Deux Papas très-bien
DEUX PAPAS TRÈS-BIEN
ou
LA GRAMMAIRE DE CHICARD
COMÉDIE-VAUDEVILLE
EN UN ACTE
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal
le 6 novembre 1844.
COLLABORATEUR : M. LEFRANC
ACTEURS qui ont créé les rôles. | ||
POUPARDIN, négociant, père de Camille. | MM. | Leménil. |
TOURTEROT, propriétaire, père de César. | Grassot. | |
CÉSAR, médecin. | Germain. | |
GÉLINOTTE, avoué. | Lacourrière. | |
MÉDARD, domestique de Tourterot. | Dubleix. | |
CAMILLE, fille de Poupardin. | Mlle | Juliette. |
Le théâtre représente un salon avec trois grandes portes ouvertes au fond sur un jardin. — Portes à droite et à gauche. — Chaises, fauteuils, etc.
Scène première
Enfin un déjeuner chicocandard !
Chicocandard… c’est clair… je comprends parfaitement… (Descendant la scène.) Eh bien, non !… à présent que je suis seul… je peux m’avouer ça à moi-même… je n’y comprends rien du tout !… mon nouveau maître a un si drôle de jargon !… Il paraît que c’est depuis son voyage à Paris… Ah ! il a de drôles de mots tout de même chicard… chicandard… chicocandard !… un vrai tintamarre !… quoi… Si bien que je suis toujours à me demander ce qu’il a dit, trois quarts d’heure après qu’il a parlé… C’est ma faute, bien sûr, c’est ma faute…
Là !… voilà mon écriteau terminé.. Médard !…
Monsieur !
Tu vas m’accrocher ça au-dessous du balcon.
Oui, monsieur.
Qu’est-ce que tu dis de ça, toi ? À brocanter, joli petit bazar entre cour et jardin.
Vous avez un bazar à… ?
Mon bazar ou ma souricière, comme tu voudras.
Ah !
Ah !… Il ne comprend pas !… quel serin que ce Médard ! Mais je te pardonne… tu n’es pas forcé de connaître les progrès de la langue ; tu es de Châtellerault… il faut te parler le patois de Châtellerault… Toi, tu mettrais tout bêtement : À vendre, jolie petite maison, entre cour et jardin.
Vous vendez votre maison ?
Eh bien, franchement, je n’aurais jamais compris…
Vous êtes si melons à Châtellerault !
Possible ; Mais, quand on s’adresse aux melons… qu’on veut être compris des melons, m’est avis qu’il faut leur parler le langage… melon.
Cet esclave pourrait dire vrai… Alors, va prendre l’ancien écriteau qui est dans le grenier… Mais que va dire mon fils à son arrivée, en retrouvant sa paternité si rococote !
Votre fils ?
Oui, mon fils, mon moucheron, qui arrive aujourd’hui de Paris, le foyer du beau langage… Il m’appellera perruque… Ah ! dame ! c’est qu’il en pince crânement, lui !… Si tu l’entendais ! quelle platine !
À Paris, tout le monde parle donc comme ça ?
Tout le monde ?… Ah ! non ; les gens de la haute seulement, ceux qui donnent le ton… Il y a dix-huit mois, quand j’ai été passer une quinzaine avec mon jeune homme, alors simple carabin, je sentais mon Châtellerault d’une lieue, j’étais ce que l’on appelle un vrai cruchon ; mais peu à peu je m’y suis mis, je me suis fait présenter dans les meilleures sociétés… Il y avait surtout un ami de César, un nommé le père Lahire… Ah ! les belles fêtes de nuit qu’il nous a données, celui-là, dans son parc, boulevard Montparnasse !… c’était princier… illuminations a giorno, orchestre Musard, montagnes russes et gardes municipaux… toutes les douceurs de la vie !… Ah ! je peux dire que j’ai goûté des plaisirs bien purs dans cette chaumière !… J’y ai vu la jeunesse dorée, tout ce qu’il y a de plus flambart dans la capitale, et il m’en est resté un certain vernis… Ah ! si César n’avait pas cessé tout à coup de m’écrire, je dialoguerais aujourd’hui d’une façon un peu mouchique !
Comment ! Est-ce que, dans ses lettres, M. votre fils…
Il écrit comme il parle… Quel style ! comme c’est fignolé !… Tu n’es pas sans avoir entendu parler de madame de Sévigné… Eh bien, franchement, ça la dégotte… Mais je ne sais pas pourquoi, depuis qu’il a été reçu docteur, depuis six mois environ… n-i, ni, fini, bonsoir à vos poules, plus de correspondance… Et moi qui avais besoin d’être entendu dans la chose… je me rouille… je me dégomme… je rentre dans mon vieux cabriolet.
Ah ! la belle femme !
Tu trouves ? Eh ! eh ! eh !… c’est mon épouse, la défunte à papa… (Il se désigne du geste.) Un assez beau faciès, hein ?… ça flatte un veuf… Allons, va mettre l’écriteau, va !
J’y cours, bourgeois, j’y cours !
Comment, j’y cours ?… Arrive donc ici, toi, phénomène… Dans le beau monde, on ne dit pas « Je cours !… » on dit : « Je me la casse… » ou bien : « Je me la brise. »
Ça suffit, bourgeois… je me la brise.
Scène II
Jobard ! lui aussi, il croit que c’est ma femme… Allons donc ! elle était grêlée… Mais, un jour, en passant devant le Mont-de-Piété, rue des Blancs-Manteaux… on vendait ceci… ça tient vingt-cinq grammes et ça flatte un veuf… adjugé à papa. (Il prend une prise.) Là !… maintenant, M. Poupardin et sa fille peuvent abouler quand bon leur semblera… Il est cocasse, ce père Poupardin : pourquoi ne pas dire tout bonnement à sa fille : « Voilà… tu es d’âge à prendre un mari… j’y ai songé… j’ai trouvé ton blot… appuie-toi sur mon aile, et en route pour Châtellerault, nous allons piger et le futur… » Eh bien, non… il lui faut des tournures… il a voulu l’amener ici sous prétexte d’acheter un bien-fonds… il veut qu’elle rencontre mon rejeton par hasard… qu’il lui fasse l’œil sans en avoir l’air, et que leur bonheur se bibelote ainsi en douceur et comme sans préméditation… C’est une idée qu’il a, je la respecte… Quant à moi, j’ai tout uniment écrit à César : « Allons, ho ! du lest !… au reçu de la présente, file ton nœud vers le toit paternel ; j’ai levé pour toi une jeune poulette que je brûle de te conjoindre : c’est la fille d’un homme très bien, membre de l’académie d’Étampes, et qui a publié d’immenses travaux sur l’i grec et le point d’exclamation… Quant à la dot, cinquante mille balles. Ça doit t’aller, viens-y ! » Et je l’attends, c’est bien plus nature.
Scène III
Monsieur, l’écriteau est perché.
Et le déjeuner ?
Sur le gril.
Et mon fils qui n’arrive pas !… Où peut-il être ?…
Sur le gril, monsieur.
Quel haricot que ce Médard !
« Maison à vendre… » Je touche, ce me semble, au but de mes pérégrinations. (À Médard.) M. Tourterot, rentier ?
C’est ça, monsieur.
Je viens pour… l’immeuble.
Monsieur Poupardin, connu !… (Ils se serrent la main.) Et votre fille… votre accessoire ?
Il était bon que je la laissasse un moment dans la carriole… ayant une ouverture à vous faire seul à seul.
Ah !… allez.
Personne ne peut nous ouïr ?
Personne.
J’éprouve le besoin de me mettre à nu devant vous.
Ah !… allez.
Monsieur, pères tous deux, nous nous distinguâmes, nous nous écrivîmes, nous nous convînmes et bientôt nous caressâmes un projet d’alliance entre votre fils et ma…
Et votre unique.
Qu’importe ? Dans notre famille, nous ne tenons pas à la monnaie ; vous couperez le gâteau en deux, voilà tout… Et où est-il, ce jeune biberon ?
Plaît-il ?
L’autre, le numéro 2.
L’autre ? je l’ignore… (Avec fatuité.) Cela tient à des circonstances…
Ah ! gaillard !
J’étais garçon, alors, monsieur, et voyageur de commerce. Or, vous savez que, dans cette arme… Mais je ne sais si je dois…
Allez donc !… je ne suis pas chipie, faites votre jeu.
Pour bien élever son enfant
Faut avoir connu la bamboche ;
On est toujours plus indulgent
Lorsque l’on n’est pas sans reproche.
Du cœur on pardonn’ les écarts
Quand pour l’amour on fut précoce..,
Et, pour bien marier ses moutards,
Il faut qu’un père ait fait la noce.
À Châtellerault ? Ici ? Ah ! mais ça me pique… je commence à être piqué…
Dans l’intention évidente d’échapper aux douceurs de ce chef-lieu, plus célèbre par sa coutellerie que par son architecture, j’allais prendre la diligence. À cet effet, enveloppé d’un carrick, et ma valise sous le bras, je longeais un sentier obscur que je n’hésiterai pas à qualifier de ruelle…
C’était la grande rue.
Lorsqu’une petite porte s’ouvre à proximité… une voix flûtée en sort et articule : « C’est toi, Arthur ? » Je me nomme Edgard !… Mais, comme le timbre était flatteur, je réponds : « C’est moi, Arthur ! » Qu’eussiez-vous fait à ma place ?
J’aurais coupé dans le même pont… d’autant plus qu’Arthur, c’est le petit nom à papa.
Ah !… Je franchis le seuil, le cœur plein d’émotion et ma valise sous le bras… (Avec gaillardise.) Que vous dirai-je ?…
Rien de plus… Compris !
Quelques instants après, une lumière voisine vint, hélas ! trahir mon incognito… À la première lueur de ce gaz inattendu, la belle inconnue poussa un cri.. Ah !… Arthur, c’était un autre voyageur qu’elle attendait.
C’est pénible !
Je fis de vains efforts pour la calmer… elle se révolta, s’emporta, se gendarma, et…
Et elle vous flanqua à la porte…
Juste !… J’en fus navré… d’autant plus qu’en débouchant chez MM. Lafitte et Caillard, je m’aperçus que j’avais omis ma valise.
Fichtre !… Elle contenait des valeurs ?
Trois pantalons de nankin et une redingote de bouracan… Déjà j’en avais fait le sacrifice, lorsque, un an après… elle vint me rejoindre à Étampes…
Votre inconnue ?
Non… ma valise.
Avec son contenu ?
Signé ?
Trois étoiles.
Nous n’avons personne de ce nom-là !
Je me conformai scrupuleusement à ce vœu. J’avais ma valise et… Mais, en revoyant Châtellerault, je n’ai pu me défendre d’un certain tiraillement… Est-ce l’espérance qui m’agite ?…
Oh !
Est-ce le cahot de la voiture ?…
Ah !
Je l’ignore… Mais je vous devais cet épanchement. Maintenant, parlons d’autres choses… Voyons… ce mariage…
Il vous bottera… D’abord, voyez-vous, pour ce qui est du César…
Voici, mademoiselle.
Chut !… ma fille !
Scène IV
Je vous dérange ?
Mais non ! viens donc ! (La prenant par la main.) Permettez que je vous présente ma fille.
Mademoiselle… (Bas à Poupardin.) Chic !… très chic !
Hein ?…
Je dis : chic, très chic.
Elle désirait que je la promenasse… j’ai pensé qu’il était bon que je m’exécutasse et que je l’emmenasse…
C’est un subjonctif à jet continu que ce beau-père.
Afin qu’ensemble nous vissions, nous décidassions et nous terminassions…
L’acquisition… (À part.) Il parle comme Napoléon… Landais.
Mais avant tout…
Avant tout, nous casserons bien une petite croûte.
Soit, j’obtempère à ce vœu.
Médard ! (Médard paraît.) Allons, Médard, en avant la gobichonnade !
On y est, bourgeois.
Et puis tu passeras chez Me Paillotet, le notaire. Tu lui diras qu’il vienne tout de suite.
Oui ! dar… dar… quoi !… dar… dar…
C’est ça : dar… dar… Eh bien, mais il va, ce petit… il va très bien.
Scène V
Dites donc, elle nous gêne pour causer, votre demoiselle ; est-ce qu’elle ne va pas se pousser un peu d’air ?
Elle nous embarrasse, ôtez-la. (Faisant geste de déplacer quelque chose.) Ôtez-la.
Ah ! très bien !… un tour de jardin, très bien !…
Ça peut se dire aussi comme ça.
C’est rationnel…
Et champêtre.
Dis donc, Camille… dans l’hypothèse où la sérénité de la température t’inviterait à…
À m’aller promener… Mais, papa, j’aime mieux rester, si cela vous est égal…
Comment donc !…
Parlez de vos affaires… je n’écoute pas.
Aurait-elle levé notre lièvre ?
J’en ai le trac.
Vingt-deux ares trente-trois centiares… ce qui nous donne…
Bien du mal pour me cacher une chose que je sais parfaitement.
Et quoi donc, s’il vous plaît, ma fille ?
Ne faites donc pas le discret : ma tante m’a tout dit avant de partir… Je sais qu’il s’agit d’un mari.
C’est nous qui posions… Elle est bonne, je la trouve bonne, la petite.
Comment ? ta tante… ! Ah ! c’est mal, je vitupère son indiscrétion… Enfin, monsieur, nous pouvons nous ouvrir, maintenant qu’elle sait tout.
Ouvrons-nous, ça me chausse.
Cet homme a une façon d’exprimer sa pensée qui confond mon intellect.
Primo, d’abord, et d’un, j’ai l’honneur de vous présenter votre futur beau-père, un petit gris qui n’est pas encore trop déchiré, comme vous pouvez voir.
Ah ! c’est M. votre Fils…
Ah !… c’est un joli cavalier ?… Et… est-il bien pâle ?…
Je ne pourrais pas vous dire… parce que, comme il a une barbe qui lui prend là… jusque-là… mais il doit être pâle… en dessous.
Et sa clientèle ?… j’aimerais assez que vous touchassiez cette corde.
Sa clientèle ?… Ah ! dame !… dans le commencement, il y a eu du tirage… mais, maintenant, ça boulotte, surtout depuis qu’il a mis une queue à son nom… depuis qu’il se fait appeler le docteur Césarius… vous comprenez, César, Césarius… Il s’est fait Polonais, parce qu’à Paris, en médecine, si on n’est pas un peu Polonais… Il est si ficelle, mon jeune homme… (À Camille.) Vous verrez comme il est ficelle.
Ficelle !
Ficelle !
Et, à Paris… un docteur… ça se met bien, n’est-ce pas… ça suit la mode ?…
Bouffarde ! Qu’entendez-vous par ce substantif ?
Sa bouffarde ?… c’est Dagobert, sa pipe favorite, ainsi nommée parce qu’elle est culottée.
À l’envers ?
Farceur !… Ah ! c’est qu’il est très voluptueux sur les pipes… Faut voir chez lui, il en a mis partout, jusque dans la bouche de ses têtes de mort.
Il a des têtes de mort ?
Dans tous les coins… C’est gentil, ça meuble.
Ah ! l’horreur !
Non… je vous assure que ça fait très bien, surtout à côté d’un petit écorché.
Ah ! mon Dieu !… un écorché aussi ?
En cire… Ah ! le bel écorché… c’est parlant ; et puis c’est commode… On entre, on ne sait où placer son chapeau… (Il fait le geste.) Flac !
Mais comprends donc, puisqu’il est médecin, tout cela est pour lui d’utilité professionnelle.
C’est avec ça qu’il a appris à disséquer.
Il dissèque ?
Comme un ange !… et il vous coupe une jambe que c’est un plaisir ; psit ! c’est fait !… On ne s’en aperçoit que lorsqu’on veut marcher… dit-on.
Quel horrible portrait !
J’espère que je le fais mousser.
Allons-nous-en, papa, je ne pourrais jamais consentir…
Permets, ma fille… les bienséances, les convenances. (À Tourterot.) Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur…
Ne parlons pas de ça… J’ai fait prévenir Me Paillotet le notaire, et…
Mais, avant d’aller plus loin, il serait opportun, je crois, que nous appréciassions…
Le futur ?… Je la partage, monsieur, J’y abonde… Mais comment donc !… il va venir, vous pourrez l’allumer sous toutes ses faces… Oh ! mais je suis bien tranquille… il vous empaumera.
Vous dires, monsieur ?
Vous serez paumé, je ne vous dis que ça, vous serez paumaqué.
Paumaqué !
Scène VI
Monsieur, le déjeuner est servi.
Ah ! ce n’est pas dommage… Et le notaire ?
Il va venir… il est en train de passer son habit noir.
Très bien !
Ah ! ce pauvre notaire qui va se déranger
En attendant, allons toujours tortiller.
Qu’est-ce que vous voulez tortiller, monsieur ?
Des aliments… des comestibles…
Ah ! vous voulez dire satisfaire les organes nutritifs ?… Viens, Camille…
Mais, papa…
Bah ! cela n’engage à rien. (Haut.) Ma fille et moi sommes prêts à faire honneur à votre collation.
Chaud, chaud
Pendant qu’il est chaud,
Il faut
Prendre un déjeuner d’assaut !
Un sot
Pourrait seul rester manchot
Tantôt
En face de mon fricot !
Chaud, chaud
Pendant qu’il est chaud,
Il faut
Prendre un déjeuner d’assaut !
Bientôt
Nous allons dire au galop
Un mot
À ce qu’il nomme un fricot !
Boire sans vergogne
Un bourgogne
Qui cogne,
C’est pectoral
Et ça garnit l’ bocal.
Reprise
Chaud, chaud,
Etc.
Scène VII
Tiens, ils vont déjeuner !… Il suffit donc de se présenter comme acquéreur pour être invité à… ? C’est bon à savoir ; quand je serai sans place, j’irai marchander des propriétés.
Décidément je me fais un vrai scrupule de déplacer inutilement cet officier ministériel. (À Médard.) Jeune homme, vous venez de chez maître Paillotet ?
Eh bien, auriez-vous l’extrême obligeance de vous y transporter incontinent ?
J’y cours !
Pour lui dire ?…
Qu’il se dépêche.
Au contraire, pour le prier d’ajourner indéfiniment sa visite.
Tiens ! (Haut.) Ca suffit, monsieur, je me la casse.
Là ! comme ça, je déjeunerai sans perplexité ; ce pauvre notaire !
Il paraît que la souricière ne leur sourit pas… et pourtant, ils déjeunent : ce sont des pique-assiettes.
Scène VIII
Le nouvel avoué de Châtellerault ! Viendrait-il aussi pour la maison ?
Un domestique… tâchons de savoir… (Haut.) Dites-moi, jeune indigène ; ils sont ici, n’est-ce pas ?
Ici, qui ?
Un monsieur d’un âge… chauve… et une jeune personne d’une tournure…
Oui, Monsieur, Oui… ils déjeunent.
Ah ! ils déjeunent ?
Oui ; et je dois vous prévenir que leur intention est aussi d’acquérir.
D’acquérir… qu’est-ce qu’il chante là ? (Haut.) Pourriez-vous me fournir quelques renseignements ?
Volontiers… je crois que ça fera votre affaire… position magnifique… et assurée.
C’est une bonne chose, parce que les assurances… et puis, je la crois gaie.
Qu’est-ce qui n’a pas ses jours de souffrance !
Pourvu que ça soit bien bâti et que ça ne fume pas…
Parbleu !
Ah ! drame, c’est qu’à Châtellerault elles fument toutes.
Gélinotte. Comment ! les demoiselles… ?
Eh non ! les maisons.
Je vous parle demoiselles, et vous me répondez…
Mais non ! c’est moi qui vous parle maison et vous qui… Ne venez-vous pas pour acheter la propriété ci-incluse ?
La propriété ?… (À part.) Elle est à vendre !… au fait, ça me fournit une entrée, et je verrai par moi-même… (Haut.) Eh bien, oui, puisqu’on ne peut rien vous cacher, je viens pour acquérir.
Alors, vous allez déjeuner.
Moi, Gélinotte ?
Vous, Gélinotte ; vous venez pour voir la propriété, vous venez pour l’acheter… pour lors, allez vous mettre à table… c’est l’usage du pays.
Du moment que ça fait partie du cahier des charges…
Allons, dépêchez-vous… Tenez, par là… Moi, j’ai une commission à faire, et, comme ça presse… bon appétit ! je me la brise !…
Scène IX
C’est elle, Plus de doute !… elle que j’ai rencontrée à Étampes, il y a quelques mois… elle que je retrouve à Châtellerault, avec son cœur, avec sa dot… tous deux, je l’espère, exempts d’hypothèques… En voilà un hasard !… J’étais là tranquillement sur la place, à causer avec le facteur, qui me remettait un paquet de lettres venant de Paris… tout un arrérage de correspondance que je me suis fait transmettre ici, depuis que j’y ai planté mes lares… et que je lirai en temps utile… Tout à coup, deux êtres d’âge et de sexe différents frappent mes regards… l’un vieux et laid… c’était le père… l’autre blanche et rose, c’était la fille… Je quitte le facteur, je cours… je les vois entrer ici, je me glisse comme un serpent… et je tiens leur trace… Mais quelle chance ! la retrouver juste au moment où j’aurais tant besoin de quarante-neuf mille sept cents francs pour compléter le prix de ma charge… une charge de cinquante mille francs !… que je ne puis pas payer en reconnaissances du Mont-de-Piété… et je n’ai pas d’autre papier-monnaie… Il est vrai que le père m’a déjà refusé une fois sa main… mais, alors, j’étais sans charge… et, maintenant… je dois quarante-neuf mille sept cents francs… c’est une position, ça… Oh ! il faut absolument…
Je lui ferai sommation
De prêter l’oreille à mon dire,
D’admettre, par provision,
L’amour que sa beauté m’inspire ;
Elle invoque l’ajournement ;
Mais je plaide avec tant d’instance,
Qu’enfin j’obtiens mon placement
Avant la fin de l’audience.
Scène X
Je n’y veux plus tenir !… ce vieillard a une trivialité d’élocution qui me coupe l’appétit et m’intercepte l’œsophage.
C’est elle !
Et je doute que son fils te conduise jamais à l’autel.
Monsieur, mademoiselle…
M. Gélinotte !
Que nous possédâmes à Étampes pendant le laps d’un mois.
Lui-même.
Comment cela va-t-il ?
Mais pas mal, pas mal, surtout depuis que je suis avoué à Châtellerault.
Ah !… je vous offre mes congratulations… Vous voilà sur un bon pied.
Vous trouvez ?… Eh bien, monsieur, maintenant, pourquoi refuseriez-vous, pour votre fille, un mari qui serait sur ce pied-là ?
Comment ! monsieur, vous pensez encore.
À vous ? oui, toujours !… Est-ce qu’on peut oublier cet assemblage fantastique de toutes les grâces ?
Et je le nourris toujours, monsieur ; je le nourris plus que jamais, aujourd’hui. (Avec amabilité.) Sans savoir, hélas ! si j’en serai plus gras !
La parole de ce garçon est fleurie… Il me plaît, parce qu’il est fleuri… (Haut.) Permettez, jeune homme, votre apostrophe, quoique brusque, n’est pas froissante, et j’avoue tout d’abord que, si ma fille répondait…
Oh ! Monsieur !… je me leurre, peut-être… je me berce sans doute… mais il m’a semblé que, pendant mon court séjour à Étampes, Mademoiselle m’avait écouté avec une oreille…
Tu avais écouté Monsieur avec une oreille ?…
Oh ! mon Dieu !…
Je croyais pourtant que vous m’aviez vu d’un œil…
De quel œil avais-tu vu Monsieur ?
Ma foi, papa, M. Gélinotte ne me déplaisait pas plus qu’un autre.
Doux aveu !
Des têtes de mort, chez moi ?… je n’ai que la mienne.
Parbleu ! un avoué !
Pourvu que Monsieur n’écorche personne !
Moi !
Dame, un avoué ! ah ! ah !
Ah ! ah ! ah !… c’est très drôle ! (À part.) C’est bête !
Je comprends qu’à la rigueur…
Tu vas trop loin ! (À Gélinotte.) Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur… mais je n’engage pas ma parole… Seulement, s’il arrivait que vos affaires vous appelassent à Étampes, je pourrais consentir à ce que vous nous y reconduisissiez… nous repartons aujourd’hui… Venez, cela vous est loisible.
Vraiment ! ah ! monsieur, je prends acte de vos paroles et je cours de ce pas retenir trois places de coupé.
Scène XI
Le voilà !… le voilà !… je viens de l’apercevoir de ma fenêtre !
Qui ça ?
Mon fils ! Mon présomptif !
Son présomptif !
Ah ! papa, sauvons-nous !
Mon père !
Sans vous, là-bas ma vie
Était remplie (bis)
D’ennui mortel !
J’ai pris la fuite,
Et je m’abrite
Sous le toit paternel !
Sans nous, là-bas sa vie
Etait remplie (bis)
D’ennui mortel !
Mais par la fuite,
César s’abrite
Sous le toit paternel !
Blâmant déjà sa vie,
je l’ai flétrie (bis)
Arrêt cruel !
Car, son mérite
Dément bien vite
Le portrait paternel !
Comment ! C’est là M. Votre fils ?
Oui, sans doute… (À César.) M. Poupardin et sa fille.
Monsieur… mademoiselle…
Allons, ho ! du combustible !
Excusez-moi de me présenter dans un pareil négligé… mais, vous le savez, les voyageurs ont des privilèges…
Il est beaucoup mieux que son signalement.
Et si quelque chose peut me consoler de m’offrir ainsi à vous avec tout le sans-gêne du débotté, c’est que les rigueurs de l’étiquette auraient retardé le bonheur que j’éprouve à me trouver au milieu de vous.
Est-il devenu fadard !
Mais il a l’air très convenable, ce jeune homme.
Sais-tu que nous t’attendons depuis ce matin… tu nous as fait droguer.
Mon père !
Ces médecins, ils arrivent toujours trop tard !
Gélinotte… (À part.) Diable ! (Haut.) Toi, ici ?…
Bonjour, César !
Qu’est-ce que c’est que celui-là ?
Un de mes amis, que je ne m’attendais pas à retrouver ici… Depuis quand as-tu quitté Paris ?
Depuis un an.
Ah !… (À part.) Voilà qui me rassure sur sa discrétion
Ça, un avoué ?… oh ! ce coquillage !
Mon compliment sincère.
Dis donc, la petite te guigne… Allume ! allume !
Chut !
Quelle carnation ? ah ! méchant ! (À Poupardin.) Il n’est pas encore bien à son gobelet, mais laissez-lui prendre son pivot… vous verrez comme il se met ! Je vous laisse ensemble, vous allez le creuser, creusez-le… (À César.) Hardi là !… du pavillon, du pavillon à mort !
Je vais retenir les trois places de coupé, et je reviens !… (À Camille.) À bientôt, mademoiselle.
Décidément, il me gêne des entournures, ton avoué !
Il vous plaît assurément,
Avec lui, causez un moment,
Vous vous convaincrez aisément
Qu’il doit faire un mari charmant.
Il peut plaire, assurément ;
Mais je doute qu’en un moment
Il me prouve facilement
Qu’il doit être un mari charmant !
Elle est charmante, vraiment ;
Mais je doute qu’en un moment
Je lui prouve facilement
Que je suis un futur charmant !
Je lui plais, assurément,
Il m’aura suffi d’un moment
Pour lui prouver facilement
Que je suis un futur charmant !
Scène XII
C’est vous qui le métamorphosâtes ?
Oui, monsieur… Et, franchement, avant mon arrivée, ne vous étiez-vous pas fait une tout autre idée de ma personne ?
Il est vrai que M. votre père nous avait fait de vous un portrait…
Ressemblant… il l’a été… Je fus absolument tout ce qu’il vous a dit que j’étais… mais je me suis transformé… Ai-je gagné au change ?… il ne m’appartient pas d’en juger…
Oh ! certainement, vous avez gagné, beaucoup gagné.
Ce témoignage me suffit, et, dût-il être ma seule récompense.
Et y a-t-il longtemps que vous dépouillâtes votre ancienne existence ?
Du jour où, après mon temps d’école, abordant une profession sérieuse, je résolus d’adopter des habitudes et des goûts sérieux ; du jour où, voulant entrer dans le monde pour m’y créer une position, je songeai à en épouser le ton, les manières et le costume ; du jour enfin, où, voulant plaire à une jeune personne de bonne famille, d’éducation distinguée, je compris qu’il me fallait rompre irrévocablement avec un passé qui ne m’avait offert que des distractions creuses et des plaisirs sans bonheur…
Et un style sans orthographe… mais aujourd’hui…
Aujourd’hui, l’habitué du quartier Latin a fait place à l’austère docteur… celui-ci est ardent à l’étude, comme l’autre était ardent à la dissipation ; celui-ci n’a plus qu’un désir, c’est de se placer honorablement dans les rangs de la science et dans l’estime des honnêtes gens.
De l’éloquence, du jugement, une noble ambition et de la grammaire !
Et de la tournure… (À part.) Quel dommage qu’il soit médecin !
Et, maintenant que je vous vois, mademoiselle, que je comprends tout ce que vous méritez… j’ai bien peur de ne pas être encore digne de vous !
Oh ! monsieur… (Vivement et allant à lui.) Vous ne pourriez pas vous faire avoué ?
Avoué !
Oh !… puisque Monsieur a étudié la médecine, il ne peut pas…
Oh ! non, non, monsieur… vous en savez assez… C’est que, médecin, c’est bien vilain !
Et pourquoi donc ?
Vivre continuellement au milieu des crânes, des squelettes et des messieurs écorchés !
Rassurez-vous, ce sont là des objets d’étude qui ne sortent pas du cabinet.
C’est de l’ostéologie.
Oui, mais, soigner des malades, des mourants, des morts…
Des morts, le moins possible.
C’est de la pathologie…
Et ne pensez-vous pas qu’il y ait quelque mérite à donner ses soins, ses veilles et parfois même sa vie…
Ah !
Pour sauver son semblable ?
C’est de la philanthropie ! (Avec émotion.) J’apprécie comme je le dois l’honneur que vous me faites de briguer la main…
Scène XIII
Ah !… monsieur, j’ai vu maître Paillotet le notaire… il ne viendra pas.
Ah ! mon Dieu ! moi qui ai contremandé…
Il venait de passer son habit noir ; je lui ai dit la chose… alors, il a remis sa redingote.
Je ne sais comment vous avouer… Ce fonctionnaire allait venir pour le contrat… et, ma foi… d’après les renseignements qu’on m’avait donnés sur votre personne, dame !… moi… je… Et… il a remis sa redingote…
Que faire ?
Eh bien, mais c’est facile… Il n’a qu’à remettre son habit.
Ah ! oui… c’est ça !… un habit, c’est si vite mis !
Ah ben ! ah ben ! ah ben !…
Scène XIV
Mon cher gendre, croyez que je me félicite sincèrement…
Ah ! ah ! encore ensemble ! (À Poupardin.) Eh bien, mais ça biche ! Il paraît que ça biche !
Il m’a plu, je lui ai plu… et, dès qu’un beau-père et un gendre se plurent…
Bravo ! bravissimo !… Eh bien, vrai, là… ce n’est pas parce que c’est mon fils, mais vous aurez là un gendre soignemuche !
Qu’entends-je !… comment, un gendre ?… et les trois places de coupé que j’apporte ?
Monsieur, je me dois à moi-même de vous témoigner tous mes regrets, mais c’est ma fille…
Certainement, monsieur, je suis désolée… (Indiquant César.) Mais c’est Monsieur…
Comment ! toi, mon ami ?…
Tu avais donc des prétentions sur Mademoiselle ?… Ma foi, mon cher, j’ignorais… ça m’afflige, mais… (Montrant Tourterot.) c’est mon père…
Comment ! monsieur ?…
De quoi ?… vous voulez aussi ?… du flan !
Mais permettez, monsieur !…
La Marseillaise !… (Gélinotte remonte.) Il me bassine, cet avoué ! (À César.) Il me bassine !
Mon père, ça ne se dit plus !
Non ? Eh bien, il me traquemarde !… (À Gélinotte.) Vous me traquemardez… voilà !
Impossible de l’arrêter !
Ne moussez donc pas comme ça, mon brave homme… faut se faire une raison… (Montrant Poupardin.) Monsieur est comme moi, il abomine les avoués… (Gélinotte remonte.) Pour lors, il préfère marier sa fille à un médecin, à mon jeune homme… au docteur Césarius !
Césarius !… où diable ai-je vu ce nom-là ?
Faut en prendre son parti, mon cher, vous êtes fumé !
Oh ! mais c’est ça !… j’y suis !… ces lettres que je viens de recevoir… (Tirant une lettre et regardant la signature.) « Césarius ! » Eh ! justement !… (À Poupardin.) Le docteur Césarius ne peut pas épouser votre fille !
Pourquoi donc ça ?
Ah ! monsieur l’épanoui… et pourquoi donc ça ?
Pourquoi ? Parce qu’il est marié !
As-tu fini, portier !
Lisez ça !
C’est écrit.
Ah ! papa, c’est affreux !
C’est de la bigamie !
C’est de la polygamie !
C’est de la polissonnerie !
Ah ! ah ! ah !…
Il rit, le sans-cœur (Sévèrement à César.) Est-ce que vous prétendez continuer longtemps cette balançoire ?…
Voyons, monsieur, qu’avez-vous à dire ?
Mais c’est une chose toute simple !
Toute simple !
Il est à mettre sous verre !
À toi la pose, pousse ton dé.
Je venais de passer ma thèse ; j’étais reçu docteur… il s’agissait de s’établir, de se former une clientèle… Un de mes amis était dans la même position que moi… et, malgré trois mois d’efforts, de travail, d’activité, nous ne possédions pas un seul malade à nous deux.
Vous étiez des docteurs panés… quoi !
Cela se comprend !… des jeunes gens, des garçons, ça n’inspire de confiance ni aux femmes, ni aux époux ; mais voilà qu’un beau jour, mon confrère se marie, il fait part de sa nouvelle position à tout Paris, et les clients commencent à venir : ce résultat m’ouvrir les yeux, et, ma foi, j’épousai…
Ah !…
C’est-à-dire, j’inventai mademoiselle de Follembuche… et le docteur Césarius, sans compromettre le célibataire César, eut soin de mettre tout le public dans la confidence de son bonheur… imaginaire.
Ah ! c’est une bonne banque, ça !
C’est absurde !
C’est de la diplomatie !
À la bonne heure, voilà un mariage qui n’empêche pas…
De se marier.
Ah ! vieux bilboquet, va !
Ce jeune homme a la triture des affaires !
Vous verrez, papa, il fera son chemin.
Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur que… mais…
Mais on vous chante la Colonne !… (À Poupardin.) Chantez-lui donc la Colonne, et prenons une prise…
Oui, prenons une… (Apercevant la miniature de la tabatière.) Ah ! mon Dieu ! que vois-je !… ce portrait !… (À part.) C’est mon inconnue de Châtellerault !… ma voix flûtée… « C’est toi, Arthur ?… »
La légitime à papa… ma défunte !
Votre défunte !… comment ! c’est là votre femme ?
Mon père !…
Chut ! ça flatte un veuf.
Vingt-six ans ! quel soupçon !… (Regardant César.) Oui, ce nez, ces yeux… (Allant à César.) Jeune homme, votre âge ?
Comment ?
Un fier âge, allez, pour le conjugo… vingt-cinq ans aux chasselas.
Juste ! Ah ! j’éprouve un je ne sais quoi !…
Qu’est-ce qui lui prend ?
Ah ! mon ami, s’il était possible que vous connussiez, que vous apprissiez…
Quoi ?
Quoi ?
Rien… rien… (À part.) Je ne puis pourtant pas lui dire, à ce malheureux.. (Haut.) Mais la joie… l’émotion…
Mon ami !… (À Tourterot) Arthur ! ne m’en veuillez pas !… les circonstances, la fatalité (Il saute au cou de César et l’embrasse à plusieurs reprises.) Camille ne peut être votre femme !
Ah ! je savais bien, moi !
Et pourquoi ça ?… pourquoi donc ça ?
Il est bon, le père… puisqu’il est marié !
Mais, songez-y, monsieur, après votre promesse de tout à l’heure, me défendre d’aimer…
Ma fille !… Au contraire, aimez-la, jeune homme, aimez-la toujours !…
Qu’est-ce qu’il dit donc ?
Mais, quant à l’épouser, jamais !
C’est trop fort !
Voici mon gendre… mon gendre définitif !
Mon père !
Laisse-moi donc… depuis ce matin qu’il nous mécanise !… En voilà un oiseau !…
Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur que.. mais…
Mais on vous chante, comme à moi, tout à l’heure… (À Poupardin.) Chantez-lui donc la Colonne…
Et prenons une prise.
Oui, prenons une… (Apercevant le portrait et saisissant la boîte.) Ah ! mon Dieu !… je ne me trompe pas !… cette figure !…
La défunte à papa, quoi !
Ça ? mais non ! (Bien accentué.) C’est maman !
Votre mère !…
J’ai la reconnaissance !
Madame Gélinotte !… autrefois maîtresse de poste à Châtellerault !
Je suis mordu !
Mais alors cette défunte n’était donc pas votre femme ?
Eh ben, quoi ! une défunte d’occasion, là !… que j’ai épousée dans une vente pour sept francs… À qui que ça donne des engelures ?
Mais alors… oui, ce nez… ces yeux… Jeune homme, votre âge ?
Bon ! il va recommencer !
Moi ?… j’aurai vingt-cinq ans, comme César, aux vendanges !
Juste !… Ah ! j’éprouve un je ne sais quoi !
Ah ! mais ça devient fatigant.
La joie ! l’émotion !
Camille ne peut être votre femme !
Qu’est-ce que vous dites donc ?
Décidément, c’est un tic !
Mais soyez tranquille, j’aurai l’œil sur vous !
Eh ! quand vous aurez votre œil sur moi, ça me fera une belle jambe !
Votre charge n’est pas soldée, on y pourvoira.
Bah !
Chut ! (Allant à César.) Voici mon gendre, mon gendre définitif !
Eh bien, à la bonne heure ! ça devait finir comme ça !… à force de tourner, on revient… le jeu de l’écureuil.
Quel bonheur ! retrouver après vingt-six ans… (Bas à Tourterot.) Comment le trouvez-vous ?
Vous savez bien cette aventure à Châtellerault ?… (Montrant Gélinotte.) C’est lui !
Ah bah ! c’est là le tubercule ?
Mais, enfin, expliquez-nous donc…
Voilà ce que c’est…
Scène XV
Maître Paillotet…
Ah ! enfin !
Alors, la main aux dames… la mariée en tête, en avant les quilles ! Il ne faut jamais laisser refroidir… un notaire !
Plus de tristesse,
Plus de chagrin
Bonheur certain.
Plus de tristesse,
De chagrin.
Buvons jusqu’à demain.