Description de la Forêt noire/1

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Traduction par Anonyme.
chez les veuves sulamites, aux petits appartements de Salomon (A. Boutentativos). (p. 7-9).

CHAPITRE PREMIER.

Du nom de cette Province, et d’où il dérive.


Tout change et doit changer dans le cours des choses humaines, sur tout ce qui dépend des femmes, et la province que nous allons décrire, est sous leur domination immédiate. Il n’est pas jusqu’aux noms de plusieurs pays qui n’aient souvent varié ; en sorte qu’ils sont aujourd’hui bien différens de ceux qui désignaient autrefois les mêmes contrées. J’en citerai, pour exemple, le Boristhène, qui a troqué ce nom grec, ancien et si doux, pour celui de Niéper, terme russe, dur et nouveau.

Le Merryland, semblable en cela à beaucoup d’autres contrées, a aussi été connu sous un grand nombre de dénominations diverses ; et, peut-être, en peut-il compter autant qu’il y a d’endroits de la terre où l’on parle de lui. Mon dessein n’est pas d’ennuyer, d’excéder ici mon Lecteur par la longue liste de ces noms, ni de faire une dissertation fatiguante pour décider lequel lui convient le mieux : qu’il suffise qu’on l’appelle ici Merryland, ainsi nommé (suivant ce que nous ont dit les plus savans amateurs de médailles), du mot grec rorxou, c’est-à-dire, j’inonde de parfums, unguentis inungo, faisant sans doute allusion à la nature onctueuse du terrein, ou bien à la pratique singulière de quelques peuples qui l’habitent, dont les historiens rapportent, in lætitiá unguentis utebantur, erantque remorisrenos, c’est-à-dire, unguentis et oleo delibuti.

Ce pays s’appelle en français terre de joie, du mot grec Agallirou, c’est-à-dire, lætitiá exulto. Toutes ces dérivations me semblent également probables, et ont beaucoup de rapport avec les plaisirs que l’on goûte dans plusieurs parties du Merryland, desquels nous ferons une ample mention dans les chapitres suivans.

Je ne prétends cependant point donner toutes ces etimologies comme certaines. C’est une chose trop intéressante pour tout le monde, pour rien hasarder légérement sur un semblable sujet, et je crois qu’il est bien plus prudent de le soumettre aux judicieuses dissertations, et aux infiniment respectables arrêts de la société utile et savante des antiquaires de Paris. Je suis, néanmoins, dès-à-présent, persuadé de la juste étimologie des noms qu’on donne au Merryland en haut allemand et en hollandais. Les premiers le nomment Froolish-land, et les seconds Droolish-landt.