Cours d’agriculture (Rozier)/FOUGÈRE MÂLE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 18-19).


FOUGÈRE MÂLE. (Voyez Pl. VIII, du Tome IV, page 638) M. Tournefort la range dans la première section de la seizième classe qui comprend les herbes sans fleurs dont les fruits naissent sur le dos des feuilles, & il l’appelle silix mas, non ramosa dentata. M. von-Linné la classe dans la cryptogamie, & la nomme polypodium silix mas.

Fleur & fruit. Il est constant par les nouvelles découvertes, que toutes les plantes ont des fleurs qui produisent des fruits ; ainsi la fougère mâle réunit l’un & l’autre. La fructification paroît sous la feuille. B représente une découpure de cette feuille grossie au microscope. On y voit de petits paquets de forme arrondie ; chaque paquet paroît couvert d’une membrane écailleuse sous laquelle est renfermé un amas de coques C, dont une est représentée fermée en D : elle est entourée d’un cordon annulaire qui la contracte & la déchire par le milieu E : cette coque s’ouvre, comme on le voit, en F, & c’est dans cet état qu’elle répand ses semences G.

Feuilles. Elles partent des racines, elles sont deux fois ailées ; les folioles sont obtuses, crénelées, ovales, en forme de lance & presque ailées.

Racine A, épaisse, branchue, fibreuse, noirâtre en dessous, pâle en dedans.

Port. Lorsque les pétioles sortent de la racine, ils portent des feuilles roulées sur elles-mêmes en spirale, couvertes d’un duvet blanchâtre qui tombe après leur développement. Le pétiole vers la racine & à l’insertion de folioles, est garni d’un duvet composé de trois petites lamelles brunes. Ces feuilles périssent chaque année.

Lieu ; les bois. La plante est vivace.

Propriétés. La racine a un goût amer & un peu astringent ; elle est vermifuge, médiocrement urinaire.

Usage. On emploie la racine en décoction dans huit onces d’eau, depuis demi-once jusqu’à une once ; pulvérisée comme vermifuge, depuis demi-drachme jusqu’à demi-once, incorporée avec un sirop. La décoction pour les animaux, est environ de quatre onces sur une pinte d’eau, & la racine pulvérisée à la dose d’une once.

Usages économiques. Les cendres de toute espèce de fougères, pétries dans l’eau, blanchissent le linge, & tiennent lieu de savon.

La racine fournit aux cochons une nourriture qui leur plaît.

Si on récolte les feuilles encore tendres, & qu’on fasse un lit de feuilles & un lit de paille, & ainsi successivement, on se procurera par ce moyen une bonne nourriture d’hiver pour les troupeaux, & même pour les bœufs & pour les chevaux. Pendant les grosses chaleurs de l’été on peut donner aux vaches & aux bœufs la fougère verte & tendre.

La fougère fournit une excellente litière à toute espèce d’animaux ; elle absorbe & se pénètre des urines, & avec son secours on économise la paille.

Tout terrain où croissent les fougères, est bon en général, ou il le devient si les fougères s’en sont emparé depuis nombres d’années. Comme à chaque hiver les feuilles périssent, il résulte de leur décomposition une terre noire qui est un véritable humus. Si l’on vouloit convertir un pareil fonds en une terre à grain, il seroit absurde de brûler les feuilles sur la place ; il vaut beaucoup mieux les voiturer du champ à la ferme, & s’en servir pour les litières. Après le premier labour qui doit être profond, on conduit les cochons sur cette terre remuée, ils mangent les racines portées sur la superficie & fouillent avec leur museau dans l’intérieur du sol pour tirer ce qui reste.