Cours d’agriculture (Rozier)/PARALYSIE

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 426-432).


PARALYSIE, Médecine rurale. Maladie nerveuse caractérisée par la perte ou la diminution du sentiment & du mouvement, ou seulement de l’une de ces deux fonctions dans une ou plusieurs parties du corps.

Elle a reçu différens noms, tant à cause de son extension que des diverses parties qu’elle peut attaquer. On lui a donné celui de paraplégie ou paralysie universelle, quand elle attaque toutes les parties du corps. Elle est appelée hémiplégie lorsque la moitié du corps est paralysé : enfin on la nomme partielle quand elle n’intéresse qu’une partie, comme le bras, la cuisse, la langue, le gosier, l’anus, la vessie ou tout autre organe.

L’insensibilité des parties paralysées, la privation ou la difficulté du mouvement, leur engourdissement, leur inaction, leur flaccidité, sont les symptômes les plus simples & les plus ordinaires qui constituent Id paralysie en général.

On doit encore y joindre le défaut de fièvre & de chaleur, & l’amaigrissement qui ne tardent point à survenir. Outre ces symptômes généraux, il y en a d’autres qui sont particuliers à certaines paralysies partielles : par exemple, l’hémiplégie du visage a pour symptôme particulier l’abaissement de la paupière du côté affecté, la distorsion de la bouche qui est tournée du côté sain, & le tiraillement des lèvres du même côté occasionné par les muscles antagonistes. La paralysie des yeux se connoît par la cécité ; celle des nerfs auditifs, par la surdité & la paralysie de la vessie & de l’anus, par l’évacuation continuelle des urines & des excrémens, &c. L’intempérance, l’excès du vin, l’abus des liqueurs spiritueuses & des plaisirs permis par le mariage, la masturbation, la boisson du thé, les veilles, un travail assidu, un exercice trop fort, les vives & fréquentes passions d’ame sont autant de causes qui prédisposent à la paralysie. Pour preuve de ce fait, je me contenterai de faire observer le tremblement qu’éprouvent les ivrognes de profession, l’inaction & la foiblesse de ceux qui s’adonnent à la masturbation.

La paralysie dépend très-souvent de violens coups portés à la tête, des blessures du cerveau, de la compression de ce viscère, ou d’un épanchement séreux ou sanguin dans sa substance, ou dans le crâne. L’intempérie des saisons, une trop longue exposition à un air excessivement froid, la suppression des évacuations habituelles, la répercussion de quelque humeur dartreuse sur les nerfs, une frayeur subite, des hémorragies extraordinaires & portées à l’excès, des pertes habituelles, le long usage des narcotiques, les vapeurs de quelque gas, du soufre, du plomb, du mercure, lui donnent aussi naissance. Elle est quelquefois occasionnée par la présence des vers dans l’estomac & un amas de bile dans les premières voies, par la pléthore, par une abondance & sérosité dans les membranes des nerfs : enfin tout ce qui peut s’opposer au jeu du système nerveux & à la circulation de son fluide, doit être regardé comme la cause immédiate de la paralysie. On voit rarement cette maladie s’emparer tout à coup d’une personne qui paroissoit se bien porter : pour l’ordinaire, elle prélude par quelques signes avant-coureurs, tels qu’un tremblement dans certaines parties, & un engourdissement dans d’autres. Ceux qui en sont menacés, éprouvent un mal de tête opiniâtre, des vertiges, des convulsions plus ou moins fortes, un picotement & un prurit incommode à la partie qui, pour l’ordinaire, est attaquée de paralysie.

Lieutaud nous apprend que cette maladie est rarement primitive ou essentielle. Elle succède communément à l’apoplexie, à l’épilepsie & aux autres maladies convulsives, à la colique néphrétique, à la passion iliaque, à la dyssenterie, à la goutte & au rhumatisme.

Les vieillards, les hypocondriaques, les scorbutiques y sont les plus exposés : les enfans deviennent encore paralytiques par la rentrée des éruptions cutanées, & par la petite vérole mal traitée.

Buchan regarde la paralysie dans laquelle il n’y a que perte du mouvement, comme peu redoutable & bien plus facile à guérir que les autres. Il regarde celle qui a été précédée par l’apoplexie ou toute autre affection du cerveau, comme la plus rebelle. Celle qui occupe le bas-ventre & les parties inférieures, est mortelle.

La paralysie invétérée qui a réduit les parties à un degré de dessèchement & d’atrophie, ne donne aucun espoir de guérison. Les convulsions sont quelquefois la terminaison de la paralysie : elle dégénère aussi quelquefois en gangrène qui est communément précédée de l’enflure de la partie. Enfin la rechute dans cette maladie est plus à craindre que la première attaque, & rarement en a-t-on une troisième.

La fièvre peut être d’un grand secours dans la paralysie ; elle peut exciter une solution spontanée. Mais elle doit venir de bonne heure, & dans le temps où la cause déterminante existe, à moins qu’il n’y ait un état de pléthore. Elle seroit inutile, & même pernicieuse, si elle étoit tardive & lente. Elle est le plus souvent compliquée avec un état de putridité qui aggrave la maladie. On a vu plusieurs paralytiques être guéris par une fièvre vive, périodique, qui passoit tout à coup à un degré de chaleur considérable, & qui étoit suivie de sueurs abondantes.

La nature soulage encore quelquefois par des hémorragies, sur-tout par celle du nez, quelquefois aussi par la diarrhée, qui n’est avantageuse qu’autant qu’elle se fait avec un effort marqué de tenesme, & que les forces du malade ne sont point abattues. Il faut donc ne pas perdre de vue les mouvemens de la nature, de quelque espèce qu’ils puissent être ; afin de les disposer plus parfaitement à une terminaison complette. Il faut les aider s’ils sont trop foibles, & les laisser à eux-mêmes, s’ils sont suffisans ; mais il faut aussi partir de bons principes & s’étudier à bien connoître si la fièvre, ou un flux quelconque, a un caractère avantageux, & s’il faut en aider l’effort, ou lui substituer d’autres mouvemens. Pour indiquer un bon traitement de la paralysie, il faut d’abord en analyser les causes & diriger d’après cela les méthodes de traitement, qui sont en général relatives à l’état de congestion ou de fluxion bien marquée sur la tête, le cerveau & les-nerfs de la partie paralysée, & aux causes manifestes de lésion primitive directe dans la partie paralysée.

On doit saigner lorsque la cause de là congestion de la fluxion sur le cerveau & les nerfs de la partie affectée, est entretenue par la pléthore ; mais on doit employer ce moyen avec réserve, parce qu’il est contre indiqué en général par l’état nerveux. Storck a guéri des paralysies de cette même espèce par la saignée, les purgatifs salins & autres antiphlogistiques. Hoffman conseille aux sujets pituiteux, d’user d’un régime desséchant, de manger du rôti de préférence au bouilli, de boire un peu de vin, & de prendre une tisane légèrement sudorifique pour chasser le superflu des humeurs. Albinus rapporte des observations de plusieurs paralytiques qui ont été guéris par un pareil régime sec. M. Tissot a suivi la même méthode pour une femme, paralytique ; en outre il lui donna de l’oximel.

Les bains & les douches d’eaux thermales sont en général très-utiles, dans la paralysie ; mais ils ne conviennent point lorsqu’il y a indice de congestion lente à la tête. On les a vu produire de mauvais effets. Les bains & les boues peuvent, dans une paralysie récente, déterminer le cours du sang & des humeurs vers le cerveau. On les a vu causer des métastases mortelles, & rendre la paralysie complette lorsqu’elle n’étoit d’imparfaite.

La boisson de ces mêmes eaux peut encore augmenter cette congestion, & devenir très dangereuse s’il y a un transport d’humeur goutteuse. Quelquefois on dissipe par ce moyen les premières attaques de goutte, mais on augmente bientôt la maladie, & on la fait dégénérer en apoplexie qui fait périr le malade..

Si dans la paralysie d’un tempérament chaud avec congestion, on frotte avec des linimens irritans &. volatils, on aggrave les symptômes. Fuller les a vu produire la roideur & la contracture dans le membre paralysé.

L’électricité, si vantée de nos jours, ne sauroit convenir, lorsqu’il y a congestion d’humeurs à la tête. Ses effets ne font alors qu’aggraver la maladie, & produire des attaques d’apoplexie qui sont toujours funestes, On a vu des affections soporeuses, ainsi que la fièvre & l’inflammation. On a vu des personnes bien portantes, devenues paralytiques à la suite d’une apoplexie, tomber en syncope, & mourir vingt quatre heures après, pour s’être exposées aux coups foudroyans de l’électricité, dont les effets ne sont pas toujours aussi funestes.

Quant aux causes manifestés des lésion primitive directe dans la partie paralysée, il faut les combattre par des remèdes approprié. Si la paralysie dépend d’une suppression de transpiration ou d’une humeur rhumatismale, les bains & les douches des eaux thermales sont alors très-convenables. Mais ces douches peuvent être remplacées par celles d’une eau simple chargée de sel marin, comme le propose M. Leroy, ou de sel ammoniac selon Ludowic. On doit les donner au même degré de chaleur qu’on les trouve à leur source, & avec ses mêmes précautions. Mais s’il y a ácreté des humeurs avec sécheresse des solides, on se servira avec succès des eaux minérales sulphureuses, & des bains & douches d’eaux thermales salines, alcalines, naturelles ou factices.

Dans la paralysie où domine la viscosité des humeurs, l’atonie & le relâchement, le degré de chaleur des bains des eaux minérales doit être différent ainsi que leur durée. Lorsque c’est l’observation de l’empâtement qui font le vice principal, on préférera celles qui sont moins chaudes, parce qu’on aura moins à craindre du relâchement qui suit ordinairement l’usage de ces eaux.

Il est une espèce de paralysie, très-commune dans les climats chauds, qui reconnoît pour cause la suppression de transpiration, l’inhalation de la rosée, ou le morfondement ; les bains chauds en sont le principal remède, ainsi que les fomentations émollientes dans la partie contractée, dans la roideur & sécheresse d’une partie paralysée, les bains tièdes préparent à l’emploi de bien d’autres remèdes utiles, sur-tout lorsqu’on veut électriser.

On appliquera des onguens émolliens légèrement animés sur la partie paralysée lorsqu’elle sera sèche & dure, & on réservera l’usage des huileux volatils, spiritueux, quand il y aura relâchement & atonie. Boerhave veut qu’en pareil cas on applique sur la partie affectée des linges imbibés de fumée aromatique spiritueuse, & un caustique qui est suivi de douleur, d’ardeur, & d’inflammation. Il veut ensuite qu’on purge les organes digestifs avec des pilules de fagapenum, le myrrhe & d’alois, qu’on fasse prendre après cela divers sudorifiques, tels que les fantaux, le sassafras, l’esprit volatil tiré des substances animales dans l’eau de sureau, & qu’on frictionne en même-temps le malade.

On a beaucoup vanté jusqu’ici les bouillons de vipère, mais ils ne sauroient convenir que lorsque l’obstruction locale domine, qu’il y a inertie & empâtement, avec vice de digestion des humeurs. Il faut même dans ces cas en user avec réserve. Leur emploi n’est pas aussi indifférent qu’on le pense. Si on observe bien leurs effets, il ne se passe pas de jour qu’ils ne causent des vertiges, qu’ils n’augmentent la circulation, & n’entraînent des inquiétudes.

On ne connoît point de remède vraiment spécifique contre la paralysie ; on a déjà dit que la fièvre offroit un moyen de guérison ; il faut donc connoître les moyens à employer pour l’exciter & lui donner en même temps un caractère périodique intermittent, qui est le plus heureux & le plus désirable pour une bonne solution. Hoffman a reconnu l’utilité des bains froids pour exciter cette fièvre salutaire ; Mais Boerhave veut qu’on plonge le malade à plusieurs reprises dans un bain froid, afin d’exciter des frissons qui soient suivis de chaleur ; symptômes qui sont analogues à ceux des fièvres intermittentes. Il propose encore d’autres moyens, tels que des frictions avec des linges chauds au creux du jarret & des aines, de donner du vin de Canarie ou de Crète, avec un morceau de pain, lorsque l’estomac est vide, & d’y ajouter même quelquefois des aromates, des substances irritantes, telles que les feuilles de moutarde, de cochléaria, de roquette & de cresson. Lorsque ces moyens n’ont pas suffi pour exciter sa fièvre, il faut se contenter d’une légère tendance aux mouvemens fébriles qui suffira dans plusieurs cas.

Les égyptiens avoient recours aux brûlures, ils employoient sur-tout le moxa, & ils ne regardoient la paralysie incurable que lorsqu’elle avoit résisté à ce remède. L’application du feu seroit dangereuse dans les cas d’irritation, mais elle est d’une grande utilité dans l’atonie & le relâchement ; il ne faut pas l’employer dans une trop grande extinction des forces, parce que le bon effet de ce caustique semble dépendre de la durée de la douleur, & qu’il faut que le malade puisse y résister. Les vésicatoires, & les cautères ont des effets analogues ; il faut les appliquer aux parties voisines de l’origine des nerfs qui se distribuent dans la partie affectée, pourvu, toutefois, que les forces ne soient point épuisées, aussi n’est-il pas indifférent de les appliquer sur les vertèbres du col, lorsque les bras sont paralysés, & aux lombes, lorsque les extrémités inférieures sont affectées : la glace a été souvent avantageuse, par l’impression subite qu’elle produit. Il seroit quelquefois utile d’exciter une irritation superficielle. Boerhave propose pour cet effet, de frotter la partie avec un mélange de farine, d’alun de plume qui excite une rougeur, une efflorescence, & un prurit. Guarin s’est servi de cette méthode avec le plus grand succès. Si cependant ce remède causoit trop de rougeur, il faudroit pour l’amortir, frotter la partie avec du jus de citron.

Il y a une infinité d’autres remèdes auxquels on a attribué une vertu spécifique anti-paralytique. On peut dire qu’il n’en existe aucun, cependant les excitans en approchent beaucoup. Meadrecommande particulièrement les martiaux, comme remède souverain. Harris conseille la térébenthine, & autres baumes ; le castoreum, le musc, les gommes fétides, telles que l’assa-fetida, sont les excitans les plus appropriés, & qui semblent avoir plus de droit à être décorés du nom de spécifique ; on peut les combiner avec les gommes nervines, pour les fixer dans l’estomac.

Quand le bras paralytique commence à reprendre son mouvement, il est utile de lui faire soutenir des poids proportionnés aux forces qu’il recouvre. Dans les paralysies de la bouche, de l’œsophage & des autres parties voisines, il ne faut pas employer d’abord des apoflegmatiques, mais faire précéder les purgatifs & autres évacuans généraux, passer ensuite aux gargarismes simples & doux, & enfin aux plus forts, tels que le vinaigre & la moutarde. M. AMI.


Paralysie. Médecine vétérinaire. Dans cette maladie, les muscles ne peuvent point se contracter & faire mouvoir les parties auxquelles ils sont attachés. Cette immobilité n’est pas accompagnée de dureté, de tension & de sensibilité, comme dans les maladies spasmodiques, mais de relâchement, de peu de sensibilité, qui quelquefois même est entièrement abolie.

Le siège de la paralysie réside dans les nerfs qui vont aux muscles affectés, ou dans la moelle épinière, ou dans la moelle alongée, ou dans le cerveau. Tout ce qui peut interrompre l’action réciproque des nerfs propres aux muscles sur le cerveau, ou du cerveau sur les nerfs des muscles, produit cette maladie. Qu’un animal, par exemple, reçoive un violent coup sur l’épine du dos, mais avec forte commotion, aussitòt les parties postérieures du corps deviennent foibles & insensibles.

Les praticiens distinguent la paralysie en plusieurs espèces : cette distinction ne nous paroit pas être d’une grande conséquence, quant aux animaux : ces espèces ne différant les unes des autres que par la quantité des muscles affectés, & les remèdes qu’il faut employer pour les combattre étant tirés de la même classe, il suffit seulement de les administrer à une dose plus forte lorsqu’il y a un grand nombre de muscles affectés.

Causes. Les coups, les chutes, la mauvaise nourriture, la vieillesse, la pléthore, l’humidité des pâturages & des étables, le long séjour des animaux dans des écuries mal-propres, voilà quels sont les principes de la paralysie ; plus le nombre des muscles qu’elle attaquera sera grand, plus il sera difficile d’y remédier. Une expérience journalière nous apprend qu’elle est toujours incurable lorsqu’elle affecte les muscles de la moitié du corps, & qu’elle fait promptement mourir l’animal, quand elle s’empare du plus grand nombre des muscles.

Traitement. La paralysie provient-elle d’un coup à une ou à plusieurs jambes ? appliquez, sur le champ, sur la partie & sur les muscles paralysés, des étoupes imbibées d’eau-de-vie, & des cataplasmes faits de feuilles de rue & de vin. Ne saignez l’ranimal que lorsqu’il y a inflammation à la partie ; donnez deux breuvages par jour au bœuf & au cheval, d’une chopine de bon vin, & pour toute nourriture, de l’eau blanchie avec de la farine de froment & aiguisée de sel marin ; administrez des lavemens composés d’une infusion de feuilles de sauge. Si, huit à dix jours après l’usage de ce traitement, vous n’apercevez aucun changement heureux, appliquez le feu sur la partie : c’est le dernier remède à tenter.

Cette maladie dépend-elle d’un fourrage marécageux, mal-sain ? nourrissez l’animal de foin de bonne qualité, & employez les autres remèdes ci-dessus indiqués.

Le plus souvent, la paralysie provient de pléthore : dans ce cas, saignez l’animal à la veine jugulaire, réitérez même la saignée plusieurs fois, bornez-vous à l’usage de l’eau blanche nitreuse pour boisson, donnez un peu de soin, & de bonne qualité ; n’oubliez point les lavemens émolliens, aiguisés avec le sel marin, ni les bains d’eau douce & d’eaux minérales, si vous pouvez vous en procurer.

L’électricité de M. Vitet, si vantée pour les maladies paralytiques & spasmodiques, peut être employée avec succès dans cette maladie, lorsqu’elle vient de l’humidité des écuries basses, peu aérées & malsaines, si on a l’attention de proportionner la force de l’électricité à l’intensité de la maladie. Les habitans de la campagne se trouvant rarement à portée de profiter d’un pareil moyen, & n’étant pas du tout instruits sur la manière de le diriger, nous leur conseillons au contraire d’avoir recours au cautère actuel ; ce remède leur réussira à merveille, si on l’applique profondément dans les parties affectées, & sur-tout si l’on a eu soin de placer l’animal dans une écurie propre, sèche & bien aérée. M T.