Correspondance 1812-1876, 4/1856/CDII

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CDII

À MADAME AUGUSTINE DE BERTHOLDI,
À BRINON-LES-ALLEMANDS, PAR CLAMECY


Paris, 13 avril 1856.


Chère fille, c’est moi qui te trouve oublieuse ! sans Eugénie, je n’aurais eu qu’une fois de tes nouvelles depuis ton retour à Brinon. Ce n’est pas parce que je ne te réponds pas (tu sais trop la vie que je mène ici) que tu fais bien de me laisser apprendre par les autres comment tu te portes. Tu n’as que trop de temps pour écrire, tu écris à tout le monde, tu fais même des mariages, et, moi, tu me plantes là. C’est donc toi, petite fille, qui es grondée, pour t’apprendre à me grogner comme tu fais.

Quant au mariage en question, je crois qu’il est très bien assorti et qu’il sera heureux. Je l’ai appris avec grand plaisir, et je m’en réjouis pour les deux familles.

Je ne sais si tu as revu les Girerd depuis leur voyage ici ; ils t’auraient dit, bécasse, que je ne t’oubliais pas et que nous avions énormément parlé de toi.

Je t’écris ce soir en revenant du Théâtre-Français. On vient de jouer mon Comme il vous plaira, tiré et imité de Shakspeare.

La pièce a été médiocrement jouée par la plupart des acteurs. Les décors et les costumes splendides, le public très hostile, composé de tous les ennemis de la maison et du dehors. Néanmoins, le succès s’est imposé sans que personne ait pu marquer sa malveillance, et Shakspeare a triomphé plus que je n’y comptais. Moi, j’ai trouvé le public bête et froid ; mais tout le monde dit qu’il a été très chaud pour un public de première représentation à ce théâtre, et tous mes amis sont enchantés.

Françoise va très bien et le succès augmente tous les jours.

Bonsoir, chère fille ; il est tard et je vais dormir, me reposer enfin de trois pièces que j’ai fait jouer depuis quatre mois.

Je t’embrasse tendrement, ainsi que Bertholdi et Georget ; je pars pour Nohant à la fin de la semaine prochaine. Écris-moi là.