Cours d’agriculture (Rozier)/PIED DE VEAU ou ARUM

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 650-651).


PIED DE VEAU ou ARUM. (Voyez Planche XX, pag. 637) Tournefort l’appelle arum vulgare, & le place dans la première section de la troisième classe des herbes à fleur d’une seule pièce irrégulière en forme d’oreille dont les fruits sont attachés au bas du pistil. Von-Linné le nomme arum maculatum, & le classe dans la gynandrie polyandrie.

Fleur ; composée d’une enveloppe ou espèce de spath intérieurement coloré ; il environne un axe autour duquel sont rangées les parties de la fructification ; la seule extrémité de l’axe paroit en dehors. B représente cet axe dépouillé de l’enveloppe afin de faire voir l’arrangement des parties sexuelles. Les fleurs C, qu’on peut regarder comme elles, sont disposées en forme d’anneau, au bas du sommet de l’axe, lequel ressemble assez à un pilon. Les étamines D, qui sont ordinairement au nombre de soixante, sont rangées dans la même disposition, & sont séparées des ovaires par des filets ; ces étamines sont ordinairement réunies deux à deux par leurs filets, quoique les anthères soient distinctes, comme on le voit dans la figure E. On voit de face une de ces anthères en F ; elles sont à quatre parties. Les ovaires sont ranges en anneaux comme les étamines, & placés au-dessous d’elles ; ils sont ordinairement au nombre de cinquante. Chacun d’eux G, est composé d’un embryon ovoïde qui ne laisse point appercevoir de stile, & oui est terminé par un stigmate rond.

Fruit, Baie I, partagée en plusieurs lobes réunis, formant une seule loge dans laquelle sont renfermées les deux ou trois graines K. L’axe est représenté en H, dans son état de maturité, & dépouillé d’une partie de les fruits, pour laisser voir leur arrangement.

Fruits ; longues de neuf a dix pouces, triangulaires, en forme de fer de flèche, entières, luisantes, souvent tachetées. La présence ou l’absence de ces taches ne constitue qu’une variété.

Racine A ; tubéreuse, charnue, arrondie, remplie d’un suc laiteux.

Port. La tige part du centre dm tubercule, & s’élève quelquefois à la hauteur d’un pied ; elle est cylindrique, cannelée, portant à son sommet une seule fleur ; les feuilles partent des racines, embrassent par le bas la tige en manière de gaine.

Lieu ; les bords des haies, des bois, les balmes ombragées ; la plante est vivace & fleurit en mai.

Propriétés. Toute la plante a une saveur âcre, brûle la langue ; la racine on tubercule est échauffante, incisive, détersive & corrosive lorsqu’elle est fraîche. Elle purge avec violence, enflamme l’estomac & les intestins. Elle doit être considérée comme substance vénéneuse ; desséchée, elle n’a presque plus de causticité : elle purge avec force, donne des coliques plus ou moins vives sans causer d’accidens funestes, à moins qu’elle ne soit administrée à forte dose. La fécule du pied de veau non lavée purge avec beaucoup moins d’activité que la racine desséchée. Les feuilles infusées dans du vin, & les racines macérées dans du vinaigre, sont anti-scorbutiques. Si on mâche des racines fraîches, elles excitent une salivation douloureuse & des plus abondantes ; mais elle cesse sur le champ, ainsi que la douleur, si on se gargarise la bouche avec du vinaigre. Le vinaigre ne seroit-il pas le remède le mieux appliqué lorsque l’estomac se trouve irrité par la présence d’une trop forte dose de cette racine ?

La qualité âcre, purgative, vénéneuse de cette plante, tient uniquement a l’eau de végétation qu’elle renferme : on a vu plus haut, que la racine desséchée devient beaucoup moins purgative ; mais si, au moyen de la rape ou d’un moulin, on sépare la fécule, comme il sera dit à l’article pomme de terre ; cette fécule devient aussi saine, aussi nourrissante que celles de pomme de terre & de cassave. (Consultez ces mots) Quand une fois cette plante s’est emparée d’un endroit, qu’elle y a fleuri, elle s’y multiplie au point qu’il est difficile de la détruire, ainsi elle peut donc être une ressource précieuse dans un cas de disette, ainsi que l’a très-bien fait observer le patriote M. Parmentier dans ses Recherches sur les végétaux nourrissans. On a proposé de soumettre le pied de veau à une culture réglée ; c’est-à-dire de le semer comme le froment, le seigle, &c ; mais l’auteur n’a pas assez fait attention que le tubercule de cette plante ne parvient à une bonne consistance, qu’après la troisième année ; qu’elle aime les lieux ombragés, non pas tant à cause de l’ombre qu’ils lui procurent, que parce que chaque, année la chute des feuilles ajoute à la couche de terreau par leur décomposition, & que cette plante enfin ne prospère réellement bien que dans une semblable terre préparée par les mains de la nature. La lecture de l’ouvrage de cet auteur m’a engagé à suivre de plus près la végétation du pied de veau, & ce que je viens de dire est en peu de mots le résultat des expériences que j’ai faites ; j’ajouterai seulement que l’arum qui a végété dans un terrain sablonneux & exposé, comme nos champs, à toute l’activité du soleil, est moins âcre, moins caustique, moins purgatif ; mais que son tubercule est bien moins nourri.