Cours d’agriculture (Rozier)/CYTISE

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 621-622).
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CYTISE VELU. M. Tournefort le classe dans la seconde section de la douzième classe, qui comprend les arbrisseaux à fleurs légumineuses, dont les feuilles sont au nombre de trois, portées sur le même pétiole. Il l’appelle, d’après Bauhin, cytisus incanus siliqua longiore : M. von Linné le nomme cytisus hirsutus, & le classe dans la diadelphie décandrie.

Je me serois dispensé de décrire cet arbrisseau, si les auteurs anciens n’en avoient fait le plus grand éloge, & ne l’avoient regardé comme très-utile. Les agriculteurs modernes ont copié les anciens, & ont encore renchéri sur eux ; mais j’ose avancer que peut-être pas un de ceux qui l’ont si fort loué, n’ont suivi sa culture, ou fait aucune expérience relative à l’agriculture. Je conviens cependant que plusieurs ont cultivé les cytises par rapport à la décoration des jardins, ou à la botanique, ce qui est bien différent.

Fleur, papilionacée ou légumineuse. Son calice est velu, presqu’adhérent à la tige, d’une seule pièce, en forme de cloche, court, divisé en deux lèvres ; la supérieure, fendue en deux, & l’inférieure en trois : du calice sort la fleur. L’étendard est ovale, droit, replié en arrière ; les ailes de la longueur de l’étendard, droites, obtuses ; la nacelle ou carenne est renflée au milieu, pointue.

Fruit. Le pistil devient la gousse qui renferme les semences, en forme de rein, & plates. Le légume est alongé.

Feuilles. Les feuilles trois à trois, portées par un court pétiole, très-velues en dessous.

Racine, ligneuse, très-fibreuse.

Port. Cet arbrisseau étend ses rameaux sur la terre.

Lieu. Il est naturel en Sybérie, en Tartarie, en Autriche & en Italie.

Je ne parlerai pas ici du cytise ou aubours, parce qu’il est plus connu sous la dénomination d’ébenier des Alpes. (Voyez ce mot)

2. Cytise à grappes fleuries, droites, dont les calices sont recouverts de trois lames dont les feuilles florales n’ont point de pétiole. C’est le cytisus sesseli folius de von Linné ; il croit naturellement en Italie & en Provence.

3. Cytise à fleurs latérales, à feuilles velues, à tige droite & cannelée ; c’est le cytise de Montpellier, ou cytise à feuilles de luzerne.

Il est inutile de parler d’un plus grand nombre de cytises, relativement à l’agriculture ; les autres tiennent plus à l’agrément qu’à l’utilité.

Les grecs & les romains ont loué le cytise, & Columelle est celui qui en a parlé plus en détail. Je vais copier cet article d’après lui.

« Il sera très-important d’avoir dans la terre la plus grande quantité de cytise que l’on pourra, parce que cet arbrisseau est très-utile aux poules, aux abeilles, aux chèvres, ainsi qu’aux bœufs & à toutes sortes de bestiaux, tant parce qu’il les engraisse en peu de temps, & qu’il donne beaucoup de lait aux brebis, que parce que l’on peut l’employer pendant huit mois en fourrage vert, & passé ce temps, en fourrage sec. D’ailleurs il prend très-promptement en toutes sortes de terres, même dans les plus maigres, & rien de ce qui nuit aux autres plantes ne lui fait tort.

» On peut planter le cytise en automne ou au printemps. Lorsque l’on aura bien labouré le terrein, on fera de petites planches, sur lesquelles on sèmera en automne la graine de cytise ; ensuite on arrachera ces planches au printemps, de façon qu’il y ait entre chacune quatre pieds d’intervalle en tout sens. Si vous n’avez pas de graines, vous mettrez en terre, au printemps, des cimes de cytise, auprès desquelles vous entasserez la terre que vous aurez fumée auparavant. S’il ne vient point de pluie, vous les arroserez les quinze premiers jours ; vous les sarclerez dès qu’elles commenceront à montrer les premières feuilles, & trois ans après vous les couperez pour les donner aux bestiaux. Il suffit de quinze livres de cytise vert pour le cheval, & de vingt livres pour le bœuf : on en donne aux autres bestiaux à proportion de leurs forces. On peut aussi planter assez commodément le cytise en bouture avant le mois de septembre, parce qu’il prend facilement, & que rien ne lui fait tort. Si vous le donnez sec aux animaux, il faut le leur épargner plus que s’il étoit vert, parce qu’il a alors plus de vertu : il faut même le tremper auparavant dans l’eau. Quand vous voudrez faire sécher le cytise, coupez-le vers le mois de novembre, lorsque sa graine commencera à grossir, & mettez-le au soleil tendant quelques heures, jusqu’à ce qu’il se fane ; faites-le ensuite sécher à l’ombre, & serrez-le après ».

De quelle espèce de cytise parle Columelle ? Il n’est pas aisé de le décider. J’ai décrit ceux qui croissent communément en Italie & dans nos provinces méridionales ; c’est sans doute d’un de ceux-là. Le cytise velu est celui qui me paroît mériter la préférence sur tous les autres, & il faut placer après lui le cytise de Montpellier. Que je plains les pays où l’on est réduit à traiter les cytises en culture réglée ! Labourer, défoncer le terrein, le fumer, sarcler, attendre pendant quatre ans une récolte, toujours chétive dans les sols maigres, quoiqu’en dise Columelle ; être obligé de faire tremper dans l’eau les pousses, afin de les ramollir avant de les donner aux bestiaux, sont autant de motifs qui engagent à négliger cette culture : celle du sainfoin rendroit plus, & donneroit moins de peine. Si les fourrages sont rares, culture pour culture, je préfèrerois celle des ers, des vesce, des fèves, que l’on sèmeroit dans les pays chauds, au mois de novembre ; j’ajouterois encore la culture de la pimprenelle qui fourniroit une bonne coupe. Je vois, dans mes environs, des cytises, même ceux qui ne sont pas broutés par les troupeaux, & ils ne me donneront jamais l’envie de le soumettre à la culture réglée. Si quelqu’un, malgré ce que je dis, désire le cultiver, au moins qu’il ne sacrifie pas du bon terrein, d’après le conseil de plusieurs écrivains modernes : toute autre culture rendroit beaucoup plus.