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Correspondance (d’Alembert)/Correspondance avec Voltaire/005

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Œuvres complètes de D’AlembertBelinTome V (p. 50-51).


Paris, avril 1757.


Jai reçu et lu, mon cher et illustre philosophe, l’article Liturgie. Il faudra changer un mot dans les psaumes ; et dire, ex ore sacerdotum perfecisti laudem, Domine. Nous aurons pourtant bien de la peine à faire passer cet article, d’autant plus qu’on vient de publier une déclaration qui inflige la peine de mort à tous ceux qui auront publié des écrits tendant à attaquer la religion ; mais avec quelques adoucissements tout ira bien, personne ne sera pendu, et la vérité sera dite. J’ai fait vos compliments à mon camarade, qui vous remercie de tout son cœur, et qui compte vous faire lui-même les siens, en vous écrivant incessamment. Je suis charmé que vous ayez quelque satisfaction de notre ouvrage ; vous y trouverez, je crois, presque en tous genres d’excellents articles. Il y en a dont nous ne sommes pas plus contents que vous ne le serez ; mais nous n’avons pas toujours été les maîtres de leur en substituer d’autres. À tout prendre, je crois que l’ouvrage gagne à la lecture, et je compte que le volume septième, auquel nous travaillons, effacera tous les précédents. Je renverrai aujourd’hui à Briasson sa Religion vengée, et je n’aurai pas le même reproche à me faire que vous, car je ne l’ouvrirai pas. Je vous recommande Garasse Berthier, qui, à ce qu’on m’a assuré, vous a encore harcelé dans son dernier journal. Voilà les ouvrages qui auraient besoin d’être réprimés par des déclarations. Je gage que le nouveau règlement contre les libelles n’empêchera pas la gazette janséniste de paraître à son jour. À propos de jansénistes, savez-vous que l’évêque de Soissons vient de faire un mandement où il prêche ouvertement la tolérance, et où vous lirez ces mots : Que la religion ne doit influer en rien dans l’état civil, si ce n’est pour nous rendre meilleurs citoyens, meilleurs parents, etc. ; que nous devons regarder tous les hommes comme nos frères, païens ou chrétiens, hérétiques ou orthodoxes, sans jamais persécuter pour la religion qui que ce soit, sous quelque prétexte que ce soit. Je vous laisse à penser si ce mandement a réussi à Paris. Adieu, mon cher confrère ; je vous embrasse de tout mon cœur.