D’une théorie politique de Béranger

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D’une théorie politique de Béranger
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 12 (p. 661-668).


D’UNE THÉORIE POLITIQUE
DE M. BÉRANGER
ADOPTÉE
PAR M. DE LAMARTINE


Il y a plus de trente ans, l’Europe, alors très occupée cependant, prit un véritable intérêt à la découverte inattendue de la République de Cicéron, déchiffrée sur palimpsestes par un abbé romain, devenu depuis cardinal, en partie pour cette bonne œuvre. Tous les journaux en parlèrent longuement, comme s’ils n’avaient pas eu, dans ce temps-là, bien d’autres choses à dire. De l’Italie, et du patronage pontifical, l’ouvrage tomba vite dans le domaine public et fut réimprimé et commenté de toutes parts. L’auteur de cette note eut le mérite ou la témérité d’en essayer le premier une traduction en langue vulgaire, et comme les nouveaux fragmens étaient encore fort incomplets et pleins de lacunes, il y joignit des supplémens qui furent traduits à leur tour à l’étranger : tant l’ouvrage était porté, par une sorte de faveur publique, pour les idées mêmes qu’il rappelait ! Cela s’explique par les préoccupations habituelles de cette époque. On aimait à retrouver dans la pensée des grandes âmes de l’antiquité ce qui était l’entretien et l’allusion du jour. Les dissidences étaient rares sur ce point. Je me souviens seulement qu’un professeur de l’université de Varsovie, par ordre ou par zèle, écrivit un savant volume pour réfuter les théories dangereuses, les idées de pondération de pouvoir et de droit absolu, qu’il s’effrayait de rencontrer dans le manuscrit trop mutilé de la République, et même dans les observations du traducteur.

Ici, au contraire, on était frappé du langage si modéré, de l’esprit de liberté si scrupuleux et si légal que Cicéron avait mis dans la bouche de Scipion Émilien, de ce héros vertueux, l’adversaire et la victime de cette démocratie dont le dernier triomphe devait aboutir à la domination des césars. On remarquait comment la stabilité d’un principe monarchique était donnée, dans le vœu de l’illustre Romain, pour contre-poids à l’action des assemblées et à la puissance du nombre ; mais à Varsovie, ou du moins dans la chaire du professeur, armé d’office contre la publication de M. le cardinal Mai, il n’en était pas ainsi. Le palimpseste déchiffré par le pieux érudit restait dénoncé comme un avant-coureur de l’esprit séditieux, si bien réprimé dans le grand-duché. La doctrine de la division des pouvoirs indiquée dans ces pages antiques, le principe surtout d’une justice absolue supérieure à la force et inviolable à la toute-puissance, était signalé comme une pernicieuse utopie et un premier essai des doctrines anarchiques dont s’inquiétait l’Europe en 1825.

Le lieu et la date de cette réfutation en affaiblissaient beaucoup l’autorité, et dans les nombreuses éditions du texte latin qui se firent en Italie, en Allemagne, en Angleterre, personne ne se plaignit des maximes de justice et de liberté à recueillir ou à conclure des nouveaux fragmens de la République. Un célèbre orateur anglais, M. Brougham, en cita même avec admiration quelques lignes dans une séance de la chambre des communes.

En serait-il autrement aujourd’hui, je ne dis pas à la chambre des communes ou même des lords de l’empire britannique, mais dans des pays devenus moins parlementaires ? Je suis tenté de le croire, quand je vois un ancien député, un brillant orateur, illustré même par quelques-unes de ces nobles résistances qui sont les hauts faits de la tribune, ignorer ou désavouer les libres et invariables maximes de Cicéron comme de Montesquieu, et proclamer la dictature excellente et nécessaire, pourvu qu’elle soit souverainement démocratique.

Cette doctrine, il est vrai, non moins étrangère aux grands poètes de l’antiquité qu’à ses grands orateurs, M. de Lamartine la met dans une autre bouche que la sienne ; mais, en la citant de mémoire, avec les expressions littérales de M. Béranger, il déclare l’adopter pour son compte et n’y concevoir aucune réponse ; il se borne donc à transcrire les paroles mêmes du poète populaire, son ami, qu’il célèbre à si juste titre, mais qu’il félicite surtout en cette occasion d’avoir été très gouvernemental dans ses instincts[1]. « La république, lui aurait dit souvent M. Béranger, qui paraît à quelques-uns la dissémination des forces du peuple, doit en être, à mon avis, la plus puissante concentration. Quand le droit de tous est représenté, quand la volonté de tous est exprimée, cette volonté doit être irrésistible. »

Oui, aurait répondu le moindre disciple de la sagesse antique, si cette volonté est juste ; mais, si vous ne mettez en avant que la puissance du nombre, le poids de la foule, votre langage devient la négation du droit en lui-même : vous n’admettez pas une justice absolue, antérieure et dominante, à laquelle la loi même doit se conformer ; vous violez ou vous ignorez les principes, et vous faites mentir les mots, car ce que vous appelez la volonté de tous n’est jamais que la volonté de la majorité, et cette majorité même n’a pas le droit d’imposer l’iniquité.

Quoi qu’il en soit, M. Béranger voulait pour la république de 1848 un gouvernement plus concentré, plus dictatorial que les gouvernemens parlementaires, et il conseillait à M. de Lamartine, si l’occasion lui revenait, de prendre tout au moins une dictature de dix ans ou une dictature à vie, avec faculté de désigner son successeur, le tout afin de donner à la liberté le temps de devenir une habitude[2]. » On ne reconnaît pas ici la piquante raison et la précision d’idées du poète populaire. Comment en effet la liberté deviendrait-elle une habitude, pendant qu’elle serait suspendue ? L’interruption est bien plutôt faite pour amener la désuétude.

Du reste, lorsqu’il résumait ainsi sa doctrine politique, M. Béranger en faisait surtout l’application à un peuple, disait-il, plus soldat que citoyen ; mais M. de Lamartine, en confirmant cette pensée, la généralise. Le pouvoir concentré du peuple, la dictature populaire, si facilement personnifiée, quand elle est absolue, lui paraît la vraie solution du problème social ; « car, dit-il, la liberté n’a pas moins besoin de gouvernement que la monarchie. » De gouvernement, oui ; mais vous parlez de dictature, et ce n’est pas la même chose.

Ici, je le crois, malgré le progrès du temps et l’autorité même du publiciste, que M. de Lamartine appelle l’homme-progrès[3], on peut à propos rappeler ces maximes de la vieille sagesse politique, qui, de bonne heure instruite par toutes les vicissitudes des grands et des petits états et toutes les formes de tyrannie ou de liberté qu’elle avait sous les yeux, s’était naturellement élevée à la recherche d’une justice absolue et d’une règle d’équité suprême, indépendante de la tyrannie de tous ou d’un seul.

On ne retrouvera pas sans intérêt ces vérités premières et durables dans le langage si ferme et si sensé de Xénophon, homme de guerre, philosophe, historien, longtemps exilé de son orageuse patrie. Qu’il nous soit donc permis d’opposer à l’éloge ou au regret de la dictature, même démocratique, quelques-unes des judicieuses et fines déductions que Xénophon nous donne comme un dialogue entre Alcibiade et Périclès[4].

« On raconte qu’Alcibiade, avant d’être à l’âge de vingt ans, eut avec Périclès, son tuteur et le premier magistrat de la ville, l’entretien que voici, sur les lois : Dis-moi, Périclès, pourrais-tu m’enseigner ce que c’est que la loi ? — Parfaitement, répondit Périclès. — Eh bien ! au nom des dieux, enseigne-le-moi, dit Alcibiade, car j’entends louer certaines gens en qualité d’hommes amis des lois, et j’imagine qu’on ne peut justement obtenir cette louange, si on ne sait ce que c’est que la loi. — Tu désires, ô Alcibiade, reprit Périclès, une chose qui n’a rien de difficile, quand tu veux savoir ce qu’est la loi. Sont lois toutes les choses qu’a décrétées le peuple réuni, délibérant et prescrivant ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. — Mais est-ce le bien que par les lois on déclare obligatoire ou le mal ? — Le bien, certes, ô jeune homme : le mal, jamais. — Mais ce qui arrive dans l’oligarchie, lorsqu’un petit nombre seulement décrète ce qu’on doit faire, qu’est-ce que cela ? — Tout ce que le pouvoir maître de la cité, délibérant et statuant, prescrit s’appelle loi. — Et, reprit Alcibiade, si un tyran, maître de la ville, prescrit aux citoyens ce qu’ils doivent faire, cela aussi est-il loi ? — Oui, tout ce qu’un tyran, devenu maître, prescrit, s’appelle aussi loi. — Qu’est-ce donc que la violence et l’illégalité, ô Périclès ? N’est-ce pas l’action du puissant, alors que, non par persuasion, mais par force, il contraint le plus faible à faire ce qu’il lui plaît à lui ? — Je le pense ainsi, dit Périclès. — Et le tyran qui, sans avoir persuadé les citoyens, les contraint d’agir d’après ses décrets, est-il ennemi des lois ? — Je le pense, dit Périclès, et je désavoue cette assertion, que les choses qu’un tyran décrète, sans assentiment obtenu, soient lois. — Et les choses qu’un petit nombre de puissans décrètent, sans les avoir persuadées au grand nombre, dirons-nous que ce soit la violence, ou non ? — Toutes les choses, dit Périclès, que quelqu’un contraint quelqu’un de faire, sans assentiment préalable, mais par violence ou autrement, sont violences plutôt que lois. — Et ce que tout le peuple, dominant sur les riches, décrète, sans leur libre assentiment, sera donc aussi violence plutôt que loi ? — Tout à fait, reprit Périclès, ô Alcibiade. »

Ainsi, selon les deux interlocuteurs, d’accord cette fois, l’action collective du peuple ne validait pas davantage la décision que le libre examen et le libre assentiment n’avaient pas précédée. Cela nous laisse bien loin de ce droit irrésistible que M. de Lamartine reconnaît dans le peuple en masse, et sur lequel il fonde la légitimité de cette dictature que lui conseillait son ami. À cette seule raison du nombre, à cette prétendue volonté de tous, au nom de laquelle on supprime la volonté de chacun, je préfère, je l’avoue, la naïve profondeur du dialogue grec. Elle répond, ce me semble, victorieusement à la préférence des deux poètes publicistes pour la démocratie dictatoriale : elle fait justice de cette illusion qui les porte à supposer que le pouvoir arbitraire change de nature en changeant d’origine, et qu’il devient sage et juste, s’il s’exerce au nom de tous.

La sagacité des sages antiques, avertie par l’exemple des cités diverses établies de leur temps, avait admirablement démêlé ce vieux sophisme de l’ignorance et de la force, qu’on nous vante aujourd’hui comme une découverte. Ils donnaient pour principe à la loi l’équité, pour condition aux suffrages l’aptitude, l’examen et la liberté. Ils pensaient, comme Bossuet l’a dit, qu’il n’y a pas de droit contre le droit, et ils reconnaissaient les caractères et l’autorité de la loi, non pas à l’acclamation tumultueuse ou à la coaction qui l’aurait imposée, mais à la justice qui en avait préparé les bases, à la persuasion éclairée qui en assurait l’empire, et à la force légitimée par elle qui la défendait à son tour.

Voilà ce que le poète illustre, analysé et admiré comme publiciste par M. de Lamartine, aurait pu recueillir dans quelques pages du Xénophon, inspirées par Socrate, ou plutôt voilà ce qu’il aurait mérité de trouver lui-même par cette affinité naturelle que son panégyriste lui attribuait avec le sage même d’Athènes.

Que serait-ce si nous remontions plus haut, et si nous allions consulter l’autre disciple et l’interprète plus sublime du même Socrate ? Que dire des sanctions lumineuses et divines dont le génie de Platon a revêtu ce principe fondamental d’une justice absolue, indépendante de la force et du nombre, et visible image ici-bas de la vérité qui réside en Dieu même ? C’est la doctrine qui respire dans tous les dialogues de Platon et qu’on peut voir supérieurement résumée par un moderne dans le discours préliminaire que M. Cousin a mis en tête de la traduction du Traité des lois. Cicéron, il faut le dire, n’était que le traducteur habile et passionné de cette philosophie. C’est d’elle qu’il empruntait la définition de la vraie, de la suprême loi, de cette loi contre laquelle on ne peut légiférer, à laquelle on ne peut, même partiellement, déroger, et qu’on ne peut abroger tout entière[5], de cette loi, dit-il encore, dont nous ne pouvons être relevés ni par décret du sénat, ni par plébiscite.

Sous cette conviction, apprise des sages de la Grèce, mais agrandie par le spectacle de Rome, le consul romain, loin d’attacher à la puissance du nombre le droit de tout faire et de trouver légitime la dictature, pourvu qu’elle soit au nom de tous, déclarait que le but de la loi devait être que le plus grand nombre n’eût pas le plus de pouvoir. En réponse à de lâches sophismes de tous les temps sur la distinction du droit positif et de la justice, ou plutôt sur la nécessité d’une seconde justice qu’on appellerait politique, et qui n’appartiendrait qu’au plus fort, soit la multitude, soit un maître, il ajoutait : Non-seulement il est faux que la république ne puisse se gouverner sans une part d’injustice ; mais le vrai, c’est qu’elle ne peut être gouvernée qu’avec une suprême justice.

C’étaient ces belles maximes du droit public et civil que le christianisme, à sa naissance, trouvait dans quelques sages du monde païen et qu’il opposait vainement à la tyrannie des lois impériales. La Cité de Dieu empruntait à la République de Platon ces nobles paroles que nous adresse saint Augustin : « Là où la justice n’est pas, le droit ne peut pas être ; car ce qui se fait au nom du droit doit être juste, et ce qui est injuste en soi ne peut se faire au nom du droit. On ne doit pas, en effet, appeler droit certaines décisions iniques des hommes, car eux-mêmes déclarent que le droit est ce qui émane des sources de la justice ; et c’est faussement qu’il a été dit, par quelques esprits malavisés, que le droit est ce qui est utile au plus puissant[6]. »

Le monde, à travers le fléau des invasions barbares et la ruine des anciennes sociétés, entrevit encore la lumière de ces saintes et pures doctrines, que le christianisme avait reconnues siennes et qu’il marquait de son divin sceau. Le moyen âge leur dut par intervalle ce qu’il compta de jours heureux, ce qu’il vit briller de grands hommes, un pape Léon le Grand, un empereur Othon, un saint Louis, un saint Bernard, un Suger.

Si plus tard la corruption raffinée de l’Italie, les convoitises de ses états rivaux, le mélange de grandes lumières avec des vices grossiers, vint altérer cette belle tradition des sages et des saints, la vérité ne changea pas cependant, et elle se renouvela dans d’immortels écrits, depuis le chancelier de L’Hôpital, l’historien de Thou jusqu’à Montesquieu, à Burke, et aux plus nobles représentans des libertés modernes.

M. de Lamartine a, par momens, figuré dans cette élite de la parole militante, et le grand poète s’est montré quelquefois puissant et généreux orateur. Qu’il n’oublie donc pas, qu’il ne sacrifie à aucun mécompte, à aucune illusion, les doctrines inaltérables de l’ancienne sagesse et de la vraie liberté ! qu’il ne prenne pas la tyrannie ou l’inertie du grand nombre pour une liberté, sa dictature réelle ou nominale pour un heureux progrès ! qu’il ne préconise pas le gouvernement concentré de la foule, car c’était là précisément cette république non libre prédite par Montesquieu, ce gouvernement de la convention et des clubs dont tout le monde connaît l’histoire. Pareille méprise était plus excusable chez Rousseau, avant l’épreuve des faits et dans la première ardeur des théories. C’est ainsi, comme l’a fortement démontré Benjamin Constant, que du Contrat social, des conséquences outrées de la souveraineté populaire, de la puissance irrésistible du suffrage universel, on voit sortir, sous la main de Rousseau, tout un ordre d’instrumens, et, qui pis est, de spécieux motifs pour la tyrannie.

Que cette erreur d’une belle imagination et d’un puissant esprit préserve ceux qui lui ressemblent ! On peut pardonner encore aux penseurs inactifs, aux poètes restés toujours et exclusivement poètes, d’avoir souhaité ou regretté la dictature par amour de la liberté, et fait l’apothéose de la force par amour de l’égalité ; mais le poète entré dans la vie politique, exposé aux luttes des assemblées, aux manœuvres des partis, aux instabilités de la foule, à ses alternatives de fièvre ou de léthargie, n’a pas le droit de se méprendre sur les choses ni sur les mots, de justifier l’arbitraire par le nombre de ceux qui le votent ou l’exercent, et de recommander la dictature comme un nécessaire et heureux passage vers la liberté.

C’est à ce point de vue, et par respect pour quelques belles traditions du génie antique trop oubliées aujourd’hui, sans être moins évidentes, qu’il nous a semblé permis de contredire quelque peu l’illustre auteur des Entretiens familiers sur la littérature de tous les pays et de tous les temps. Il n’exclut pas, sans doute, du cercle infini qu’il embrasse, cette parole classique dont nous avons reproduit quelques accens trop affaiblis. Il ne dédaigne pas plus Cicéron ou Xénophon qu’il n’oublie les poètes de l’Inde et qu’il ne néglige la mythologie chrétienne de Dante. Plus la variété et le charme de ses écrits lui donnent de lecteurs, plus il doit permettre quelques dissentimens. Il n’en est pas de moins offensif que la modeste étude qui, devant des erreurs plus que littéraires et des prédilections imprudentes pour la force et le nombre, oppose la protestation du bon sens et l’autorité de l’ancienne sagesse en fait de droit public et d’histoire.

Il faut le reconnaître d’ailleurs, cette pensée toujours présente d’un principe supérieur, cette idée d’une justice abstraite et nécessaire est bien autrement efficace que l’argument matériel du nombre pour élever les âmes, en même temps qu’elle éclaire les esprits. Elle inspire bien mieux ce qui est si utile à l’ordre des sociétés, le sentiment profond du devoir, l’instinct rapide de l’honneur, le courage du sacrifice, le mépris de l’intérêt personnel et des sophismes qu’il se fait à lui-même. On tire quelquefois un peu arbitrairement les conséquences de ce qu’on appelle le droit naturel et le droit civil, on fait plus ou moins grande la part de l’un ou de l’autre selon la liberté d’action et la latitude de conscience qu’on désire se réserver ; mais cette loi du vrai et du juste, cette loi des lois, dont Dieu lui-même est l’auteur et le promulgateur[7], disait le grand consul romain, si on la place une fois en tête de tout, on ne peut ensuite la tordre et l’infléchir à volonté. Il importe donc aux esprits généreux comme M. de Lamartine d’en recommander ici-bas la conviction et le culte, en dehors même de ce qu’ils croient l’expression la plus complète de la souveraineté populaire.

Dans le XVIIe siècle, lorsque le ministre Jurieu s’avisa de soutenir que « le peuple était la seule autorité dans le monde qui n’avait pas besoin de la raison pour valider ses actes, » on lui répondit de toutes parts au nom de la logique, encore plus que de la monarchie, alors si puissante. La même doctrine reproduite sous d’autres noms, appliquée à d’autres formes de concentration et de dictature populaires, n’est pas aujourd’hui plus vraie ni plus digne des lumières du temps. Il ne faut pas surtout que l’imagination et le talent se chargent de fournir des prétextes à la sénilité, qui n’en manque jamais.

Villemain.


  1. Cours de littérature, entretien 22e, p. 338.
  2. Cours de Littérature, entretien 22e, p. 338.
  3. Cours de Littérature, entretien 24e, p. 252.
  4. Xénoph. Socrat. memor, lib. i, c. ii, 40.
  5. Huic legi nec obrogari fas est, neque derogari ex hac aliquid licet, neque tota abrogari potest. — Lact. lib. VI, cap. VIII.
  6. Ubi vero justitia non est, nec jus potest esse : qnod enim jure fit, profecto jure fit ; quod autem fit injuste, nec jure fieri potest. Non enim jura dicencia sunt, vel putanda, iniqua hominum constituta, cùm illud etiam ipsi jus esse dicant, quod de justitiae fonte manaverit, falsumque sit, quod a quibusdam non recte sentientibus dici solet, id jus esse, quod ei, qui plus potest, utile est. — August. Civit. Dei, lib. XIX, c. XXI.
  7. Ille Deus hujus legis inventor, disceptator, lator. — M. Cicer., Fragm.