D’un nouvel impôt sur les valeurs mobilières

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D’un nouvel impôt sur les valeurs mobilières
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 8 (p. 210-224).

D'UN NOUVEL IMPOT


SUR LES


VALEURS MOBILIERES





I. – DE L’IMPOT DIRECT SUR LES DIVIDENDES DES ACTIONS INDUSTRIELLES.

Au premier aspect, rien ne paraît plus juste et plus simple que d’imposer les valeurs mobilières, et l’on entend souvent répéter cette phrase : « Pourquoi un homme qui place 100,000 francs en valeurs mobilières, et en retire un revenu assez Considérable, ne paie-t-il aucun impôt, tandis que celui qui place une somme semblable en propriété immobilière, dont il n’obtient qu’un produit net assez minime, est obligé de supporter des impôts de plusieurs sortes ? »

Mais, lorsqu’on examiné avec soin cette prétendue anomalie, on est amené à reconnaître qu’elle est bien moins réelle qu’on ne l’avait imaginé, et que l’imposition nouvelle à laquelle on voudrait soumettre les valeurs mobilières est beaucoup moins juste et beaucoup moins simple à établir qu’on ne l’avait crû d’abord.

En effet, si l’on y regarde de près, on voit que, sauf quelques exceptions[1], les valeurs qu’on appelle mobilières ne sont, si nous pouvons nous exprimer ainsi, que de petites coupures d’actes de propriétés, propriétés qui, comme toutes les autres, paient leur part d’impôt, et qui ne sont même pas toutes industrielles.

Ainsi, pour prendre un exemple qui rende notre pensée plus saisissable, qu’est-ce qu’une action d’une société organisée pour l’exploitation d’une mine ?

Évidemment, c’est un titre qui constitue le porteur de cette action propriétaire d’une part aliquote de la propriété indivisible de la mine. Or les mines, qu’elles soient exploitées par des sociétés ou par de grands propriétaires, sont soumises, par la loi du 21 avril 1810, à deux sortes d’impôts : une redevance fixe, et une redevance proportionnelle au produit de la mine. Si donc on établit un impôt quelconque sur le dividende de l’action, c’est-à-dire sur le produit net, c’est un troisième impôt qu’on fait peser sur la mine de la société, et dont ne sera pas chargée la mine d’un propriétaire particulier qui, dans le même bassin, quelquefois en concurrence, possédera à lui seul une concession : de sorte que ce troisième impôt sera établi contre ce qui doit être le plus encouragé, contre ce qui seul, avec la division de nos, fortunes, a produit les grands progrès de notre industrie, contre l’association des petits capitaux, tandis que la grande propriété s’en trouvera affranchie !

Ce que nous disons d’une société formée pour l’exploitation d’une mine n’est pas moins vrai pour les sociétés de dessèchement de marais, d’exploitation de certains immeubles, de forges, de manufactures, d’entreprises maritimes, enfin pour toutes les sociétés industrielles.

À côté d’un propriétaire de hauts-fourneaux, d’un manufacturier, d’un armateur, qui ne seront soumis qu’aux impôts directs ou indirects qui peuvent aujourd’hui grever leur industrie, l’association qui exercera précisément la même industrie sera grevée d’un impôt de plus, par cela seul que ce sera une association. Cet impôt, prélevé directement sur le dividende, sera, quoi qu’on puisse dire, un impôt sur le revenu ; mais, moins équitable que celui que l’Angleterre supporte si impatiemment, au lieu d’être général et de frapper tous les revenus, il n’atteindra que les revenus des associations.

On voit déjà ce qu’a de peu fondé cette phrase si souvent répétée dans le monde : « Pourquoi les actions des entreprises industrielles ne sont-elles pas imposées ? » La réponse est facile : « C’est parce que ce ne sont que des titres de propriété d’industries, lesquelles paient déjà leur part d’impôt à l’état. » Et, quant à la différence de produit entre les valeurs mobilières et les valeurs immobilières, elle vient uniquement de la différence des risques à courir par les possesseurs, car, pour les entreprises comme pour les états, l’élévation du taux de l’intérêt d’un capital engagé est toujours en raison des risques que ce capital croit avoir à supporter.

Maintenant, si l’on envisage spécialement les grandes entreprises dont les succès et la prospérité ont certainement fait soulever la question d’impôt qui nous occupe, on se heurte, il faut bien le dire, non plus seulement contre une question d’équité, mais aussi, ce qui est encore plus grave, contre une question de loyauté dans l’exécution d’un contrat.

Qu’est-ce en effet qu’un acte de concession d’un chemin de fer ? C’est un contrat synallagmatique dans lequel l’état d’un côté, une compagnie de l’autre, stipulent qu’un grand travail d’utilité publique sera exécuté par la compagnie à ses risques et périls, et que, en paiement du prix de ce travail, l’état lui abandonne pour un temps déterminé la perception d’un tarif établi sur la nouvelle voie de communication qu’elle doit créer et exploiter.

La perception du tarif est donc bien le prix du travail exécuté, ou, si l’on veut, un mode de remboursement d’un capital avancé à l’état. Cela est si vrai, que si, en France comme en Belgique, l’état avait voulu construire et exploiter lui-même les chemins de fer, il aurait dû, au fur et à mesure de l’avancement des travaux, en solder le prix aux entrepreneurs et aux ouvriers, et, pour cela il lui aurait fallu, sans aucun doute, contracter des emprunts ; Enfin, pour l’exploitation, il aurait eu chaque jour à payer les frais d’un nombreux personnel et d’un immense matériel.

C’est pour s’exonérer de toutes ces dépenses que l’état a concédé à des compagnies la perception des tarifs établis par lui, et bien souvent, les produits de cette perception, n’ayant point paru devoir être suffisans pour qu’elles pussent rentrer, pendant la durée de leur concession, dans leur capital avec des intérêts convenables, l’état y a joint des subventions en argent.

Le dividende des actions créées par la compagnie n’est que le produit net de la perception du tarif concédé, déduction faite des frais de toute sorte. Or n’est-il pas évident qu’en établissant un impôt sur ce dividende, l’état fait la même chose que s’il enlevait ou une partie du tarif, ou une partie des subventions qu’il a lui-même accordées à cause de l’insuffisance présumée des produits du tarif, c’est-à-dire une partie du prix du travail exécuté, une partie du capital avancé ?

Il y a des compagnies dont la subvention a été divisée en annuités à longs termes. Il y en a (les paquebots de la Méditerranée par exemple) dont la subvention va décroissant chaque année. Il pourrait arriver que l’impôt égalât la subvention, et qu’ainsi l’état reprît d’une main ce qu’il donnerait de l’autre. Il faut donc l’avouer, l’établissement d’un impôt sur le dividende, ou, en d’autres termes, un partage des produits avec l’état en dehors des cas stipulés par les cahiers des charges est une altération profonde du contrat de concession. Et cela a d’autant plus d’importance que tous les actes de concession stipulent en faveur de l’état la faculté de rachat des chemins de fer, et que le prix de ce rachat doit être calculé sur le montant du produit net, c’est-à-dire du dividende, de telle sorte que l’impôt sur le dividende viendrait exonérer l’état d’une partie du montant du prix de rachat dont lui-même a déterminé la base.

Enfin on peut se demander pourquoi le prêteur de l’état, qui a mis ses capitaux en travaux, pour lesquels même il a eu des chances à courir, aurait à supporter une retenue dont serait affranchi le prêteur qui a placé ses capitaux en rentes inscrites au grand livre de la dette publique. Évidemment il y aurait dans tout cela quelque chose de contraire à la loyauté que l’état (qui doit être le plus honnête homme de France, comme disait le baron Louis) est tenu de mettre dans toutes ses transactions. L’état ne peut donc pas établir un impôt sur le dividende des compagnies qu’il a organisées par des actes de concession, sans porter atteinte à ces actes mêmes.

Ici l’on rencontre une objection qui se présente au nom d’un principe exact, nous le reconnaissons, mais dont on fait une fausse application : « L’état, dit-on, n’abdique jamais son droit de souveraineté ; l’établissement d’un impôt est un acte de souveraineté qui ne peut être subordonné même au contrat que lui-même a passé. » Oui, sans doute, cela est vrai, mais à une condition : c’est que l’acte de souveraineté soit général.

Ainsi qu’un nouveau système d’impôt remplace celui que nous devons à la sagesse de nos pères, que l’impôt sur le revenu, que pour notre part nous repoussons, soit établi en France, l’impôt frappant alors tous les revenus, quelles qu’en soient les sources, il est évident que les revenus provenant des diverses concessions consenties par l’état seront et devront être atteints comme tous les autres revenus, comme les revenus de la rente inscrite sur le grand livre de la dette publique[2]. L’acte de souveraineté, dans ce cas, s’étend à tout et à tous ; il frappe également dans sa généralité toutes les valeurs, et n’en rompt pas l’équilibre ; enfin il n’a pas pour but, ou au moins pour conséquence spéciale, d’atteindre ce qui a fait précisément l’objet de contrats passés entre l’état et des particuliers.

Mais au lieu d’un impôt général sur tous les revenus, si l’on venait, comme il s’est trouvé aussi des voix dans les chambres, pour le réclamer, établir uniquement un impôt sur la rente, n’est-il pas manifeste que l’acte, n’atteignant, plus qu’une espèce de revenus, qu’une espèce de valeurs qui précisément a fait l’objet d’une convention, perdrait son caractère de généralité, et descendrait au niveau d’une violation de contrat ?

Ces principes, nous sommes heureux de le proclamer, le gouvernement en a fait dans deux circonstances une application éclatante. Lors de la réduction du 5 pour 100, il n’a pas proposé de mettre un impôt sur la rente, il a offert le remboursement, et ainsi respecté le contrat.

Lors de l’établissement, du droit du dixième sur le prix des places des voyageurs, l’impôt a été établi en dehors du tarif ; on a encore respecté le contrat.

Mais sans nous étendre davantage sur ces considérations, qui nous entraîneraient au-delà ; des limites que nous nous sommes tracées, nous ne dirons plus, pour ce qui concerne les compagnies de chemins de fer, qu’une chose qu’on paraît souvent ignorer S c’est qu’elles paient déjà à l’état, soit en vertu de lois générales, soit en exécution des clauses de leurs cahiers des charges, une part d’impôt fort considérable. Nous avons voulu nous rendre compte de ces charges pour une entreprise qui nous était particulièrement connue, et voici ce que nous avons trouvé pour la compagnie de l’Ouest en 1856 :


En vertu de lois générales :
Impôt foncier, mobilier et des patentes 189,575 fr.
Droit de licence 12,000
Timbre des actions et obligations 261,575
Impôt du 10e 2,496,000 fr.
Perçu sur le public 1,024,000
Perçu sur les actionnaires[3] 1,472,000 fr. 1,472,000 1,934,150 fr.
En exécution du cahier des charges et payé en argent :
Télégraphie, personnel 13,000 fr.
Frais de surveillance et de police 104,882 117,382
Total en argent 2,051,532 fr.
En services rendus :
Réduction du prix des places pour les militaires et marins 1,700,000 fr
Poste 253,000 1,953,000
Total général 4,004,532 fr.

Ainsi, dans une année pendant laquelle les actionnaires auront touché 12 millions, l’état, soit en argent, soit en services rendus qu’il lui aurait fallu payer, aura touché 4 millions, c’est-à-dire le quart de tout le produit net. En d’autres termes, il aura eu pour sa part 13 fr. 33 cent, par chaque action, tandis que l’actionnaire aura touché 40 fr. Et si l’on ajoute 1,024,000 fr. payés par les voyageurs et le trafic de grande vitesse, l’état aura retiré de cette grande entreprise

3,075,532 fr. en argent,
1,953,000 fr. en services rendus,
Total 5,028,535 fr.

On voit tout ce qu’il y a d’erroné dans cette pensée, que les entreprises de chemins de fer ne sont soumises à aucune sorte d’impôts. Elles en supportent au contraire de considérables ; seulement, comme ces impôts sont nécessairement prélevés avant la distribution des dividendes, les hommes qui n’examinent pas sérieusement les choses s’imaginent que les capitaux engagés dans ces entreprises ne paient pas leur part de tribut. C’est absolument comme si l’on disait à un propriétaire qu’on verrait toucher le prix d’un fermage qu’il n’a aucune charge à supporter, parce que ce fermage arrive dans ses mains déduction faite de tout ce qui a grevé la terre et l’agriculture.

Enfin, et nous terminerons sur ce point par cette considération : l’impôt direct sur une valeur, sur une propriété quelconque, a pour effet immédiat d’enlever au possesseur de cette propriété, au moment de l’établissement de l’impôt, une partie du capital, laquelle est exactement le montant du chiffre même de l’impôt capitalisé d’après le taux de l’intérêt du placement. Et c’est pour cela que les lois d’impôts directs doivent être en quelque sorte immuables et dans la répartition et dans le chiffre.

Ainsi, sur une action dont le dividende donnera par exemple 50 francs et qui sera cotée à la Bourse à 5 pour 100, 1,000 francs, établir un impôt d’un dixième, c’est-à-dire de 5 francs, c’est absolument comme si l’on enlevait le dixième du capital, autrement dit 100 francs, au porteur de l’action au moment de l’établissement de l’impôt. L’impôt en effet n’ayant pas évidemment pour conséquence défaire baisser le taux de l’intérêt, et 5 pour 100 étant dans l’exemple choisi l’intérêt qu’exigent les capitaux pour entrer dans l’entreprise, il en résulte que les acquéreurs qui viendront après l’établissement de l’impôt ne donneront plus de l’action que 900 francs, au lieu de 1,000 francs : ils n’auront en réalité rien à supporter, puisque le prix de l’achat sera diminué, comme on voit, du montant de l’impôt capitalisé d’après le taux de l’intérêt du placement. En établissant aujourd’hui un impôt direct sur le dividende des valeurs industrielles, on diminue donc à l’instant la valeur des capitaux engagés dans les grandes entreprises, c’est-à-dire des capitaux qui ont eu confiance dans la fortune de la France[4], tandis qu’on n’atteint pas ces capitaux flottans et de spéculation qui ne sont pas fixés, ni les capitaux qui pourront entrer plus tard dans nos affaires.

Pour nous résumer sur cette première question d’un impôt direct sur les dividendes des actions industrielles, nous dirons :

Que c’est après tout un impôt sur le revenu, seulement inéquitablement établi, puisqu’il ne frappe que sur les associations de capitaux, sans atteindre les industries semblables à celles exploitées par les associations : c’est donc en définitive un impôt contre l’association ;

Que pour les grandes entreprises qui existent en vertu d’actes de concession, c’est-à-dire de contrats passés entre l’état et des particuliers, l’impôt direct sur le dividende a de plus l’immense inconvénient d’être une diminution du prix stipulé, et ainsi une profonde altération du contrat, sans le consentement d’une des parties ;

Enfin que l’impôt direct a pour conséquence immédiate d’opérer une dépréciation considérable dans la valeur du capital engagé aujourd’hui dans les entreprises industrielles, et cela au grand détriment de la fortune publique.


II. – DU DROIT DE MUTATION.

Si l’impôt direct sur le dividende des valeurs mobilières est contraire au principe d’égalité ; si, pour les sociétés formées par suite d’actes de concession, il est de plus une profonde altération du contrat ; s’il est dangereux pour la fortune publique, n’est-ce pas au contraire rentrer dans l’application d’un principe général de nos lois d’impôt que de soumettre ces valeurs, quelle qu’en puisse être la forme, à un droit de mutation ? Nous répondrons, sans hésiter, que l’établissement d’un droit de mutation est à nos yeux parfaitement légal, qu’il ne blesse pas les principes au nom desquels nous avons repoussé l’impôt direct sur les dividendes. La seule question ici est dans les avantages ou les inconvéniens qui peuvent résulter de l’augmentation de ce droit, c’est simplement une question de conduite.

Nous disons : « de l’augmentation de ce droit, » car cet impôt de mutation sur les valeurs mobilières, dont on paraît ignorer l’existence, subsiste depuis fort longtemps ; il est perçu tous les jours, et dans quelques cas il atteint un maximum qu’on ne saurait dépasser. Ainsi, par la loi du 15 mai 1850, « les mutations par décès et les transmissions entre vifs, à titre gratuit, d’inscriptions sur le grand-livre de la dette publique sont soumises aux droits établis pour les successions ou donations. Il en est de même des mutations par décès de fonds publics et d’actions des compagnies ou sociétés d’industrie et de finances étrangers dépendant d’une succession régie par la loi française, et des transmissions entre vifs à titre gratuit de ces mêmes valeurs au profit d’un Français. » Enfin, d’après les dispositions de l’article 10, « les transmissions de biens meubles à titre gratuit entre vifs et celles qui s’effectuent par décès sont assujetties aux diverses quotités de droits établis pour les transmissions d’immeubles de la même espèce. »

On le voit, pour toutes les mutations qui s’opèrent par suite de donation ou de décès, il y a une assimilation complète entre les valeurs mobilières et les valeurs immobilières ; mais en dehors de ces deux espèces de mutations qu’il atteignait, le législateur de 1850 certes n’ignorait pas qu’il existait une quantité innombrable de transmissions de valeurs mobilières, dont quelques-unes avaient à supporter le droit de mutation établi par les art. 4 et 69 de la loi du 22 frimaire an VII, mais dont un grand nombre, par leur forme même, échappait à ce droit. Ces valeurs, il ne les a pas laissées passer inaperçues, il les a toutes soumises à un impôt dont nous examinerons tout à l’heure le caractère, et par la loi du 5 juin 1850 (article 14) il a disposé « que chaque titre ou certificat d’action dans une société, compagnie ou entreprise quelconque, financière, commerciale, industrielle ou civile, que l’action soit d’une somme fixe ou d’une quotité, qu’elle soit libérée ou non libérée, émis à partir du 1er janvier 1851, sera assujetti au timbre proportionnel de 50 centimes pour 100 francs du capital nominal pour les sociétés dont la durée n’excédera pas dix ans, et de 1 pour 100 pour celles dont la durée dépassera dix années. » L’avance en doit être faite par les compagnies, auxquelles l’article 22 réserve la faculté de s’affranchir de l’obligation imposée par l’article 14, en contractant avec l’état un abonnement pour toute la durée de la société. Et l’article 15 stipule (ceci mérite d’être remarqué) « qu’au moyen du droit établi par l’article 14, les cessions de titre ou de certificat d’actions seront exemptes de tout droit, de toute formalité d’enregistrement. » En réalité donc, pour les mutations facultatives de chaque jour, la loi considère les valeurs mobilières comme des effets de commerce.

Ainsi s’agit-il de mutation par donation entre vifs, ou par suite de décès, il y a assimilation complète entre les valeurs mobilières et les valeurs immobilières, l’impôt est le même ; mais est-il question de ce mouvement incessant de transmissions facultatives, il y a au contraire assimilation complète entre les valeurs mobilières, quel qu’en soit l’objet ; et les effets de commerce.

Pourquoi cette différence ? La raison en est simple, c’est que dans le premier cas l’impôt, il faut bien le reconnaître, n’arrête pas l’acte de transmission, car l’acte est nécessaire par la volonté du donateur pour assurer la propriété au donataire, ou par la volonté inflexible de la nature, qui désigne le jour de l’ouverture des successions. L’acte ne saurait donc échapper à la loi, qui a pu sans inconvénient s’en saisir. D’un autre côté, la valeur mobilière n, peut pas se dérober dans ces deux circonstances ; elle n’aurait aucun avantage à fuir à l’étranger, car, sous quelque forme qu’elle existât, elle serait toujours obligée de se soumettre, puisque toujours on la retrouverait ou dans la donation, ou dans la succession. Enfin, perçu au jour de la donation ou de l’ouverture de la succession, l’impôt par ce fait individuel, si nous pouvons ainsi dire, n’altère pas le taux de la valeur tel qu’il est fixé par le marché, et dès-lors ne fait subir aucune dépréciation aux capitaux engagés dans les valeurs semblables.

Dans le second cas, au contraire, l’impôt serait une entrave apportée au mouvement incessant de transmission qui, pour les valeurs mobilières, est un des élémens nécessaires de prospérité, presque de vie. Pour éviter cette entrave, les capitaux pourraient abandonner le marché où ils la rencontreraient. Enfin, quel que fût le mode de perception, l’impôt, qui frapperait les transactions de chaque jour, amènerait évidemment une diminution dans le taux des valeurs du pays, c’est-à-dire dans la fortune publique. C’est pour cela que le législateur de 1850, qui n’avait pas craint d’assimiler les valeurs mobilières aux valeurs immobilières, lorsqu’il s’agissait d’acquitter les droits de donation et de succession, n’a pas hésité non plus à ne considérer ces mêmes valeurs mobilières que comme des effets de commerce pour les transactions de tous les jours, et, dans un grand intérêt public, il s’est borné à leur imposer un simple timbre, en quelque sorte comme un droit de circulation après le paiement duquel elles ont toute liberté.

A-t-il bien fait ? Oui, s’il est vrai que la richesse mobilière s’augmente par la facilité de la transmission des valeurs qu’elle crée, s’il est vrai qu’un impôt de mutation soit une entrave à cette facilité de transmission, enfin s’il est vrai que les capitaux se porteraient de préférence sur les valeurs et sur les marchés où ils ne rencontreraient pas cette entrave.

Que la richesse mobilière s’accroisse, se multiplie en quelque sorte par la rapidité de la transmission de ses valeurs, voilà, croyons-nous, ce qui n’a pas besoin d’être démontré. Pour ne pas le reconnaître, il faudrait n’avoir jamais regardé ce qui se passe tous les jours sur une place quelconque. Sans aucun doute, les actions des entreprises industrielles sont ; comme nous l’avons dit de véritables coupures de titres de propriété ; mais aussi, grâce précisément à la facilité de leur transmission, elles participent de la nature des valeurs commerciales. En effet, lorsque des valeurs industrielles sont toujours négociables sur un grand marché, bien qu’à des taux essentiellement variables, elles sont dans une certaine mesure comme des capitaux disponibles, tant la réalisation en devient aisée. Supposez au contraire que ces valeurs soient d’une négociation difficile, — le produit restant le même, augmentant si l’on veut, — à l’instant elles sont dépouillées d’une partie de leur caractère, ce ne sont plus que des titres de propriété immobilisés en quelque sorte ; elles ne peuvent plus faire l’office de capitaux disponibles, et perdent dès-lors une partie de leur puissance productive.

Or qu’on examine ce qui a lieu, surtout dans les momens d’abondance, de confiance. Combien d’entreprises se créent chaque jour, naissent pour ainsi dire du mouvement incessant des valeurs mobilières, par cela seul que chaque jour on peut acheter, vendre les titres de ces valeurs presque avec la même facilité que l’on va échanger un billet de banque contre du numéraire, par cela seul qu’au moyen de ventes et de rachats à terme oh peut emprunter sur un titre, par cela seul que le capital y trouve pour un temps, si court que, ce soit, un emploi avant de se fixer !

Eh bien ! qu’on supprime tout cela, ou seulement qu’on y mette une entravé, et l’on verra bientôt : d’abord notre marché (qui devenait le premier du monde) peu à peu délaissé par les capitaux disponibles, qui trouvaient dans ces opérations de chaque jour des bénéfices suffisans, en attendant qu’ils se décidassent à entrer dans quelques entreprises ; puis ces entreprises se formant plus rarement, plus difficilement en présence des craintes que nous avons signalées et des difficultés de réalisation des capitaux lorsqu’ils y seront une fois engagés ; enfin le prix des capitaux augmentant et le changé tournant contre nous.

Voilà ce que la théorie et le raisonnement pouvaient indiquer au législateur de 1850, mais aussi ce que sa propre expérience lui enseignait dans une certaine mesure. En effet, la commission chargée d’examiner précisément la loi du 5 juin avait proposé diverses dispositions qui soumettaient au droit de timbre proportionnel de un centime par chaque franc de rente le transfert des rentes nominatives sur le grand-livre de la dette publique et le renouvellement des titres de rentes au porteur, titres qui ne devaient être accompagnés de coupons que pour cinq années.

Dans une discussion qui lui fait honneur, M. A. Fould, ministre des finances, avait dit que ces dispositions allaient encourager les capitalistes, qui connaissaient la valeur relative des placemens, à sortir des fonds français pour rechercher les valeurs étrangères ; mais malgré ses efforts les propositions de la commission avaient été votées par l’assemblée législative. Heureusement les résolutions de l’assemblée, avant d’être converties en lois, devaient subir l’épreuve d’une troisième lecture. Lors de cette dernière délibération, le ministre revint, apportant le tableau du cours des différentes valeurs depuis le vote de l’assemblée. Il montra que, tandis que les rentes françaises avaient baissé, les fonds étrangers, non-seulement les fonds anglais, mais les fonds russes, espagnols, etc., avaient gagné tout ce que les nôtres avaient perdu ; il fit également voir que le change avait augmenté contre notre place, enfin que les demandes de conversion de titres nominatifs en titres au porteur, afin d’échapper à ces droits répétés de mutation, s’étaient présentées dans une proportion infiniment plus considérable que jamais.

Cette fois les propositions de la commission furent rejetées.

Ainsi, dans l’espace de quelques semaines, le simple vote d’une mesure qui n’était pas encore devenue loi, une simple menace avait déjà produit de désastreux effets. C’est que rien au monde n’est aussi mobile, aussi fluide, si l’on peut ainsi dire, que le capital ; tout obstacle qu’il rencontre sur son chemin le fait bientôt changer de route. Or, si l’on ne peut nier qu’un impôt de mutation sur les valeurs industrielles serait une entrave à cette libre circulation, qu’on a tant d’intérêt à conserver, on ne saurait méconnaître non plus les fâcheuses conséquences de cette entrave. C’est ce que la loi de 1850 a compris, et c’est pourquoi elle a voulu considérer ces valeurs mobilières, tant qu’elles restent pour ainsi dire sur le marché, comme des valeurs commerciales, comme des effets de commerce.

Mais cet impôt de mutation, sur quelles valeurs serait-il établi ? frapperait-il tout ce qu’on nomme Valeurs mobilières ? , Alors ce serait les transactions du commerce tout entier qu’on atteindrait, et évidemment il n’en peut être question. On veut, dit-on, principalement s’adresser aux valeurs des grandes entreprises industrielles, sans toucher à la rente sur l’état. Pourquoi cette différence entre la rente et les autres valeurs mobilières, les valeurs surtout qui sont créées, comme nous l’avons dit, en représentation de prêts véritables faits à l’état en vertu de ses propres contrats ?

Si l’on ne consent pas à mettre cet impôt de mutation sur la rente, c’est sans aucun doute par crainte de porter atteinte au crédit de l’état. On n’ignore pas que le jour où il faudrait faire appel au public pour quelque emprunt, cet impôt viendrait peser d’un poids qui ferait fléchir le montant du capital obtenu par la négociation.

Mais est-ce que par hasard l’industrie en a fini avec le crédit ? est-ce qu’elles ont terminé leur œuvre, ces grandes entreprises auxquelles l’état a confié l’exécution d’immenses travaux ? est-ce qu’elles n’ont plus d’emprunts à contracter ? est-ce qu’après tout ce n’est pas au profit, au nom presque de l’état qu’elles agissent ? Ne sont elles pas en quelque sorte ses instrumens ? Et n’est-il pas vrai qu’atteintes dans leur crédit, n’obtenant que des capitaux moindres pour la même somme de produits bruts, elles n’exécuteront qu’une moindre somme de travaux, et seront dans l’impuissance de se charger de ces artères secondaires qui auraient un jour vivifié les parties les plus reculées du territoire ? C’est la propriété immobilière dont la valeur est doublée, décuplée quelquefois par ces nouvelles voies de communication, qui aura le plus à souffrir, et paiera en définitive d’un prix énorme le préjugé qui la pousse trop souvent à se plaindre de l’accroissement de la richesse mobilière, comme si elle n’était pas la première à en recueillir les fruits.

N’est-ce pas d’ailleurs une chose assez singulière que ce soit précisément à une époque où la propriété territoriale se plaint de son immobilisation, où, par des moyens dont quelques-uns sont à nos yeux contraires à sa nature même, elle cherche, comme on dit, à se mobiliser, à faire des lettres de gages pour lesquelles elle rêve d’incessantes transmissions, à une époque où elle demande aux capitaux disponibles la formation de crédits fonciers, l’émission d’obligations à intérêt minime, d’annuités à longs termes, n’est-ce pas une chose singulière qu’on veuille en même temps mettre une entrave à la transmission de ces valeurs dont on réclame la création, et qui seules pourraient produire du moins une partie de ce qu’on souhaite ? La propriété immobilière n’a, selon nous, que deux choses à désirer : d’abord, c’est que les grands travaux publics qui doivent accroître sa prospérité dans une si magnifique proportion se poursuivent avec activité, et rencontrent chaque jour de nouvelles facilités d’exécution ; ensuite que, par l’augmentation de la richesse mobilière, le taux de l’intérêt des capitaux diminue et fasse refluer vers l’agriculture tous les bienfaits du crédit.

Tout ce qui peut porter atteinte à ces deux faits est un malheur pour la propriété immobilière, elle serait insensée de ne pas le voir.

Mais à supposer qu’on veuille établir un impôt de mutation sur les valeurs industrielles, comment serait-il perçu ? Ici on rencontre dans la pratique bien des difficultés. La perception s’établirait-elle sur le montant des bordereaux des agens de change ? Il y aurait évidemment là quelque chose d’inquisitorial, et qui pourtant laisserait échapper une immense quantité de transactions. Serait-ce par un droit établi sur une moyenne de mutations présumées, droit que les compagnies seraient tenues de racheter par abonnement, pour que leurs valeurs fussent admises à la cote du marché français ? Alors ce serait, sous un nom déguisé, un véritable impôt direct sur le dividende. Cette disposition serait encore pour certaines compagnies en contradiction formelle avec l’esprit du contrat qu’elles ont passé avec l’état, en contradiction même avec le texte qui prévoit le cas de négociation de leurs valeurs. Il n’est pas en effet une seule de ces entreprises qui ait pu concevoir que, lorsque l’état l’autorisait à créer des actions, des obligations, c’est-à-dire à faire appel au crédit pour réunir les capitaux nécessaires à l’exécution des travaux qui lui étaient confiés, il pourrait lui être interdit un jour de faire coter la valeur de ses titres sur le marché français, en d’autres termes qu’il pourrait lui être interdit de s’adresser au crédit.

L’abonnement serait donc facultatif ? Mais alors il serait évidemment refusé par les assemblées générales des actionnaires, et cela pour deux raisons :

La première, c’est que ces assemblées sont principalement composées d’actionnaires qui ont, dans une certaine mesure, engagé leurs capitaux à titre de placement, et ils ne consentiraient pas facilement à prélever sur le dividende des actions, c’est-à-dire sur leur revenu, le prix de mutations profitables surtout à la spéculation, à la création de nouvelles entreprises ;

La seconde, c’est que ce prix ne serait pas seulement celui du droit de mutation des actions, mais encore devrait comprendre le prix du droit de mutation des obligations.

Ainsi, dans l’état actuel des choses, quant à l’impôt du timbre, quoiqu’il paraisse faible sur chaque titre, comme les compagnies doivent à leurs prêteurs le paiement intégral de l’intérêt du prêt, cet impôt grève en définitive uniquement les actions, qui sont obligées de l’acquitter et pour elles-mêmes et pour les obligations ; et de la sorte supportent une charge assez lourde. On a vu que pour la compagnie de l’Ouest, qui a trois cent mille actions, cet impôt monte déjà aujourd’hui à 261,000 fr., et il doit encore augmenter, puisse, pour l’exécution des nouveaux travaux qui lui restent à exécuter, la compagnie aura de nouveaux emprunts à contracter.

L’abonnement serait donc refusé, et l’on retomberait alors dans le mode de perception des droits sur les bordereaux des agens de change, chose possible à la rigueur, mais qui aurait le double inconvénient, d’augmenter encore le nombre déjà si grand des affaires qui se traitent en dehors du parquet, et de ne pas atteindre les opérations les plus importantes.

Comment en effet l’impôt pourrait-il être prélevé sur ces mutations qui s’opèrent chaque jour, même sans déplacement de titres, chez tous les grands banquiers auxquels des cliens donnent l’ordre de vendre certaines valeurs que précisément d’autres cliens leur donnent l’ordre d’acheter ? C’est le cours moyen qui règle le prix de la transaction, tout se borne dans ce cas à des écritures. Pour saisir ces actes, il faudrait donc compulser les registres ou attendre que chaque maison de banque vînt apporter son tribut et déclarer ce qu’elle a fait en ce genre.

Les transmissions de titres de la main à la main passeraient aussi hors de la portée de la loi.

Enfin il est facile de prévoir que les grands capitalistes (et les hommes spéciaux l’ont déjà indiqué) sauraient transporter, tout en restant à Paris, la réalisation de leurs opérations sur une autre place ; les cours de compensation, comme on les appelle, seraient déterminés pour nos valeurs par notre marché, mais le mouvement de transmission se ferait ailleurs, et échapperait ainsi à l’impôt Ce ne seraient que les petits capitaux qui le supporteraient, et le produit eh serait sans doute bien faible.

On est donc toujours placé, quand on veut saisir ces actes de transmission quotidienne de valeurs mobilières, de valeurs au porteur, entre ces deux écueils, ou de ne rien faire de bien sérieux, et qui vaille d’être fait, ou de faire quelque chose qui arrête ou ralentisse le mouvement, entrave le développement de la puissance industrielle, et en définitive tourne au détriment de la fortune publique et du marché français.

« Les capitaux, avons-nous plus d’une fois entendu dire, ont trop de disposition aujourd’hui à se jeter dans les entreprises étrangères ; il serait préférable pour notre pays de les voir dépensés dans tous les grands et nombreux travaux qui nous restent encore à faire. » Croit-on donc les retenir par les moyens que nous discutons ? Nous qui ne partageons pas toutes les craintes qu’inspire ce mouvement de création d’entreprises étrangères dont le siège est à Paris, qui nous rappelons ce que l’Angleterre à su retirer de profit pour nous avoir aidés[5], et qui ne saurions vouloir de cette muraille de la Chine que quelques braves gens seraient presque tentés de nous proposer, nous éprouvons pourtant ce vif désir de voir d’abord employer sur notre sol toutes les forces productives de notre pays, et c’est pour cela aussi que nous redoutons tout ce qui peut leur être une entrave, tout ce qui, peut gêner cette incessante transmission de la richesse mobilière qui semble s’accroître en raison de son mouvement, tout ce qui peut lui enlever précisément une partie de sa puissance de production.

Quant à la lacune que pourrait laisser dans les ressources de l’état l’absence de cet impôt, sur lequel le budget aurait compté, il ne nous appartient sous aucun rapport de dire ce qu’il peut y avoir à faire ; mais nous nous demandons si en présence de l’admirable progression des produits des impôts indirects, on ne pourrait pas attendre que le vide fût comblé, ce qui ne saurait tarder, si on y laissait librement couler cette source inépuisable de richesse qu’on nomme crédit[6].

Pour nous, en entendant l’empereur annoncer que, conformément au vœu exprimé plusieurs fois par le corps législatif, il faisait étudier l’établissement d’un nouveau droit sur les valeurs mobilières, il nous a semblé que les hommes qui avaient pu méditer sur ces matières étaient conviés en quelque sorte à dire leur pensée. C’est uniquement ce que nous avons essayé de faire ici, sans aucune autre prétention que celle d’apporter notre faible tribut pour cette difficile étude.


Cte P. DE CHASSELOUP-LAUBAT.

  1. Les valeurs des entreprises financières, sous quelque dénomination qu’elles soient organisées.
  2. En Angleterre, l’impôt sur le revenu frappe tous les revenus sans exception, la vente comme les valeurs industrielles, les produits d’une profession libérale comme ceux de la terre.
  3. Bien que la loi ait permis d’ajouter au prix des places et du trafic de la grande vitesse le montant de l’impôt du dixième, il se présente beaucoup de circonstances dans lesquelles on ne saurait augmenter le prix du tarif perçu sans porter une grande perturbation dans la circulation et sans diminuer le trafic. C’est pourquoi la compagnie de l’Ouest a eu à supporter une part si considérable dans cet impôt. C’est ainsi, quoi qu’on en dise, que les impôts de consommation atteignent toujours plus ou moins la production, les prix résultant de la liberté du marché. Or pour les banlieues surtout les chemins de fer eux-mêmes sont soumis à cette règle.
  4. Si l’on suppose que l’impôt produise 30 millions, c’est une dépréciation immédiate de 600 millions dans les valeurs industrielles qui circulent, c’est-à-dire dans le capital industriel du pays, sans compter même la dépréciation résultant des craintes d’un accroissement ultérieur d’impôts.
  5. S’il est un fait incontestable, c’est que les valeurs représentatives d’entreprises quelconques, pourvu qu’elles donnent des produits sérieux, finissent, quelle qu’en soit l’origine, par être absorbées par le pays sur le sol duquel elles ont été établies. Si donc des capitaux étrangers sont venus créer un établissement avantageux, il est certain que dans un temps donné les valeurs qui représenteront cet établissement passeront dans les mains des habitans du pays, surtout s’il s’agit d’une de ces grandes créations qui, comme un chemin de fer, frappent tous les yeux. Or, si l’entreprise offre une augmentation de capital aux fonds qui y sont engagés, il en résultera que cette augmentation, cette prime, pour parler le langage du jour, sera en définitive payée par les capitaux du pays à ces capitaux étrangers ; dont nous venons de parler, qui retrouveront leur liberté et rentreront enrichis sur le sol natal. C’est ce qui est arrivé lorsque nous avons commencé nos travaux de chemins de fer : l’argent anglais nous a sans doute alors rendu un service ; plus tard il s’en est retourné, emportant le prix que nous avons payé a sa hardiesse, a sa confiance. Ce qu’a fait l’Angleterre au début de nos travaux, la France le fait aujourd’hui. Seulement, il faut le dire, l’Angleterre était plus avancée pour son propre compte que nous ne le sommes nous-mêmes.
  6. Discours d’ouverture de la session de 1857.