qualités d’écrivain dont elle y fait preuve lui donnent droit à une place marquante dans notre petit monde littéraire ; et, s’ils me permettent de me faire ici leur interprète, je crois pouvoir lui offrir, au nom de mes confrères de la plume, la plus sympathique et la plus cordiale bienvenue.

Tous s’empresseront même, j’en suis sûr de lui céder un siège d’honneur, à une condition cependant — et cette condition, la voix du patriotisme l’impose — c’est que ce premier ouvrage soit bientôt suivi de plusieurs autres.

Pour ma part, je lui dirai en lui tendant la main :

Madame, vous êtes maintenant débitrice d’un créancier qui a le droit d’être impitoyable, parce qu’il parle au nom de tous, le Public.

Vous avez écrit les Contes de Noël.

Tant pis pour vous :

Noblesse oblige.

LOUIS FRÉCHETTE.