De la Poésie épique

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DE
LA POÉSIE ÉPIQUE.[1]

Les lecteurs qui se souviennent d’un ouvrage publié sous le titre d’Ahasvérus, reconnaîtront, malgré la différence des sujets, que le poème auquel ces lignes servent de préface, est, en quelque sorte, le complément du premier, et qu’ils concourent tous deux au même ensemble. Ahasvérus, dans la pensée de celui qui l’écrivit, représentait, par son sujet, la poésie du passé, de l’histoire générale, de cet homme éternel en qui s’absorbent tous les hommes et qui s’appelle humanité. Le poème qui le suit aujourd’hui appartient à la poésie du présent ; il a pour sujet l’homme individuel, le héros, Napoléon. À ces deux fragmens s’ajoutera une troisième partie qui complétera le sens des précédentes. En attendant qu’elle soit achevée, l’obscur monument que l’auteur eût voulu édifier reste exposé à plusieurs attaques, dont quelques-unes peut-être, et surtout l’accusation d’une tendance irréligieuse, eussent été repoussées si le lien qui réunit ces divers fragmens se fût montré dès le commencement.

Que si l’on demande, d’abord, de quel droit un écrivain sans mission a osé toucher le sujet que j’aborde aujourd’hui, je répondrai que les plus grands sujets ne sont pas toujours les plus difficiles à traiter ; que le devoir du poète est d’exprimer, non pas d’inventer la poésie ; que les plus vastes objets, Dieu, la nature, le héros, sont les motifs habituels des chants des poètes les plus obscurs et les plus populaires. S’il est des sujets sacrés dans la mémoire des peuples, ceux-là ne repoussent guère les esprits qui les cultivent avec une piété sincère. Enfin, j’ajouterai qu’ayant passé les premières et les meilleures années de ma vie dans les bras des soldats et dans les camps de l’empire, je n’ai pas été tout-à-fait le maître de choisir mes souvenirs. Souvent il m’est arrivé, ainsi qu’à d’autres hommes de mon temps, de penser qu’il eût été bien de mourir dans ces saintes batailles de 1814 et de 1815, où s’agitait, en France, la question de tous, non pas la question d’un seul ; mais l’âge m’ayant manqué, comme à eux, pour cela, et plusieurs des évènemens qui ont suivi ayant plutôt confirmé qu’effacé ce regret, j’ai cherché du moins à entretenir en moi-même et dans quelques autres la commémoration de tant de glorieuses morts ; et si j’ai échoué ici dans mon entreprise, j’espère n’être accusé, ni par les vainqueurs ni par les vaincus, d’avoir inconsidérément profané leur mémoire.

Une raison plus spécieuse de repousser cet ouvrage sans examen reposerait sur l’idée presque universellement admise que l’esprit français est impropre à l’épopée, et que notre langue est privée du génie héroïque. Pour donner à cette opinion sa valeur précise, il n’est pas inutile de voir dans quelle époque elle s’est formée. Personne n’ignore aujourd’hui que la France du midi et du nord a produit au moyen-âge plus de monumens épiques qu’aucune autre contrée de l’Europe ; le jour n’est pas loin où la publication des manuscrits du xiie et du xiiie siècle ne laissera plus sur cela aucun doute. Les écrivains du siècle de Louis xiv, poussés dans d’autres voies, négligèrent presque entièrement la question de l’épopée. Cette question ne parut décidée en France qu’après l’expérience de Voltaire. On ne reconnut pas alors que les critiques provoquées par la Henriade accusaient l’époque où elle fut écrite, bien plus que le génie même de la langue française. Le xviiie siècle, prêt à délier toute tradition, était le contraire des époques épiques ; et il n’était guère possible que les guerres de la régence réveillassent nulle part l’héroïsme éteint. Par un effort de génie tout individuel, Voltaire s’éleva à de brillantes imitations de la poésie alexandrine et romaine. Mais un homme a beau faire ; dans ce genre de poésie, si la pensée et la volonté de tous ne font pas la moitié de son œuvre, cette œuvre est impossible.

Depuis la Henriade une révolution a surgi. Un bouleversement de tout le passé, des guerres colossales, le monde ébranlé, un nouveau pouvoir instituant une nouvelle époque, non-seulement le monde changé, mais l’histoire redevenue héroïque ; toutes ces choses auront-elles laissé le problème le plus élevé de l’art dans les termes où il était placé ? Évidemment non. Si l’histoire a pris un caractère épique, la poésie fera comme elle. Dans tous les cas il est permis, sans témérité, de tenter aujourd’hui une voie si manifestement ouverte par les évènemens. Ne serait-il pas étrange que le peuple que l’on dit être le plus héroïque dans l’action fût le seul qui manquât, dans sa littérature, du génie des choses héroïques ?

Ce génie, en effet, n’est rien autre, dans une nation, que le sentiment qu’elle a d’elle-même et de son action sur le monde. Aussi n’en connaît-on aucune qui en ait été tout-à-fait dépourvue. Tous les peuples n’ont pas eu un Homère, mais tous ont eu des fragmens plus ou moins grossiers d’Iliade. Si cet élément ne se retrouve pas dans la littérature française, c’est, il semble, la preuve la plus convaincante que le développement de cette littérature n’est pas achevé, et qu’au contraire il lui reste toute une phase à parcourir.

Quoi qu’il en soit, c’est en s’appuyant sur les idées qui précèdent que l’auteur a été soutenu dans sa tâche. Il n’ignore pas que cette tâche est du nombre de celles qui ne s’accomplissent pas en entier par un seul homme. Il faut ici que beaucoup périssent pour qu’un seul survive, et le premier qui tente d’exécuter cette œuvre en est presque infailliblement victime. Combien de poètes inconnus avant Dante, Arioste, Camoëns ! Pourtant leur œuvre, si elle a été sincère, n’a point été inutile. De même ici, si quelque chose, dans ce rude monument, mérite d’être conservé, l’avenir s’emparera de ses débris et leur imposera son sceau. Au lieu de chercher leurs sujets, si loin de nous, pourquoi tant de poètes en France et hors de France ne se voueraient-ils pas à ce sujet, qui est celui de tous les peuples et de toutes les nationalités contemporaines ? pourquoi ne reverrait-on pas autour de ce grand objet de l’amour et de la haine de tous une nouvelle lutte de rapsodes ou de trouvères ? Après avoir si bien combattu par le glaive, il semble que ce ne serait pas aujourd’hui une moins noble émulation pour les peuples que de s’engager ainsi dans cette lutte de poésie et de souvenirs nationaux.

Pour ma part, me trouvant par hasard un des premiers qui soit entré jusqu’au bout dans cette carrière, et n’y étant soutenu par aucun modèle consacré, j’ai dû reprendre et recommencer plusieurs fois ma tâche de la veille. Dans une vie presque toujours errante, je me suis appliqué à visiter le plus de champs de bataille qu’il m’a été permis de faire ; autant que je l’ai pu, je me suis informé du caractère des passions que chaque peuple a apportées dans sa lutte. Mon plus ferme désir, dans une occasion où il eût été si facile de se laisser absorber par la gloire d’un seul, a été de n’être injuste envers aucun. Ce sujet est un grand champ des morts où chacun doit reposer en paix dans son noble tombeau.

La première difficulté qui se soit présentée dans cet ouvrage a été la versification. Cette difficulté a été d’autant plus grande au commencement pour l’auteur, que n’ayant jamais écrit un seul vers depuis son enfance, il a rencontré dès l’abord des questions indécises encore dans l’art français. En effet, aucun monument n’a déterminé d’une manière irrévocable, en France, le caractère de la versification épique, ainsi que cela est arrivé pour le poème dramatique et lyrique. Corneille et Racine ont constitué le vers tragique. La stance lyrique a été fondée et réglée par Ronsard et par Malherbe. Mais il n’en est point ainsi de l’épopée. Quelle est, en français, la stance épique, et même une stance de ce genre est-elle possible ? Quel est le mètre ? Y en a-t-il un seul ou plusieurs ? Aucune de ces choses, à véritablement parler, n’est déterminée. Dans cette ignorance, voici les fondemens sur lesquels l’auteur s’est décidé. En remontant aux monumens épiques, qui sont, en partie, l’origine de la littérature française, on reconnaît trois formes principales : le vers de douze pieds et celui de dix pour les poèmes Carlovingiens, celui de huit pour les poèmes d’Arthur. Non-seulement les rimes y sont continues, mais on sait que la même rime se répète trente, quarante, et même cent fois. Au contraire, dans les poésies lyriques, une partie du talent des troubadours est employée à créer de nouvelles combinaisons dans le mélange et l’entrelacement des rimes. De ces faits, qui ne souffrent aucune notable exception, semble surgir en France la nécessité des rimes plates ou continues dans la versification héroïque. Il y a, en effet, dans cette répétition immédiate dont abusaient la poésie chevaleresque et arabe, un élément de tradition, un écho qui correspond parfaitement au caractère de l’épopée. Si les vers blancs étaient possibles en français, ils seraient admissibles dans tous les genres de poésie, hormis la poésie héroïque. Le caractère dont il est ici question est très bien marqué dans l’hexamètre des anciens. La chute uniforme de ces vers, le lourd spondée par lequel ils se terminent invariablement, correspond à la rime continue dans l’hexamètre moderne. Ainsi l’auteur a été conduit à n’admettre que les mètres d’origine héroïque, et à obéir partout à la loi de continuité de la rime, excepté dans les fragmens lyriques ; car, si l’ode et l’élégie appellent d’elles-mêmes l’harmonie entrecoupée, on remarque qu’elle ne fait qu’énerver le vers héroïque. Le désordre des assonnances dans l’ode de Malherbe convient au trouble réel de la poésie lyrique ; mais le vers épique doit avoir une toute autre constitution ; il doit pouvoir atteindre à tous les effets du dithyrambe sans se permettre aucun trouble apparent ; il faut qu’il ressemble à ces héros qui ne portent jamais sur leurs visages la marque des combats intérieurs. Son harmonie en sera plus rude et plus monotone, il est vrai ; mais son existence est à ce prix. Ce vers devrait être le moins complexe de tous, point chargé d’accessoires, ni jamais embarrassé dans sa pourpre ; il devrait être ferme et d’airain, naturellement grand, sans nécessité de se hausser à l’approche des grandes choses. Il faudrait qu’il fût à la fois populaire comme la ballade, naïf comme l’enfant, réfléchi comme le vieillard ; sans cesser d’être majestueux, il faudrait qu’il fût toujours simple et orné sans ornement.

En admettant les formes principales du vers à son origine, il a paru nécessaire d’employer le petit mètre dans les commencemens du poème. Ce mètre a semblé mieux proportionné dans ses formes avec le caractère du sujet à son début. Je ne crois pas qu’il fût possible d’employer long-temps, en cet endroit, l’alexandrin, sans rencontrer l’enflure et la déclamation. Le vers de huit pieds, à la fois lyrique et épique, a été préféré pour exprimer l’époque antérieure, en quelque sorte, à l’histoire, et qui appartient plutôt à la famille qu’à la cité. En adoptant plus tard l’hexamètre, il a paru que l’on ne faisait ainsi que suivre et réfléchir, dans les inflexions du mètre, les développemens graduels du sujet.

Les détails de la versification une fois fixés, l’auteur a cherché à rendre au chant héroïque sa destination véritable, qui est d’être ou de pouvoir être chanté. Le sujet se décomposait de lui-même en une suite de thèmes principaux, qu’un lien indissoluble rattachait les uns aux autres. Chacun de ces momens pouvait être exprimé dans une pièce qui emportât avec soi sa mélodie notée et mesurée, comme tout vrai récitatif. L’idée du chant étant prise comme base, entraînait avec elle l’idée de chœurs ; et par là s’offrait la possibilité de ramener l’épopée à son origine, et de la retremper par momens à sa source, dans l’ode et le poème lyrique.

Cette dernière question en amenait une foule d’autres, sur lesquelles il est nécessaire de dire ici quelques mots, bien que les développemens indispensables en de telles matières doivent être renvoyés à un ouvrage plus étendu, d’où sont extraites les lignes suivantes.

Les critiques ont long-temps fait consister la différence de l’épopée et du drame dans la différence du récit et du dialogue. Néanmoins, il est constant que ces genres de poésie échangent souvent leurs formes. La narration est aussi fréquente dans le drame que le dialogue l’est dans l’épopée. Il est donc nécessaire de chercher dans une origine plus profonde les causes véritables de leurs différences.

Toute poésie, prise en soi, est lyrique, et l’ode est le poème primitif d’où sortent tous les autres. La poésie, recueillie immédiatement à sa source, c’est-à-dire dans la religion, dans le culte, dans l’idée de Dieu, n’est ni dramatique, ni épique ; elle est lyrique. Il est un moment, à l’origine des peuples, où tout poème est hymne, dithyrambe, cantique. C’est le cantique de Moïse aux sources de l’Oreb ; c’est Orphée ; ce sont les eddas scandinaves ; ce sont les litanies chrétiennes.

La poésie ne conserve pas immuablement cette forme sainte et sacrée ; elle ne reste pas toujours sacerdotale. La contemplation du culte ne l’enchaîne pas à jamais. À mesure que la foi des peuples est moins ardente, la poésie s’occupe d’un autre objet que de Dieu ; elle se sécularise, c’est-à-dire qu’elle entre dans ce monde de lutte et de division qui se rencontre dans tout ce qui n’est pas immédiatement divin. Or, de quelle manière est-elle et peut-elle être frappée du spectacle de l’univers ? Tout l’art est contenu dans cette question.

Il y a deux systèmes éternels sous lesquels la poésie peut comprendre le monde. Premièrement, en présence de la foule d’objets qui le composent et de leur lutte apparente, la poésie, voisine encore de son origine, peut réfléchir l’univers sous l’idée de l’influence et de la sagesse divine. Elle peut rechercher l’harmonie du créateur et de sa création, préférablement à la discorde. Elle peut être frappée de l’enchaînement des choses et de leur ordre éternel ; elle peut s’inspirer de l’idée d’harmonie et de providence sous des noms différens ; elle s’appellera alors la Poésie épique.

Secondement, elle peut n’être frappée que de la discorde de l’homme et de la nature, de l’homme et de Dieu, de l’homme avec lui-même. Elle recherchera les occasions de lutte avec autant de soin que la précédente recherchait le repos ; elle instituera un dialogue, ou plutôt une querelle nécessaire entre tous les objets qu’elle fera comparaître. L’idée du hasard ou de la fatalité la gouvernera, au lieu de l’idée divine. Les dieux eux-mêmes n’apparaîtront guère que vers la fin, au dénouement, pour mieux témoigner qu’ils étaient absens dans le reste de la pièce. Elle vivra de haines, de méprises ; elle s’agitera dans les ténèbres du cœur de l’homme ; elle s’appellera la Poésie dramatique.

Ainsi, deux aspects différens de l’univers et du Créateur, de la terre et du ciel, et deux ordres distincts de poésie qui sont réfléchis par l’histoire. Dans l’Orient primitif, l’humanité était encore, par sa pensée, trop près de son créateur, l’unité trop respectée pour que le drame pût s’y développer dans sa forme complète. La Bible est à la fois épique et lyrique. Il faut attendre la séparation qui se fit chez les Grecs des choses divines et des choses humaines, des dieux et des titans, du temple et de la cité, pour trouver le drame sous la forme achevée de l’art.

De ces origines différentes suivent naturellement les lois spéciales de chacun de ces genres de poèmes. De-là, la différence de leurs constitutions, de leur génie, de leurs beautés, et si l’on poussait cet examen plus loin, du style et des formes métriques qui leur sont propres.

La poésie épique étant, à proprement parler, la poésie de la providence ou le jugement divin de l’histoire, il ne lui suffit pas de peindre et de montrer les choses dont elle s’occupe ; il faut encore qu’elle en dévoile les causes et les mystères. De là, pour elle la nécessité de l’assistance du ciel, que l’on a traduite, dans la langue des critiques, par le besoin du merveilleux. Cette nécessité a été tellement sentie que l’on a cru que les temps modernes sont impropres à l’épopée, sur ce fondement que le merveilleux y manque. Il est évident que l’on a confondu ici l’apparence des choses avec la réalité. L’épopée, sans doute, doit être pleine de Dieu ; on ne peut y faire un pas sans y sentir la présence céleste. Mais en quoi la scolastique s’abusait, c’était de croire que cette présence réelle dût nécessairement se manifester, comme chez les anciens, par un personnage palpable, tel qu’un Mercure, un Griffon, ou une idéalité, que l’on appelait la Renommée, la Discorde, etc. On retombait ainsi dans une idolâtrie morte. Ce n’est pas l’idole, mais le dieu, dont l’épopée a besoin. Ce n’est pas la présence divine sous la forme d’une personnalité détruite, que je cherche dans votre poème désert. Ce que je demande, c’est que les faits se succèdent au sein de la pensée divine, que cette pensée soit, pour ainsi dire, le lieu des évènemens. Voilà la première et l’unique loi du merveilleux ; et voilà aussi pourquoi Bossuet est épique, et, pourquoi Voltaire a mis le drame à la place de l’épopée.

Une seconde conséquence qui se déduit de cette première, est celle-ci. Si les évènemens qui font le sujet de l’épopée, se passent au sein de l’intelligence divine, il en résulte que ces évènemens eux-mêmes doivent être éclairés de sa lumière, c’est-à-dire que le personnage épique doit apparaître très différent du personnage dramatique. Le même personnage, conçu sous ces deux points de vue, s’exprimerait encore fort différemment, dans des circonstances d’ailleurs semblables. Dans le drame, l’homme apparaît sous le point de vue exclusivement humain. Il est plongé dans toutes les incertitudes de la réalité terrestre ; il s’agite dans les limites étroites du temps et de l’histoire, et plus le poète se plongera dans ces obscurités, plus aussi il approchera de son but. Tout autre est le personnage épique ; il a franchi l’histoire, il appartient à une région plus haute ; c’est ce que les anciens exprimaient en l’appelant un demi-dieu. L’idée nous reste, le mot nous manque. Le héros est entré dans le domaine des choses immuables ; il a un pied sur l’Olympe ; il est sur le seuil de l’éternité. De là, le devoir du poète n’est pas seulement de le faire parler comme il a réellement et humainement parlé ; non-seulement il faut qu’il lui fasse dire les choses que sa bouche n’a pas dites et que son cœur a pensées ; il faut encore qu’il lui fasse révéler le secret de sa vie, qu’il a lui-même ignoré. En un mot, il faut qu’il fasse parler en lui la providence et l’intelligence universelle, bien plus que la voix d’une personnalité solitaire et capricieuse. Le personnage épique n’est pas seulement une personne ; c’est un type, un siècle, une époque qu’il renferme en lui, et qu’il doit exprimer. Il y en a qui représentent un peuple, d’autres une race, d’autres l’humanité entière, à un certain moment ; mais quoi qu’ils fassent, ils ne sont jamais seuls avec eux-mêmes, privés long-temps de la divinité, comme le héros du drame. S’il restait sur cela la moindre obscurité, elle disparaîtrait par la comparaison de l’Agamemnon d’Homère et de l’Agamemnon d’Eschyle, ou du Cid des romanceros et du Cid de Corneille.

Le rapport de l’épopée et de l’histoire est implicitement contenu dans ce qui précède. L’épopée ne copie pas l’histoire ; elle ne la contredit pas ; elle la transforme. Elle s’empare des souvenirs du monde, comme de choses éternellement vivantes, et elle leur prête une organisation nouvelle. Le devoir de l’historien est de se transporter dans le passé, de s’identifier avec lui ; celui du poète est d’imposer à ce qui n’est plus, la figure de ce qui est, d’immortaliser le passé, le présent et l’avenir, dans un même moment qui est le moment de l’art. L’historien s’appuie sur un fait qui a été, qui ne sera plus, qui ne peut pas être autre que ce qu’il a été ; le poète s’appuie sur la tradition qui est, qui dure encore, qui se développe et s’accroît par son œuvre. Plus qu’aucune autre forme de l’art, l’épopée concourt à l’organisme de la civilisation, parce qu’elle est elle-même la transformation continue du passé dans l’avenir, ou pour mieux dire, le spectacle de la vie même, à son principe et dans son développement. Aussi les plus grands poètes ont-ils été les plus grands instrumens de changemens, dans les idées, les formes, les souvenirs et les cultes de leur époque. Homère a transformé l’Olympe, Dante le catholicisme ; Raphaël, le plus épique des modernes, a transformé tout ce qu’il a touché.

Au reste, si l’épopée émane de l’ode, il s’ensuit qu’elle est plus ou moins mêlée de poésie lyrique, selon qu’elle est plus ou moins distante de son origine. L’épopée orientale n’est pas dans le même rapport avec la poésie lyrique que l’épopée grecque, ni celle-ci que l’épopée latine. Dans la Bible, le cantique absorbe le récit. En Grèce, l’hymne et le récit sont parvenus dans Homère à un équilibre parfait. Chez les Romains, Virgile ne conserve presque plus aucune trace de l’élément sacré. La description a pris la place de la religion. Ce poète est le premier des épiques qui ait ôté à ce mot : je chante, son caractère propre et littéral. Depuis ce moment, la lyre antique a été muette. Le poète a parlé. Il a cessé de chanter.

Tout ce qui est éphémère ou artificiel dans les révolutions humaines est perdu pour l’épopée. Parmi les évènemens elle ne peut employer que ceux qui sont marqués du caractère de la nécessité et de la volonté céleste. Ceux qui flottent au caprice de la foule et qui ne sont qu’à demi, n’existent pas pour elle. De la même manière, tous les héros ne remplissent pas les conditions qu’elle exige des siens. Le poète dramatique peut accueillir les caractères changeans, contradictoires. Les incertitudes des passions humaines serviront souvent à nouer et à compliquer ses péripéties ; mais voilà où le poète épique se sépare encore diamétralement de la poétique du drame. Non-seulement, pour lui, il faut que ses héros représentent un système de faits et de sympathies générales ; pour entrer dans la voie d’airain de l’épopée, il est nécessaire que leur caractère soit immuable. Toute tergiversation leur est interdite. C’est pour ces personnages que le mot de colonne de granit a été inventé. On voit par là pourquoi, dans l’histoire, les personnages sont si rares qui peuvent supporter sans plier la dure épreuve de l’art épique.

D’après ce qui précède, il résulte aussi que la poésie que l’on appelle fiction, a souvent besoin de réalité plus encore que l’histoire. Le poète, dites-vous, donne l’immortalité ; c’est-à-dire, parmi une foule d’objets, les uns périssables, les autres faits pour durer, il fait spontanément la différence de ce qui est passager et de ce qui est éternel, quand l’univers est encore plongé là-dessus dans l’incertitude.

Le monde grec a passé par trois phases qui ont présenté chacune un système de faits propres à l’épopée. La première est la guerre des Dieux et des Titans. Hésiode ne nous a conservé que le résumé ou l’argument des poèmes perdus de cette époque. La seconde suit l’établissement des races, et, pour mieux dire, la conquête de la cité grecque. Elle est marquée par la prise de Troie et par les monumens homériques. Dans sa dernière forme, la Grèce s’est faite homme ; elle s’appelle Alexandre. Il n’est aucun doute que, sous ce nom, elle ne renfermât encore au plus haut degré l’élément héroïque. En effet, les poètes orientaux se sont emparés de sa dépouille, et jusque dans le moyen-âge, ils ont continué d’usurper cette dernière phase de l’histoire grecque. L’Orient reprenait alors ses droits par l’épopée, par la philosophie alexandrine, par le christianisme.

Il suffit de jeter les yeux sur Rome pour reconnaître que son histoire, considérée dans ses rapports avec la poésie, n’est point aussi complète que l’histoire grecque ; d’abord, l’époque et la lutte des Dieux lui manquent, et ce n’est que par des artifices infinis que Virgile est venu à bout de déguiser cette impuissance. Les Héroïdes, signalées par Niebuhr, et qui remontent à l’époque des rois, sont tellement mêlées à leurs annales, et le ciseau de l’artiste les a si mal dégagées du bloc de l’histoire, qu’elles rentrent dans les études de l’archéologue plus que dans celles du poète. Quoi qu’il en soit, l’époque la plus riche assurément que l’histoire romaine ait présentée à l’épopée, est celle où le monde antique parvint à sa plus haute unité sous la puissance du premier des Césars. Que l’on essaie de se figurer dans la langue prophétique du vie livre de l’Énéide tous les intérêts du monde antique rassemblés sur la limite de l’antiquité et des temps modernes, tant de peuples encore primitifs se groupant, avec leurs cultes et leur génie, autour de la louve romaine, dans l’attente du christianisme ; les Gaulois, les Bretons, les Germains nouvellement découverts ; en Orient, les Parthes, les Numides, les vieux et les nouveaux empires ; et au faîte de tout cela, César, à l’œil de faucon, portant dans son génie réfléchi tout le génie des temps modernes ; et que l’on dise si l’épopée ne s’est pas trouvée là. Lucain en eut le pressentiment ; par malheur, il fut embarrassé par la guerre civile. La ville lui cacha le monde.

L’histoire des temps chrétiens n’a pas présenté moins souvent que l’antiquité les conditions nécessaires de l’épopée. Il suffit de rappeler ici le christianisme sous la forme du catholicisme au moyen-âge, — l’ébranlement et le renouvellement du monde par les races barbares, sous la figure de Charlemagne et des douze pairs pour le Midi, de Siegfried et des Nibelungen, pour le Nord, — le règne des Arabes en Orient, — l’opposition du Christ et de Mahomet, — la lutte des Maures et des Espagnols, — les croisades, — la prise de Jérusalem, la Troie chrétienne, — la lutte des Normands et des Anglo-Saxons, — l’Amérique découverte, — l’humanité achevant d’enserrer le globe par la découverte des Portugais, etc.…

À cette série d’évènemens correspondent un grand nombre de monumens épiques : tous ces monumens n’ont pas atteint la perfection de l’art ; beaucoup ont été altérés par l’imitation des anciens ; d’autres, au contraire, ne franchissent pas les bornes de l’art populaire ; d’ailleurs, on retrouve parmi eux les phases marquées plus haut. La période religieuse est naturellement signalée et close par la Comédie divine. La période héroïque se compose, en Orient, de l’Antar des Arabes, du Schanameh des Persans ; en Occident, de Boiardo, d’Arioste, de Camoëns, de Tasse, etc… À cette phase des héros se rattachent les sagas scandinaves, — les Nibelungen, — le livre des héros, les romanceros espagnols, les poèmes chevaleresques d’Arthur et de Charlemagne, les fragmens des chants des Bohêmes, le Marco des Serbes, le Robin Hood des Anglo-Saxons, etc… La troisième époque est l’époque philosophique. Sous cette dernière forme, ce n’est plus seulement une race, un peuple, c’est l’homme pris en général, qui fait le sujet de l’épopée. Cette période, ouverte par le Paradis perdu, plutôt indiquée que remplie par Goëthe et par Byron, est encore à son commencement.

Si l’épopée est une des conditions attachées nécessairement au spectacle du monde, si elle n’est pas autre chose que ces évènemens eux-mêmes se développant au sein de l’intelligence universelle, il s’ensuit que l’épopée est en soi aussi impérissable que la nature et que l’histoire ; mais il est arrivé fréquemment que les critiques ont confondu l’épopée elle-même avec la forme consacrée chez les anciens ; et ne retrouvant plus le type qu’ils s’étaient formé dans leur esprit, ils ont nié plus d’une fois la présence des élémens épiques qui se remuaient sous leurs yeux. D’autres ont pensé que, de nos jours, l’épopée entière est réfugiée dans le roman. Ici, on ne peut nier que le principe de l’individualité s’étant développé à l’excès dans les temps modernes, cette épopée rapide de la vie intérieure et cachée, que l’on nomme le roman, a dû acquérir dans l’art une importance inconnue chez les anciens ; mais le poème héroïque et le roman sont deux formes de l’épopée moderne qui co-existent de la même manière que la cité et la famille ; aussi est-ce une des premières lois de la poétique du roman de ne point laisser s’effacer ses héros devant les héros de l’histoire et du monde. Par-delà ses personnages, on entrevoit sans doute les empires et les peuples qui passent au loin ; seulement, ni ces peuples qui passent, ni ces états qui croulent ou qui surgissent, ni ces vastes aventures du genre humain, ne peuvent devenir à lui son objet immédiat ; il périrait, le jour où, cessant d’être individuel, il se ferait, à proprement parler, social et héroïque. La différence du roman et de l’épopée est celle de l’homme et de l’humanité. Ces deux formes sont marquées dans l’antiquité par l’Iliade et par l’Odyssée. Chez les modernes, Boccace n’a pas détrôné Dante. Richardson n’exclut pas Milton. Cervantes ne détruit pas Camoëns.

S’il était besoin d’ajouter une confirmation à ce qui précède, je dirais que, de nos jours même, il est des formes épiques que jamais le roman, quoi qu’il fasse, ne pourra résumer. Ces élémens sont les chants populaires. On n’ignore pas que dans l’Europe entière se reproduisent ces chants où chaque nation recueille d’une manière spontanée, et dans sa langue vulgaire, les phases de son histoire et les impressions qu’elle en reçoit. Ces chants en vers formeraient dans leur ensemble, si on les recueillait, la véritable épopée populaire des temps modernes ; ils seraient, pour la société actuelle, ce qu’ont été les chants du Cid pour la société espagnole du moyen-âge. Or, il est évident que le roman, sans cesser d’être, ne peut pas se faire l’écho littéral de ces voix, de ces rhythmes, et que ses préoccupations sont ailleurs. Quand même il les tournerait de ce côté, je demande encore, comment la forme populaire, cadencée, métrique, serait pleinement résumée dans sa prose ? et par quel renversement d’idées il arriverait ici que la littérature non écrite se trouverait plus savante que la littérature des livres, et que le peuple aurait aujourd’hui une forme plus cultivée que le poète et que l’artiste ?

De nos temps l’épopée n’est plus la propriété d’un peuple à l’exclusion d’un autre ; elle n’est tout entière chez aucun ; mais elle est toute en nous ; elle se rencontre dans cette vie de haine ou d’amour qui les emporte ensemble vers l’unité du monde futur. De là résulte, si tous les peuples agissent et comparaissent aujourd’hui dans le poème social, que la poétique, qui règle cette œuvre d’art, n’est plus strictement enfermée dans les lois propres à aucun d’eux. L’art poétique qui règle l’épopée, ne peut plus être désormais pour personne, ni français, ni allemand, ni anglais, ni espagnol, ni italien. Il faut ici que l’artiste se fonde, non plus sur une législation particulière, mais sur la loi même qui ressort du monde moderne. Milton ne peut pas plus que Boileau fixer ce nouvel art poétique, ni Klopstock plus qu’Arioste. Cette loi ne se déduit que de l’observation complète de l’humanité contemporaine.

Or, si l’on envisage le monde social dans ses rapports avec l’art et la poésie, on trouve qu’il présente à l’artiste et au poète deux instrumens de nature très différente, parmi les populations modernes. Les unes sont placées encore, en ce qui regarde l’art, dans cette simplicité primitive qui devance les littératures formées : ce sont les Slaves avec tous leurs alliés, les Russes, les Serbes, les Hongrois, les Albanais, les Grecs modernes, puis les populations orientales, turques, circassiennes, arabes. Chez elles, l’art est encore un chant ; l’épopée se rencontre là sous sa forme la plus simple et la plus élémentaire. D’autres populations, au contraire, et ce sont celles chez lesquelles se trouve l’initiative sociale, ont quitté, dans la poésie, la forme spontanée, et sont arrivées à l’époque philosophique et scientifique ; c’est la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne. Là encore, ces deux élémens de l’art réfléchi et de la poésie primitive se rencontrent quelquefois, comme il arrive dans certaines parties montagneuses de l’Italie, de l’Espagne, de l’Irlande, de l’Écosse et dans la Bretagne française.

La première conséquence à tirer de là, c’est que le poète qui cherchera à reproduire l’humanité contemporaine, sera obligé de satisfaire à ces deux ordres de faits. De la même manière que l’épopée grecque renfermait en soi les différences et les génies épars des populations ioniennes, doriennes, orientales, occidentales, le poète de nos jours devra représenter à la fois le génie spontané et le génie réfléchi, l’élément populaire et l’élément philosophique de l’humanité moderne. Le problème de son art, à lui, est de combiner, sans les détruire, les deux formes propres à ces élémens opposés, pour en produire une troisième, laquelle sera le fondement et la législation de l’avenir.

L’art, en France, a déjà revêtu trois caractères principaux, et parcouru trois époques. Il a été sacerdotal jusqu’au xe siècle, féodal jusqu’à la renaissance. Depuis la renaissance, il a été exclusivement monarchique. La phase qui lui reste à parcourir, est sa phase dans la démocratie. Sous cette forme, il sera plus spécialement, comme la France de nos temps, social et cosmopolite.

Chacune de ces périodes de l’art a eu son héros qu’elle a reconstitué à sa manière. Au sacerdoce, Arthur ; à la féodalité, Charlemagne ; à la monarchie, Louis xiv ; à la démocratie, Napoléon.

Napoléon, de quelque façon qu’on l’envisage, ou par l’amour ou par la haine, satisfait à la première condition du personnage épique, qui est d’absorber en soi une génération tout entière. Son caractère dans l’histoire est de représenter le développement de l’individualité dans les temps modernes. Ce doit être aussi là son caractère dans la poésie. Sitôt que vous le placez dans votre poème, il y règne ; il absorbe tout comme dans son empire. Aussi la poétique alexandrine ou féodale ne peut-elle en aucune manière lui être appliquée. Il n’est avec ses compagnons dans aucun des rapports où Achille est avec Ajax, et Charlemagne avec les douze pairs. Dans son épopée ne se rencontrent véritablement que trois personnages, — lui, — le peuple, — le monde. — Le dialogue ne se passe qu’entre eux ; tout autre héros qui interviendrait dans cette scène succomberait sous le faix. Sans doute, d’autres noms, d’autres personnages peuvent passer et agir par accident dans ce poème ; mais aucun ne peut y demeurer et s’y fixer aux côtés du héros ; l’isolement est sa loi, jusque dans le royaume de l’imagination. La force poétique des hommes qui l’entourent réside dans les peuples ; les en séparer, c’est les détruire.

En un mot, dans le poème moderne, l’action n’est plus partagée comme chez les anciens entre plusieurs personnalités égales entre elles, mais entre une personnalité d’un côté et le monde de l’autre. Voilà l’une des premières lois que l’on rencontrera, je crois, toutes les fois que l’on réfléchira sur ce sujet.

D’une autre part, la poésie n’a pas seulement pour but de représenter Napoléon tel qu’il s’est montré aux contemporains. Autrement elle rentrerait dans l’histoire et s’abdiquerait elle-même. Entre Napoléon et nous, surgit un élément dont il est impossible de ne pas tenir compte. Cet élément, c’est le temps qui nous sépare de lui. Napoléon nous apparaît nécessairement aujourd’hui dans une tout autre perspective qu’il n’apparaissait aux contemporains. Pour nous, qui ne l’avons pas vu, nous ne pouvons pas nous replacer au lieu précis de la génération qui nous a devancés, sans que nous ne mettions l’archéologie à la place de la poésie. Les formes sous lesquelles le passé apparaît aux hommes de notre temps, voilà pour le poète la vraie réalité. D’ailleurs, chaque peuple s’est fait déjà dans la tradition son Napoléon à lui. Celui de l’Orient n’est pas celui du Nord ; celui du Nord n’est pas celui du Midi ; mais c’est de ces types différens que doit sortir et se former peu à peu le type du Napoléon épique, qui ne sera pas autre chose que le Napoléon de l’histoire, vu à travers les changemens de l’espace et de la durée.

Dans l’avenir de la France, les guerres de la révolution et de l’empire formeront les âges héroïques de la démocratie ; et de la même manière que Charlemagne, à l’aurore de la féodalité, est devenu le héros de la poésie féodale, tout de même, Napoléon deviendra le héros de la poésie populaire.

Au reste, à mesure que la démocratie s’éloigne de son âge héroïque, et qu’elle entre dans la pratique de ses droits, elle a, comme tous les pouvoirs réguliers qui l’ont devancée, son art et ses artistes, mais elle n’est plus tout cela elle-même ; les peuples ont leurs poètes quand eux-mêmes ils ne sont plus poètes. Aussi les chants populaires, dont il a été question plus haut, se perdent chaque jour, et ne se reproduisent plus ; encore quelque temps, et leur souvenir même se dissipera. Dans ces circonstances, comme dans toutes celles qui leur ont ressemblé, le poète devient naturellement l’écho de ces voix qui s’éteignent. Il élève instinctivement aux formes de l’art réfléchi et de la poésie écrite cette poésie traditionnelle et orale ; et sa mission est de transcrire à sa manière les chants des derniers rapsodes que la civilisation va achever de détruire.


Edgar Quinet.
  1. Ce travail de M. Edgar Quinet sur la poésie épique sert d’introduction au poème de Napoléon, attendu avec tant d’impatience. L’épopée de M. Quinet n’appartient pas à cette régulière dynastie de poèmes inaugurée par l’Énéide. Sa manière s’inspire bien plutôt des traditions populaires et de l’enthousiasme sympathique de toute une nation. C’est un ensemble de chants faisant cycle, dans le genre des romances du Cid, des récits des Niebelungen. Une pareille œuvre, venant d’un écrivain aussi consciencieux, ne peut manquer de soulever de graves questions dans le public.
    (N. du D.)