Correspondance 1812-1876, 4/1857/CDIX

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CDIX

À M. VICTOR BORIE, À PARIS


Nohant, 16 avril 1857.


Tu n’es qu’un ignoble pôtu[1], un agriculteur, un capitaliste, un écrivassier, un décoré, un membre de l’Institut ; Lambert n’est qu’un lapin, un chou, un renard pendu, une volaille étripée. Vous ne valez pas deux liards à vous deux. Il faut que je vous fasse relancer par Frapolli, qui est un savant, un patriote, un ami des femmes de lettres, enfin un parfait gentilhomme, pour que l’un de vous daigne se souvenir que j’existe. Enfin, vous n’aimez que vos ventres et vous avez le cœur mangé aux vers.

Ce n’est pas le travail qui vous excuse, je travaille aussi. Vous méritez que je ne pense plus jamais à vous.

Je suis bien contente que l’on s’arrache ton livre ; mais on ne se l’arrache pas à Nohant ; car il n’a pas daigné y arriver. J’ai répondu à M. Grenier ; son poème est très remarquable. Moi, je vois dans le Juif errant la personnification du peuple juif, toujours riche et banni au moyen âge, avec ses immortels cinq sous qui ne s’épuisent jamais, son activité, sa dureté de cœur pour quiconque n’est pas de sa race, et en train de devenir le roi du monde et de tuer Jésus-Christ, c’est-à-dire l’idéal. Il en sera ainsi par le droit du savoir-faire, et, dans cinquante ans, la France sera juive. Certains docteurs israélites le prêchent déjà. Ils ne se trompent pas.

Bonsoir, gros misérable ! je vais aller à Paris à la fin du mois. Si j’ai l’honneur de vous y voir, je vous promets une dégelée solide.

GEORGE SAND.

  1. Pataud.