Cours d’agriculture (Rozier)/SYSTÈME DE BOTANIQUE

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 315-330).


SYSTÈME DE BOTANIQUE. On appelle systême, la réunion de plusieurs principes, & des conséquences qu’on en tire, d’après lesquels on établit une doctrine. Cet article est purement accéssoire à notre ouvrage, mais un accessoire nécessaire, parce que tout agriculteur doit être botaniste ; c’est-à-dire, connoître à fond la physique-botanique, ou autrement dit, celle de la végétation des plantes ; savoir parfaitement connoître celles dont il a besoin ; les distinguer, sans erreur, de celles qui lui sont inutiles ; enfin, spécifier toutes les parties qui concourent dans l’ensemble de tel ou tel végétal. Il est inutile que le cultivateur porte les regards sur plus de trois mille plante déja classées par les botanistes, sans parler de celles dont de nouvelles observations, de nouveaux voyages enrichissent chaque jour la botanique. Toute plante qui n’est pas pour lui, utile ou agréable, n’est pas dans le cas de mériter sa sollicitude. Le reste est le travail de l’homme qui se livre tout entier à l’étude de la botanique. Cette science, comme toutes les autres, a sa nomenclature particulière. & elle doit être familière au cultivateur, parce que la confusion des mots adoptés mal-à-propos & sans principes, le mettroit souvent dans le cas de se tromper. Voici la méthode que e lui conseille d’adopter. Par exemple, choisir dans ses champs, dans ses jardins, 4 ou 5 plantes des plus communes, & dont le nom propre est bien déterminé.

Il ira sur les lieux lorsqu’elles seront bien fleuries. Alors il suivra mot à mot la description que nous en avons donnée. Pour avoir une idée précise de la valeur de chaque mot technique il le cherchera à l’article qui lui est propre, & il en fera l’application à la partie de la plante qu’il désigne & définit. Tous les mots distingués par des lettres italiques demandent à être consultés. Combien cette étude ne lui fera-t-elle pas passer de momens agréables ! Combien le grand tableau de la nature lui paroîtra riche & varié ! Cette étude ne sera pas de simple agrément, elle le conduira insensiblement à la connoissance des plantes utiles à sa santé, à celle de les animaux, & sur-tout à les distinguer des végétaux vénéneux, que la confusion de mots ou que la ressemblance sont souvent prendre pour des plantes salutaires. En médecine, il n’existe point de petites erreurs. Mais pour parvenir à des idées nettes, il faut avoir recours à une méthode qui facilite les recherches, & qui, semblable au fil d’Arianne, aide à sortir du labyrinthe où jeteroit nécessairement la multiplicité des plantes qui couvrent notre globe.

Nos anciens auteurs agricoles avoient classé les plantes, en printanières, en estivales, en automnales, en hivernales ; d’autres, en potagères, farineuses, succulentes. Toutes ces divisions supposent des connoissances déjà acquises, ainsi que celles en arbres, arbrisseaux, sous-arbrisseaux, plantes vivaces, biennes & annuelles. Toutes ces divisions sont vagues & incertaines, & elles portent tout au plus avec elles des idées générales, mais aucune idée fixe sur telle ou telle plante en particulier. Plusieurs auteurs ont senti le vide de ces divisions ; ils se sont attachés à rassembler les plantes par familles naturelles ; par exemple, toutes les légumineuses, les graminées, les fleurs disposées en ombelle, les fleurs en croix, en lys, à chaton, a deux lèvres, &c. De cette première idée prise dans la nature même des choses, on est parvenu, 1°. à former les classes ou familles ; 2°. les ordres ou sections ; 3° les genres ; 4°. les espèces ; 5°. les variétés ; 6°. l’individu. De ces divisions est résulté ce qu’on appelle systême ou méthode.

Le. classes ou familles, qu’une méthode, forment les premières divisions : celles qui se tirent du caractère général qu’on a adopte pour la première distinction.

L’ordre ou section subdivise chaque classe, en considérant un caractère moins apparent, mais aussi général que celui qui constitue la classe : L’ordre est en quelque sorte une classe subalterne.

Le genre subdivise l’ordre, en considérant dans les plantes, indépendamment du caractère particulier de l’ordre, des rapports constans dans leurs parties essentielles : rapports qui rapprochent un certain nombre d’espèces.

L’espèce subdivise le genre mais, la considération des parties moins essentielles, qui dinstnguent correctement les plantes qui y sont comprises.

La variété subdivise les espèces suivant les différences uniquement accidentelles, qui se trouvent entre les individus de chaque espèce.

L’individu est donc l’être ou la plante qui arrête nos yeux, considérée seule, isolée, indépendamment de son espèce, de son genre & de sa classe.

Cette idée générale des divisions deviendra plus claire, par l’application qu’on en fera à des méthodes particulières. Pour la rendre plus sensible dès-à-présent, empruntons l’ingénieuse comparaison de Caesalpin. Au moyen de ces distinctions, le règne végétal se trouve divis comme un grand corps de troupes. L’armée est divisée en régimens, les régimens en bataillons ; les bataillons en compagnies, les compagnies en pelotons, les pilotons en soldats.

Une pareille méthode ne conduit pas à connoître la plante qu’on étudie pour la première fois. Supposons dix mille plantes connues ; je cherche d’abord, dans la plante que j’ai sous les yeux, le caractère général qui sert à distinguer chacune des vingt-quatre classes, que je suppose former le systême. Ce premier caractère trouvé, je n’ai plus à reconnoître ma plante que sur cinq cens. Le caractère de l’ordre réduira bientôt ce nombre à une centaine de plantes environ ; celui du genre à une vingtaine ; le caractère alors, & me fait distinguer l’aspect que j’examine & la variété qui n’en diffère qu’accidentellement.

Cette opération présente, comme l’observe M. Duhamel, dans sa Physique des Arbres, autant de facilité & à près la même marche qu’un dictionnaire, ou pour trouver le mot donne, on cherche successivement la première, la seconde, la troisième mot Pour trouver Arbre, par exemple, on cherche l’A après l’A, l’R., & successivement le l’B, l’R & l’E. Le premier A représente le caractère de la classe ; l’R celui de l’ordre, le B celui du genre, l’R de l’espèce, l’E, de la variété & la méthode, ainsi que le dictionnaire en donne la description particulière.

Il est inutile de donner ici la description des méthodes ou systèmes inventés jusqu’à ce jour, contentons-nous d’indiquer celle de Tournefort & de Linné. Tournefort fonde sa méthode sur la forme de la corolle & sur le fruit ; Von Linné, sur les parties sexuelles des plantes. On peut dire que les deux systêmes sont fondés sur les mêmes principes, puisqu’ils sont tirés en général des parties de la fructification, c’est-à-dire, des parties qui concourent à la formation de la graine, unique fin de la nature végétant.

Les plantes se ressemblent ou diffèrent entr’elles, & on appelle caractère, ce point qui détermine leur ressemblance ou dissemblance. On compte 4 espèces de caractères ; 1". le factice ou artificiel, qui se tire d’un signe de convention ; par exemple, la forme des fleurs, le nombre des étamines ; 2°. l’essentiel remarquable, & si approprié aux plantes qui le porte, qu’il ne convient à aucun autre ; par exemple, le nectar des ellébores, de la fleur de la passion, &c. Ce caractère distingue essentiellement les genres, dans tous les ordres, & distingue essentiellement aussi tous les genres du même ordre, les uns des autres. 3°. Le naturel se tire de tous les signes que peuvent fournir les plantes. & comprend par conséquent le factice & l’essentiel ; on s’en sert pour distinguer les classes, les genres & les espèces. 5°. Le caractère habituel ou facies propria. Il consiste dans la formation générale d’une plante, considérée suivant le résultat & l’ensemble de toutes ses parties, dans leur position, dans leur accroissement, dans leurs grandeurs respectives, & tous autres rapports qui les rapprochent ou les différencient entr’elles. On peut le comparer à la physionomie, qui résulte de toutes les modifications des traits du visage. C’est par ce caractère habituel, que l’homme le moins accoutume à considérer les plantes, distingue, au premier coup-d’œil, le marronner d’Inde du pêcher, tandis qu’il peut se tromper entre le pêcher &l’amendier.


Base de la méthode de Tournefort.

Il prend en général la fleur, pour déterminer la classe ; le fruit, pour subdiviser les classes en sections ; toutes les parties de la fructification, pour établir les genres, & lors qu’elles ne suffisent pas, il prend d’autres parties de la plante, ou même leurs qualités particulières. Il distingue enfin les espèces par la considération de tout ce qui n’appartient pas à la fructification, tiges, feuilles, racines, saveur, couleur, odeur, &c.

Il établit deux grandes divisions générales, les herbes & les arbres. De cette première distinction, résulte dix-sept classes pour les herbes & sous-arbrisseaux ; cinq pour les arbres & arbustes. La distinction particulière de chaque classe est tirée de la corolle, en considérant, 1°. sa présence ou son absence ; 2°. sa disposition, simple ou composée 3°. le nombre des pétales qui la constituent d’une ou de plusieurs pièces ; 4°. la figure des pétales, qui est régulière ou irrégulière.

Le> fleurs d’une seule pièce régulière forment les deux premières classes, les irrégulières la troisième & la quatrième.

Les fleurs à plusieurs pièces régulières forment les cinq, six, sept, huit, & neuvième classes ; les irrégulières la dixième & onzième.

Les fleurs composées donnent la douzième, treizième & quatorzième classes.

Les fleurs, sans pétales, autrement dites apétales, la quinzième, la seizième & la dix-septième.

Les classes des arbres & arbustes sont divisées sur les mêmes principes, mais dans un ordre inverse à celui des arbres. Les fleurs sans pétales forment la dix-huitième classe ; les sans pétales & à chatons, la dix-neuvième ; les fleurs à une seule pièce, la vingtième ; celles en rose ou à plusieurs pièces régulières, la vingt-unième ; enfin, à plusieurs pièces irrégulières en papillon, la vingt-deuxième.

Le tableau ci-joint présente toutes les divisions & l’ensemble de la méthode de Tournefort.

Classes Exemples
simples d’une seule pièce Régulières En cloche 1 Le liseron, ou campanule.
Entonnoir 2 Le tabac.
Irrégulières Personnées 3 Pied-de-veau. La digitale.
Labiés 4 La sauge. La menthe.
Régulières En croix 5 Le chou. La rave.
En rose 6 La rose. Le pavot.
de plusieurs pièces En ombelle 7 Le persil. Le fenouil.
En œillet 8 L’œillet. La statice.
Avec des pétales En lys 9 Le lys. L’oignon.
Irrégulières En papillon 10 Le pois. La fève.
Anomales 11 La violette. Pied d’alouette.
à fleurons 12 L’artichaut. Le chardon.
herbes composées à demi-fleurons 13 Dent de lion. Scorfonère.
radiées 14 Le souci. La marguerite.
à étamines 15 La poirée. L’oseille.
Fleurs sans pétales sans fleurs 16 Fougère. Capillaire.
sans fleurs ni fruits 17 Perce-mousse.
sans pétales sans pétales 18 Le frêne. Le buis.
arbres à chatons 19 Le noyer. Le noisetier.
d’une seule pièce d’une seule pièce 20 Troêne. Jasmin.
avec pétales Régulière en rose 21 La ronce. La vigne.
Irrégulière en papillon 22 L’acacia. Le genêt.

Si on prend la peine de lire l’article fleur, & consulter les planches X & XI, pages 652 & 656 du tome IV, on trouvera la plus grande partie de ces fleurs représentées.

D’ailleurs les gravures qui accompagnent la description de presque toutes les plantes dont on parle dans cet ouvrage, sont autant de moyens qui facilitent l’intelligence de la méthode de Tournefort. Enfin, chaque terme botanique est décrit à sa place & sous son nom propre.


Principes sur lesquels Tournefort a établi les sections de sa méthode.

Après avoir tiré de la corolle les distinctions générales des classes, il établît celle ces sections, principalement sur le fruit.

1°. Sur l’origine du fruit. Quelquefois le pistil devient le fruit, (les fleurs en croix) quelquefois c’est le calice (Les fleurs en ombelle). Consultez les mots écrits en lettre italiques.

2°. Sur la situation du fruit & de la fleur. Dans les fleurs dont le pistil devient le fruit, la fleur & le fruit portent sur le réceptacle (le tabac) Dans celles, au contraire, dont le calice devient le fruit, le réceptacle de la fleur est sur le fruit, & l’extrémité du pédicule, auquel le-fruit est attaché, devient son réceptacle (la garance).

3. Sur la substance, la consistance & la grosseur du fruit. Il est des fruits mous (le sceau de Salomon) ; il en est de secs (la gentiane) ; d’autres sont charnus (la pomme de merveille) ; d’autres pulpeux, renfermant des semences osseuses (le prunier, le pêcher) ; les uns sont gros (le melon, la courge) ; les autres petits (la morelle).

4. Sur le nombre des cavités. On a distingué les capsules à une seule loge (la prime vere) ; celles à plusieurs loge, (le nimphœa) ; les fruits À deux capsules (l’apocin) ; à trois capsules (le pied d’alouette).

5°. Sur le nombre, la forme, la disposition & l’usage des semences. Le nombre des semences varie dans les fruist ; il en est qui n’en ont qu’une (la statice) ; d’autres deux (les ombellifères) ; d’autres quatre (les fleurs en lèvres).

Quant à la forme, on en trouve de rondes, d’ovales, de plates, de rabotteuseuses, &c. Les unes sont aigrettées, c’est-à-dire ornées d’une aigrette (la conise) ; les autres sans aigrettes (la chicorée) d’autres ont un chapiteau de feuilles (le soleil) ; d’autres enfin, sont disposées en épis, & quelques-unes sont propres à fzire du pain.

6°. Sur la disposition des fruits & des fleurs. Les fruits sont quelquefois séparés des fleurs, sur un même pied, c’est-à-dire, sur la même plante (le noyer, le melon) ; quelquefois le fruit & les fleurs sont placés sur des pieds différens (le saule, le chanvre).

7°. Sur la figure & la disposition de la corolle. Lorsque les signes précédens ne paroissent pas suffire à distinguer les sections, l’auteur y emploie la figure de la corolle, considérée par des caractères différens de ceux qui lui ont servi à distinguer les classes. Parmi les fleurs en entonnoir, qui composent la seconde classe, les unes sont en forme de rosette (la prime vère) ; les autres en forme de soucoupe (le plantain), en forme de de roue (la corneille, la véronique).

Parmi les fleurs d’une seule pièce irrégulière, qui composent la troisième classe, les unes ont un capuchon (le pied de veau) ; les autres se terminent en langue (l’aristoloche) ; d’autres en anneau (l’achanthe).

Parmi les fleurs en lèvres de la classe quatre, quelquefois la lèvre supérieure ressemble à un casque ou une faulx (l’ormis) ; quelquefois elle est creusée en cuillier (la menthe) ; quelquefois elle est droite (la mélisse) ; quelquefois il n’y en a qu’une (la germandrée).

Parmi les composées, classe 12, les fleurons sont réguliers. (le chardon) ; irréguliers (la scabieuse) ; ramassés en bouquets (lu grande centaurée) en boule (la boulette ou échinops).

8°. Sur la disposition des feuilles. L’auteur ne considère ici les feuilles que dans les herbes & dans les arbres à fleurs, en papillon, classe dix & vingt-deux ; il en est qui ont trois folioles sur le même pétiole (le trèfle) ; d’autres ont leurs folioles opposées sur une côte commune (le baguenaudierJ ; d’autres les ont alternatives ou rangées circulairement autour de la tige (le genêt).

Ces huit observations ajoutées aux principes généraux établis sur le fruit, ont fourni à l’auteur cent vingt-deux divisions qui subdivisent ses vingt-deux classes ; mais les mêmes observations sont souvent admises à la division de plusieurs classes.


Des Genres.

Les sections sont composées de la réunion de plusieurs genres. Le genre est lui-même l’assemblage de plusieurs espèces, c’est-à-dire, de plusieurs plantes qui ont des rapports communs dans leurs parties les plus essentielles. On peut donc comparer le genre à une famille dont tous les parens portent le même nom, quoiqu’ils soient distingués chacun en particulier par un nom spécifique. (La rose de Hollande, de Damas, de Provins, de Dijon, de tous les mois, ponceau, blanche).

Ainsi l’établissement des genres simplifie la botanique, en restreignant le nombre des noms, & en rassemblant, sous une seule dénomination qu’on nomme générique plusieurs plantes qui, quoique différentes, ont entre elles des rapports constans dans leurs parties essentielles ; on les appelle plantes congénères.

Tournefort établit pour principe que la comparaison & la structure particulière de toutes ces mêmes parties, doivent constituer les genres ; mais il ajoute que lorsque cette considération paroit insuffisante, on peut y employer aussi les autres parties… Il résulte de ce principe, que l’auteur établit deux sortes de genres, les uns du premier ordre, & les autres du second.

Les genres du premier ordre sont ceux que la nature paroît elle-même avoir institués & distingués déterminément par les fleurs & par les fruits ; telles sont les violettes, les renoncules, les roses, &c. Les genres du second ordre sont ceux pour la distinction desquels il faut recourir à des parties différentes des fleurs & des fruits.


SYSTÈME SEXUEL DE LINNÉ.

Il porte essentiellement sur les parties de la fructification, considérées comme parties de la génération, & en particulier sur les étamines qui sont les parties mâles, & sur les pistils qui sont les parties femelles.

Principes. Cette méthode divise les plantes comme celle de Tournefort. 1°. En classes. 2°. En ordres qui répondent aux sections. En genres.

Les classes se divisent en considérant les étamines seules, ainsi qu’il suit :

1.° leur apparence ou occultation Les organes de la fécondation ou génération des plantes, sont visibles ou peu apparens à nos yeux.
2°. Leur union ou séparation. Parmi les plantes où ces organes sont apparens, les unes contiennent dans une même fleur, les deux sexes ; c’est-à-dire, des étamines & des pistils, & sont nommés hermaphrodites : les autres n’ont qu’un sexe, & sont nommées mâles, quand elles n’ont que des étamines ;… femelles, quand elles n’ont que des pistils.
3°. Leur situtation.. Les plantes qui n’ont que les organes d’un sexe, portent leurs fleurs mâles ou femelles, ou sur le même pied, ou sur des pieds différens, ou indifféremment, tantôt les mâles sur des pieds différens des femelles, tantôt sur le même.
4°. Leur insertion. Les étamines sont ordinairement attachées au réceptacle ; quelquefois cependant elles s’insèrent dans le calice.
5°. Leur réunion. Quelquefois les étamines sont totalement séparées les unes des autres ; d’autres sont liées par quelques-unes de leurs parties, & réunies de cinq manières ; ou en un seul corps… ou en deux… ou en plusieurs… ou en forme de cylindre… ou liées au pistil.
6°. Leur proportion. Les étamines sont toutes de la même hauteur, sans avoir entre elles aucune proportion de grandeur répétitive ;… ou bien elles sont d’une inégale grandeur déterminée, de sorte qu’alors il s’en trouve deux toujours plus petites, les plus grandes étant quelquefois au nombre de deux, quelquefois au nombre ce quatre.
7°. leur nombre. Le nombre des étamines varie dans les fleurs, soit mâles, soit hermaphrodites.


Ces sept observations fournissent les caractères de vingt-quatre classes.

Les treize premières sont divisées par le nombre des étamines uniquement, à l’exception de la douzième & treizième, qui le sont par leur insertion.

La quatorzième & quinzième par leurs proportions respectives.

La seizième, dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième & vingtième, par leur réunion en quelques parties.

La vingt-unième, vingt-deuxième & vingt-troisième, par leur union avec le pistil, ou leur séparation d’avec lui.

la vingt-quatrième, par l’absence ou le peu d’apparence des étamines.

Chaque classe porte un nom tiré d’un mot grec qui renferme son principal caractère.

Avant d’entrer dans la description des classes, & afin de saisir avec plus de facilité les différences des unes aux autres, il convient de désigner en peu de mots les parties qui concourent à la fructification. La figure 25 de la planche XII représente une fleur complète, mais dépouillée de ses pétales. A, le calice ou périanthe ; B, le germe & la partie qui enveloppe le péricarpe, le pistil ou partie femelle ; C, le style ; D, le stigmate… parties mâles ; E, le filament ; G, l’anthère, au moment qu’il lance sa poussière fécondante, ou étamine ; F, l’anthère avant son épanouissement.

CLASSES. Les treize premières classes comprennent les fleurs visibles, hermaphrodites, dont les étamines ne sont réunies par aucune de leurs parties, & n’observent entre elles aucune proportion de grandeur ; on les divise par le nombre des étamines.


Caractères des classes Classe I. Une étamine.
Le baliste
Monandrie,
Un mari
Planche XII[1] fig. 1.
Classe II. Deux étamines.
Le jasmin.
Diandrie
Deux maris.
fig. 2.
Classe III. Trois étamines.
Le froment.
Triandrie,
Trois maris.
fig. 3.
Classe IV. Quatre étamines.
La garence.
Tétrandrie
Quatre maris.
fig. 4.
Classe V. Cinq étamines.
La carrotte
Pomme de terre.
Pentendrie
Cinq maris.
fig. 5.
Du nombre des étamines Classe VI. Six étamines.
Les lys.
Hexandrie
Six maris.
fig. 6.
Classe VIII. Sept étamines.
Le marron d’Inde.
Heptandrie
Sept maris.
fig. 7.
Classe IX. Huit étamines.
La persicaire..
Octandrie
Huit maris.
fig. 8.
Classe X. Neuf étamines.
La capucine.
Innéandrie
Neuf maris.
fig. 9.
Classe XI. Dix étamines.
Les œillets.
Décandrie
Dix maris.
fig. 10.
Classe XII. Douze étamines.
L’aigremoine.
Dodécandrie
Douze maris.
fig. 11.

La douzième & la treizième classes, indépendamment du nombre, considèrent l’insertion des étamines ; elles tiennent au calice ou n’y tiennent pas.

De leur nombre, & de leur insertion. Classe XII. Un vingtaine d’étamines attachées au calice.
La rose.
Icosandrie
Vingt maris.
fig. 12.
Classe XIII. Depuis vingt jusqu’à cent étamines qui ne tiennent pas au calice.
Le pavot.
Polyandrie
Plusieurs.
fig. 13.

La quatorzième & la quinzième classe renferment les fleurs visibles, hermaphrodites, dont les étamines ne sont réunis par aucune de leurs parties ; mais dont la longueur est inégale, de sorte qu’il y en a d’une plus petite que les autres.

De leur proportions. Classe XIV. Quatre étamines, deux petites & deux grands.
Les fleurs en lèvres. La lavande.
Didynamie
Deux puissances.
fig. 14.
Classe XV. Six étamines, deux petites opposées l’une à l’autre ; quatre plus grandes.
Les fleurs en croix. Chou.
Tétradynamie
Quatre puissances.
fig. 15.

Dans la seizième jusqu’à la vingtième inclusivement, sont comprises les fleurs visibles, hermaphrodites, ont les étamines à-peu-près égales en hauteur sont réunies par quelques-unes de leurs parties

De la réunion de quelques parties. Classe XVI. Plusieurs étamines réunies par leurs filets en un corps.
Les mauves.
Monadelphie.
fig. 16.
Classe XVII. Plusieurs étamines réunies par leurs filets en deux corps.
Les pois.
Diadelphie.
Deux frères.
fig. 17.
Classe XVIII. Plusieurs étamines réunies par leurs filets, en trois ou plusieurs corps.
Le millepertuis.
Polyadelhpie
Plusieurs.
fig. 18.
Classe XIX. Plusieurs étamines réunies en forme de cylindre, par les anthères ou sommets, rarement par les filets.
Artichaux, reine Marguerite
Syngénésie
Ensemble, génération.
fig. 19.
Classe XX. Plusieurs étamines réunies attachées au pistil, sans adhérer au réceptacle.
Les orchis.
Cynadrie
fig. 20.

La vingt-unième, vingt-deuxième & vingt-troisième classes renferment les plantes, dont les fleurs visibles ne sont point hermaphrodites, & n’ont qu’un sexe, mâle ou femelle, c’est-à-dire, des étamines ou des pistils séparés dans différentes fleurs.

De la réunion de quelques parties. Classe XXI. Les fleurs mâles & femelles séparées sur un même individu.
Le noyer. Le melon.
Monoécie,
Dans une même maison
fig. 21.
Classe XXII. Fleurs mâles & femelles séparées sur différens individus.
Le chanvre. Le pistachier.
Doécie.
Dans deux maisons.
fig. 22.
Classe XXIII. Fleurs mâles & femelles, sur un ou plusieurs individus qui portent aussi des fleurs hermaphrodites.
La Pariétaire.
Polygamie.
Plusieurs noces.
fig. 23.

La vingt-quatrième classe comprend les plantes où l’on ne distingue que difficilement, ou point du tout, les étamines, celles dont la fructification est cachée, difficile à appercevoir, ou peu connue.

De la réunion de quelques parties. Classe XXIV. Fleurs renfermées dans le fruit, ou presqu’invisibles.
Les fougères, mousses.
Chryptogamie.
Noces cachées.
fig. 24.

Pour résumer, sous un point de vue, les caractères classiques du systême sexuel, il suffit de présentée le tableau que l’Auteur en a formé.

Fleurs Clef du systême sexuel,
ou
Noces de plantes
visibles ;
hermaphrodites ;
les étamines n’étant pas unies par aucune de leurs parties ;
toujours égales, ou sans proportions respectives ;
au nombre Classes.
d’une 1 Monarchie
de deux 2 Diandrie
de trois 3 Triandrie
de quatre 4 Tétrandie
de cinq 5 Pentandrie
de six 6 Hexandrie
de sept 7 Heptandrie
de huit 8 Octandrie
de neuf 9 Enéandrie
de dix 10 Decandrie
de douze 11 Dodécandrie
Plus souvent vingt adhérentes au calice 12 Isocandrie
Plusieurs, jusqu’à cent, n’adhèrent pas au calice 13 Polyandrie
inégales, deux toujours plus courtes
De quatre tantôt deux filets plus longs 14 Didynamie.
de cinq tantôt quatre plus longs 15 Tétradynamie.
unies par quelques-unes de leurs parties
par les filets unis en un corps 16 Monadelphie
unis en deux corps 17 Diadelphie
unis en plusieurs corps 18 Polyadelphie
par les anthères en forme de cylindre 19 Syngénésie
étamines unis & attachés au pistil 20 Gynadrie
Les étamines et les pistils dans des fleurs différentes.
sur un même pied 21 Monécie
sur des pieds différens 22 Dioécie
sur différens pieds & sur le même avec des fleurs hermaphrodites 23 Polygamie
À peine visible, et qu’on ne peut décrire distinctement. 24 Cryptogamie.


ORDRES.

Les ordres sont dans le système sexuel, la première subdivision des classes, comme les sections dans la méthode de Tournefort.

Principes sur lesquels sont fondés les ordres.

1°. Le système sexuel portant en général sur la considération des parties de la génération des plantes ; les ordres sont établis sur les parties femelles qui sont les pistils, comme les classes sur les parties mâles qui sont les étamines. Cette règle reçoit cependant quelques exceptions, comme on va le voir.

2°. Ainsi que les étamines, les pistils varient en nombre dans les fleurs qui en sont pourvues, c’est-à dire, dans les fleurs hermaphrodites & dans les femelles.

3°. Le nombre des pistils se prend à la base du style & non à son extrémité supérieure, nommée stigmate, qui se trouve quelquefois divisée, sans qu’on puisse compter plusieurs pistils. Lorsqu’ils sont dénués de style, comme dans les gentianes, leur nombre se compte par celui des stigmates, qui, en ce cas, sont adhérens au germe.

Sur ces principes sont fondées les distinctions des ordres. L’auteur emprunte leurs noms du grec, comme ceux des classes ; & ce nom est toujours l’expression du caractère de l’ordre auquel il est donné.

Il est inutile d’observer que le même caractère peut être employé à déterminer les ordres de plusieurs classes. Le système seroit parfait en ce point, si on pouvoit y employer un caractère unique.


Division générale par le nombre des pistils.

Le caractère le plus général des ordres se tire du nombre des pistils. Ainsi le premier ordre d’une classe comprend des fleurs qui n’ont qu’un pistil.

Il se nomme

Monogynie,
une femelle.
Le second ordre comprend les fleurs qui ont deux pistils Digynie,
deux femelles.
Le troisième, les fleurs qui ont trois pistils Trigynie,
trois femelles.
Le quatrième, les fleurs qui ont quatre pistils Tétracysie,
quatre femelles.
Le cinquième, les fleurs qui ont cinq pistils Pentagynie,
cinq femelles.
Le sixième, les fleurs qui ont six pistils Hexagynie,
six femelles.
Enfin l’ordre des sieurs qui ont un nombre de pistils indéterminés, se nomme Poligynie.

C’est ainsi que sont subdivisées les treize premières classes. Une plante, dont la fleur n’a qu’une étamine & un pistil, est de la Monandrie-Monogynie. Si elle a deux pistils, de la Monandrie-Dygynie ; trois, Trigynie, &c.

Divisions particulières par la fruit.

Maïs la quatorzième classe, la Didynamie, se subdivise en deux ordres, dont la distinction est tirée de la disposition des graines.

1°. Quatre graines nues, à découvert au fond du calice, par exemple, les fleurs en livrée.

Cet ordre est nommé

Gymno-Spermie
nue-semence.

2°. Graines renfermées dans un péricarpe

    Les fleurs personnées.

Angio-Spermie,
vase-smence

La quinzième classe, Tétradymie, se divise en deux ordres.

Leur caractère est tiré de la figure du péricarpe qui, dans les plantes de cette classe, se nomme silique.

1°. Le péricarpe presque arrondi, garni d’un style à-peu-près de sa longueur, constitue le premier ordre.

    Le cresson

Les siliculeuse, ou à petites siliques.

2°. Le péricarpe très-alongé, avec un style court, confirme le second ordre.

    Les giroflées.

Les siliqueuses à siliques


Par les caractères classiques.

Les classes suivantes depuis la seizième jusqu’à la vingt-troisième, inclusivement (à l’exception de la dix-neuvième, la syngénésie) tirent la distinction de leurs ordres des caractères classiques de toutes les classes qui les précèdent.

Par exemple ; la monadelphie, seizième classe, qui comprend les fleurs dont les étamines sont réunies par leurs filets, en un seul corps, se subdivisent en trois ordre qui prennent le nom de pentandrie, décandrie, polyandrie ; les fleurs de la monadelphie-pentandrie, sont celles qui ont cinq étamines réunies par leurs filets en un seul corps ; les fleurs de la monadelphie-décandrie, sont celles qui ont dix étamines ainsi réunies ; celle de la monadelphie-polyandrie en ont plusieurs.

De même la vingt-troisième classe (la monoécie) se divise en monoécie-monoandrie, diandrie, monadelphie, syngénésie, gynandrie, parce que la monoécie dont le caractère est d’avoir les fleurs mâles séparées des fleurs femelles sur un même pied, comprend des fleurs qui ont quelque fois une étamine, quelquefois deux, ec qui les range dans le monoécie-monadrie, ou diandrie, &c. ou leurs étamines sont réunies par plusieurs filets, en un seul corps, ce qui constitue la manoécie monadelphie ; ou bien en forme de cylindre par leurs enthères, ce qui fait la monécie-syngénésie ; ou bien encore, les étamines s’insèrent dans le lieu que le pistil occuperoit, si la fleur étoit hermphrodite, ce qui établit la gynandrie, & forme la monécie-gynadrie : il est de même de la dioécie.


Ordre de la Syngénésie.

Les ordres de la syngénésie (dix-neuvième classe) sont plus composés & leurs caractères plus difficiles à saisir. Cette classe rassemble les fleurs formées de l’agrégation de plusieurs petites fleurs, caractère général nommé me polygamie ou plusieurs noces dans la même maison ; elle se subdivise de cinq manières.

1°. En polygamie égale : cet ordre comprend les fleurons qui sont hermaphrodites, tant dans le disque que dans la circonférence de la fleur (la laitue).

2°. En polygamie superflue : cet ordre comprend les fleurs dont les fleurons du disque sont hermaphrodites, & ceux de la circonférence femelle ; les radiées & plusieurs flosculeuses (le séneçon, l’œillet d’Inde).

3*. En polygamie fausse, les fleurons hermaphrodites dans le disque, & neutres ou stériles dans la circonférence (le tournesol).

4°. En polygamie nécessaire, les fleurons du disque mâle & ceux de la circonférence femelle (le souci).

5°. En monogamie, les fleurs, qui sans être composées de fleurons, ont leurs étamines réunies en cylindre par leurs anthères (la violette).

Enfin la vingt-quatrième clasfe ou cryptogamie ne pouvant fournir des divisions tirées des parties de la fructification, qui y sont trop peu apparentes, est partagée en quatre ordres ou familles faciles à discerner ; 1°. les fougères ; 2° les mousses ; 3°. les algues ; 4°. les champignons.


LES GENRES.

Les ordres, après avoir divisé les classes, sont eux-mêmes subdivisés en genres que nous avons comparés à des familles composées de tous les parens du même nom, & qui doivent être distingués par des caractères plus multipliés, plus rapprochés que ceux des classes & des ordres. Linné n’admet que ceux des classes, & se restreint à la considération des parties de la fructification ; mais il les observe chacune en particulier, dans tous leurs rapports, & dans l’ordre suivant.

1°. Le calice ; 2°. la corolle & sur-tout le nectar ; 3°. les étamines ; 4°. le pistil ; 5°. le péricarpe ; 6°. les semences ; 7°. le réceptacle.

Il considère ces sept parties relativement à quatre attributs ; le nombre, la figure, la situation & la proportion de sorte que toutes ses espèces de calices, de corolles, de nectars, d’étamines, de pistils, de péricarpes, de semences, & de réceptacles, observés suivant leur nombre, suivant la figure particulière qu’ils affectent, la situation dans laquelle ils sont, & la proportion qu’ils gardent entre eux, fournissent à l’observateur autant de caractères sensibles & essentiels.


Usage du sytême sexuel.

Je suppose que je veux reconnoître le lin qui se présente à moi pour la première fois. Instruit de tous les principes qui précèdent, je cueille plusieurs pieds de la plante, ayant soin qu’ils soient fournis de fleurs & de fruits. L’apparence de ces parties de la fructification, sur lesquelles le système est fondé, m’annonce d’abord que la plante n’appartient pas à la vingt-quatrième classe.

Je distingue dans toutes les fleurs que j’examine, des étamines & des pistils, elles sont donc hermaphrodites & par conséquent ne sont comprises ni dans la vingt-troisième, vingt-deuxième & vingt-unième classes.

J’examine les étamines en particulier ; j’observe qu’elles ne sont point attachées au pistil, & qu’elles occupent la place du réceptacle qui leur est destinée. Les fleurs ne sont donc pas de la vingtième classe.

Je vois que ces étamines ne sont réunies dans aucune de leurs parties ni par les filets ni par les anthères : je concluds que la plante n’est pas de la dix-neuvième classe, ni des dix-huitième, dix-septième, seizième classes.

Je compare leurs grandeurs respectives : je n’y découvre aucune proportion déterminée. Elles sont à-peu-près égales entre elles ; la plante ne doit donc pas entrer ni dans la quinzième ni dans la quatorzième ; ainsi je dois me décider par le nombre des étamines, caractère des treize premières divisions. Je compte cinq étamines ; la plante est donc de la cinquième classe de la pentandrie donc sans chercher à la reconnoître sur douze cents genres, le nombre est réduit à moins de deux cents.

Il s’agit de déterminer l’ordre ou subdivision ; je porte mes regards sur le pistil, parce que je sais que dans la pentandrie, le nombre des pistils fixe les ordres ; j’observe le style jusqu’à sa base, pour m’assurer du nombre des pistils j’en trouve cinq : ainsi ma plante est de la pentandrie-pentagynie. Me voila réduit à la comparaison de dix genres pour découvrir celui que je cherche à connoître.

Je parcours les caractères de ces dix genres décrits par Linné ; je les compare à ceux de ma plante. Bientôt le périanthe ou calice à cinq découpures, la corolle a cinq pétales, la capsule a cinq côtés, divisée en cinq valvules qui forment dix cavités dix semences solitaires. Tous ces signes constans dans les individus que j’observe, m’apprennent avec certitude que ma plante est du genre du lin ; mais quelle est son espèce ?

L’espèce, comme on l’a annoncé, subdivise le genre par la considération des parties qui distinguent les plantes constamment, sans être aussi essentielles que celles qui établissent les genres, les ordres & les classes.

Comme le genre du lin renferme au moins vingt espèces, j’examine de quelle manière sont placées les feuilles sur les tiges ; je les vois placées alternativement sur les tiges, tandis que celles de plusieurs autres espèces de lin sont en opposition sur les tiges, ainsi que leurs petits rameaux. Voilà donc le nombre de vingt réduit à-peu-près à dix ; à présent il faut choisir sur ces dix. J’examine de nouveau, & je trouve que les feuilles ne sont pas portées sur des pétioles, qu’elles sont très-entières, linéaires, en forme de fer de lance, & que les bords du calice sont légèrement velus. Tous ces caractères réunis ne sont offerts par aucune des espèces renfermées dans le genre du lin ; la plante que j’examine est donc le lin cultivé dans nos champs, enfin l’espèce que je cherche.

Si l’amateur, si l’habitant aisé qui vit à la campagne, désire approfondir l’étude de la botanique, il est forcé de se procurer les ouvrages de Linné ou de Tournefort, & même de tous les deux ensemble. Les Ouvrages de Linné qui lui sont nécessaires, sont sa philosophie botanique, les genres des plantes enfin, les espèces des plantes. Ces livres, originairement écrits en latin, viennent d’être traduits en François. On trouve également une édition Françoise & une édition latine des instituts de botanique de Tournefort. Cette étude est aussi étendue que la nature, parce que chaque grand climat possède des plantes qui lui sont propres, & qu’on ne trouve que dans sa latitude ; mais le cultivateur qui désire seulement connoître sans se tromper, les plantes qui sont utiles ou nécessaire, à sa santé ou à celle des animaux de sa basse-cour, peut de lui-même, & sans avoir recours à aucun autre livre, 1o . faire un catalogue, une table de toutes les plantes décrites dans le cours d’agriculture ; 2o . d’après la méthode de Tournefort, placer les noms dans les classes indiquées ; 3o . suivre le même travail pour trouver la marche du système de Linné. Cette occupation sera non seulement agréable pour lui, mais encore très-utile. Lorsqu’il aura bien saisi l’ensemble de l’un & de l’autre système ; lorsqu’il aura rapproché & comparé leurs classes, leurs ordres, il verra combien ses idées s’agrandiront, & combien est belle & grande la marche de la nature dans la multiplicité des végétaux dont elle couvre notre globe.

La nomenclature botanique lui paroîtra, au premier abord, un peu difficile ; celle des outils & instrumens qui servent à l’agriculture, l’est bien plus pour l’homme qui commence à se livrer à l’étude de cette science ; dans la première, tous les mots ont une signification réelle & prise sur des objets déjà connus ; au lieu que les mots techniques de l’agriculture sont en grande partie dénués de base fixe. Un moyen bien simple pour se familiariser à l’usage de ces mots, c’est de lire attentivement la description d’une plante que l’on connoît déjà par son nom propre, & de comparer la description faite de chacune de ses parties avec la gravure qui la représente. Alors on applique le mot propre à la chose, on en grave l’idée dans sa mémoire ; enfin, l’habitude rend familiers les mots & leur application.

C’est ainsi que par des délassemens agréables & instructifs, l’habitant aisé des campagnes peut augmenter ses jouissances, ses plaisirs innocens, & par l’étude, se procurer des moyens qui augmenteront son bien-être. De toutes les erreurs, la plus nuisible aux progrès de l’agriculture, c’est de dire que le cultivateur sait tout ce qu’il doit savoir, & que sa pratique vaut mieux que toute espèce d’instruction : tel cultivateur aura pratiqué depuis cinquante ans, qu’il n’aura pas avancé d’un seul pas, parce que la pratique ne porte que sur des conjectures, sur des points sans liaison entre eux ; elle n’est aucunement fondée sur des principes. Si ce cultivateur réussit une fois, il le doit plus au hazard, à la manière d’être des saisons, qu’à la bonté de sa pratique si vantée. L’homme sage qui se livre à l’étude de l’agriculture, sent naturellement combien de genres de sciences sont nécessaires, ou plutôt ce n’est que par le concours de plusieurs sciences, qu’il parvient à connoître la nature, & se détermine aux genres de cultures demandés par les différens sols de ses domaines.


  1. Cette planche ne représente que les seules parties de la génération dans les fleurs, qui sont ici dépouillées de tous leurs accessoires, comme du calice, des pétales, &c.