Correspondance 1812-1876, 4/1862/DXVI

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DXVI

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME),
À PARIS


Nohant, 11 mai 1862.


Cher prince,

Êtes-vous encore à Paris ? Je me hâte de vous remercier de toute mon âme pour ma sœur, qui va, grâce à vous, se trouver heureuse.

À présent, j’ai le cœur tout à fait libre de cette perplexité de famille et je suis toute au bonheur de mes enfants, qui se marient dans quelques jours. Ah ! si vous ne partiez pas cette semaine, ce serait si vite fait pour vous de venir, incognito, passer vingt-quatre heures ! — Ma ! — peut-être seriez-vous un peu compromis par notre liberté de conscience ? — pas de prêtre !

Nous sommes excommuniés, comme tous ceux qui, de fait ou d’intention, ont souhaité l’unité de l’Italie et le triomphe de Victor-Emmanuel ; nous nous tenons pour chassés de l’Église. Mais ne le dites pas à la princesse Clotilde ! Il ne faut pas faire pleurer les anges. Elle croit — nous ne croyons pas, nous autres, — à l’Église catholique. Nous serions hypocrites d’y aller.

Encore merci, et tâchez, s’il vous plaît, monseigneur, de nous délivrer Rome. Calamatta nous dit ici que vous allez trouver en Italie des transports d’affection et de reconnaissance. Ce voyage est pour nous une grande espérance ; car nous voilà tous très Italiens de cœur, et nous vous aimons d’autant plus.

Mais vous ne resterez pas longtemps ? Est-ce que le moment où vous allez être père n’approche pas ? Que de joie chez nous quand nous saurons que vous avez ce bonheur !

GEORGE SAND.