Correspondance 1812-1876, 5/1864/DL

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DL

AU MÊME


Paris, 8 mars 1864.


Villemer va toujours merveilleusement. La grande presse est encore plus élogieuse que la petite, et cela sans restriction. Ces messieurs qui m’avaient déclarée incapable de faire du théâtre, me proclament très forte. L’Odéon fait tous les soirs quatre mille francs de location et de cinq à six cents francs au bureau. Il y a file de voitures toute la journée pour retenir les places, puis autre file le soir et queue au bureau.

L’Odéon est illuminé tous les soirs. La Rounat en deviendra fou. Les acteurs sont toujours rappelés entre tous les actes. C’est un succès splendide, et, comme il n’est plus soutenu par personne que le public payant, il est si unanime et si chaud, que jamais les acteurs n’en ont vu, disent-ils, de pareil. Ribes se soutient ; le succès lui donne une vie artificielle et le guérira peut-être. Il a des moments où on l’interrompt trois fois par des applaudissements frénétiques comme le premier jour. Les voyageurs qui arrivent à Paris et qui passent le soir devant l’Odéon, font arrêter leur sapin avec effroi et demandent si c’est une révolution, si on a proclamé la République.

La pièce d’Alexandre a été mieux reçue ce soir[1] ; mais elle soulève de l’opposition et n’aura pas de succès. Elle est pourtant amusante et pleine de talent ; mais elle scandalise.

Les épreuves de ma photographie n’ont pas encore très bien réussi chez Nadar ; j’y retourne demain. M. Harmant vient pour sûr mercredi. Il m’a envoyé une loge pour ce jour-là ; car il faut bien que je connaisse son théâtre. Je voudrais aussi voir Villemer, que je n’ai encore fait qu’apercevoir à moitié. J’ai demandé hier trois places, pas une qui ne soit louée jusqu’à samedi.

  1. L’Ami des femmes